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L'article provient de Le Journal de Montréal
Sports

Cette alpiniste québécoise croise la mort avant d’atteindre le troisième sommet le plus élevé au monde

Photo fournie par MARIE-PIER DESHARNAIS
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Photo portrait de Richard Boutin

Richard Boutin

2025-06-01T04:00:00Z
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Si l’ascension des massifs les plus élevés de la planète représente un défi colossal en soi, l’alpiniste Marie-Pier Desharnais a dû surmonter un obstacle de taille supplémentaire qui l’a passablement ébranlée en route vers le troisième plus haut sommet de la terre.

• À lire aussi: Malgré la peur ressentie à sa dernière ascension, une alpiniste québécoise ne renoncera pas à la passion qui lui a sauvé la vie

Le 18 mai, à 5h45, l’aventurière native de Victoriaville a atteint le sommet du Kangchenjunga, situé à 8568 m d’altitude, à la frontière du Népal et de l’Inde. Quelques centaines de mètres avant le sommet, Desharnais a croisé la mort.

Photo fournie par MARIE-PIER DESHARNAIS
Photo fournie par MARIE-PIER DESHARNAIS

«Je me suis mise à pleurer quand j’ai vu Margareta [Morin] qui était décédée le visage au sol, accrochée à la corde fixe que l’on retrouve dans les montagnes de l’Himalaya pour assurer notre sécurité, a raconté la Québécoise de 38 ans. Ce n’était pas la première fois que je voyais un décès en montagne, mais je demeurais un peu insensible parce que je ne connaissais pas la personne. Ça m’a vraiment touchée cette fois-ci.»

«Une semaine plus tôt, on s’était liées d’amitié alors que nos tentes étaient côte à côte, de poursuivre celle qui a gravi l’Everest (8848 m) en mai 2021. J’ai reconnu son sac à dos. J’ai senti la mortalité. Je n’étais pas en paix le reste de l’ascension. J’étais tourmentée. Je suis consciente des risques, mais ça prend une dimension plus concrète quand tu vis une telle expérience. Ils nous avaient dit que son corps avait disparu.»

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Dans un texte publié par l’AFP le 12 mai, un porte-parole de la compagnie Peak 15 Adventure qui accompagnait la dame a donné les explications suivantes: «Elle a été victime d’un problème de santé pendant l’ascension, probablement un accident vasculaire cérébral causé par le mal des montagnes.»

Professeure de flûte traversière dans la région de Lyon, elle aimait jouer de son instrument quand elle atteignait un sommet, mentionne le même article.

Une première ascension de 8000 m

Âgée de 63 ans, la Française qui a perdu la vie tentait d’atteindre le sommet d’une montagne de 8000 m pour la première fois. «Sa mort était complètement évitable, a affirmé Desharnais. Le gouvernement népalais n’a pas fait son travail, se souciant uniquement d’empocher l’argent d’une étrangère blanche qui a des étoiles dans les yeux à l’idée de gravir une montagne reconnnue.»

Desharnais estime que le gouvernement devrait s’enquérir de l’expérience des gens avant de leur accorder un permis. «Malgré ce que laissent croire les médias sociaux, ce n’est pas vrai que c’est facile et que tout le monde peut réussir un sommet de 8000 m. Le gouvernement devrait s’assurer de l’expérience des candidats. Si tout le monde faisait ses devoirs au lieu que l’appât du gain soit priorisé à la sécurité, des morts pourraient être évitées.»

L’euphorie du sommet n’était pas au rendez-vous

Pour cette raison évidente et bien d’autres, Desharnais n’a pas vécu l’euphorie habituelle lorsqu’elle a atteint le sommet du Kangchenjunga. «J’ai souffert tellement du froid que j’avais hâte de redescendre. Je pensais seulement à mes orteils. J’ai perdu la sensibilité dans huit de mes orteils et ça me préoccupait beaucoup. J’ai vécu de l’anxiété et ce n’était pas très reposant pour l’esprit. Je ne pouvais pas me permettre d’avoir du plaisir. J’étais tellement à bout que ma seule envie était de retourner au camp de base.»

La première femme des Amériques à atteindre les sept plus hauts volcans au monde n’a pas ressenti le sentiment grisant qui accompagne ses plus grandes ascensions. «Il n’y a pas eu ce sentiment de chaleur qui te traverse le corps, comme on ressent au lever du soleil.»

En plus du froid, Desharnais a connu une ascension pénible. «Ça ne s’est pas super bien passé, a-t-elle indiqué. Je suis montée seule à un certain moment. Mon sherpa n’était pas fiable. J’ai manqué d’oxygène pendant quelques minutes, et ce furent des moments assez intenses.»

«J’ai perdu le nord pendant quelques minutes, d’ajouter Desharnais. Ce sentiment de peur m’a accompagnée jusqu’à la fin.»

A-t-elle songé à rebrousser chemin et à rentrer au camp de base? «Je n’ai pas eu la sensation que plus rien ne dépendait de moi, comme ce fut le cas lors de l’ascension du K2 (8611 m). Mon sentiment était que je devais tout sortir de moi et que mon énergie allait faire la différence. La ligne est brouillée entre détermination et entêtement. Je ne souffre pas de la fièvre du sommet et j’ai rebroussé chemin à plusieurs reprises.»

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