Une experte s’interroge sur la pertinence d’un 3e lien réservé au transport collectif


Jean-Luc Lavallée
Une experte en aménagement du territoire salue l’abandon du volet autoroutier du projet de troisième lien, mais elle n’est pas plus convaincue de la pertinence d’un tunnel réservé à 100% au transport collectif.
• À lire aussi: Plusieurs conducteurs de poids lourds et automobilistes dénoncent l’abandon du 3e lien
• À lire aussi: Troisième lien: une décision «difficile», disent François Legault et Geneviève Guilbault
• À lire aussi: 3e lien sans autos: des maires et des gens d’affaires de la Rive-Sud en beau fusil
Le retrait des voies automobiles du projet était la chose à faire, ont répété mercredi divers spécialistes en urbanisme, incluant la directrice du Département de géographie à l’Université Laval, Marie-Hélène Vandersmissen, titulaire d’un doctorat en aménagement du territoire.
«Diminution de la circulation ou pas [en raison du télétravail depuis la pandémie], il s’agissait d’un mauvais projet au départ puisque l’ajout d’infrastructures routières n’a jamais et nulle part contribué à diminuer la congestion. En cela, la science et la pratique étaient claires là-dessus», a-t-elle réagi, se réjouissant de constater que le gouvernement Legault semble désormais plus à l’écoute des études et de la science.
«Je me questionne cependant sur la pertinence d’un tunnel consacré uniquement au transport collectif. Il n’y a pas d’offre en transport en commun actuellement entre les deux centres-villes, donc il ne peut y avoir de demande. Ce projet servirait donc de “levier” pour créer une demande en transport collectif. Ici aussi, cela va prendre des études sur l’achalandage potentiel», a-t-elle nuancé.
Une dépense justifiée?
«Il y a certainement un risque d’investir énormément d’argent dans un projet qui finalement serait sous-utilisé [...] Les besoins d’investissement en transport en commun à court terme se situent probablement ailleurs: meilleure desserte des banlieues nord [et] du côté ouest, là où est la demande actuelle», suggère-t-elle.
La «seule option viable»
Le professeur de l’École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional Jean Dubé comprend les doutes exprimés par sa consoeur de l’Université Laval, mais il continue de croire qu’un troisième lien dédié entièrement au transport en commun demeure la «seule option viable», offrant ainsi une «vraie alternative» à la voiture.
C’est d’ailleurs ce qu’il proposait dans un ouvrage paru en 2021. «Si on veut s’entêter absolument à aller dans la direction [d’un tunnel], la meilleure option, en fait la seule option qui me semble viable, c’est celle où il y a uniquement du transport collectif. On risque peut-être de “booster” la part modale du transport en commun parce qu’il va devenir avantageux par rapport à la voiture. Si les gens le prennent pour aller au centre-ville, ça va diminuer la congestion.»