Un rôle marquant pour Guy Thauvette dans «Le dernier des monstres»
«Le dernier des monstres» est disponible sur illico+
Marjolaine Simard
Le comédien Guy Thauvette continue de nous bouleverser. Dans la série Le denier des monstres, un suspense à forte résonance religieuse, il livre une performance marquante aux côtés de Luc Picard et Benoit Drouin-Germain. Après plus de 60 ans de carrière, sa passion pour le jeu ne faiblit pas. Il se confie ici sur son parcours fascinant, nourri par les débuts de la télévision, son amour profond pour le cinéma, son esprit militant et son attachement indéfectible à sa famille.
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Vous incarnez Jean Louis dans cette nouvelle série. Qui est-il?
Jean Louis, c’est un intellectuel à la retraite, un ancien prof d’histoire du secondaire. Il vit entouré de livres dans un bureau aux boiseries magnifiques. On vient le consulter à cause d’une série de meurtres à caractère religieux, possiblement liés à une secte dont il a connu certains membres... mais il répond toujours un peu vaguement. Ce qui est particulier, c’est que ce personnage est amoureux. J'ai rarement joué quelqu’un d’amoureux.
Comment s’est passé le tournage?
Je n'avais que trois jours de tournage, mais beaucoup de texte. J’apparais dans neuf épisodes. J’ai surtout tourné avec Benoit Drouin-Germain, dans cette grande pièce pleine de livres. J’ai engagé la comédienne Myriam De Verger pour m’aider à apprendre mon texte, ce que je faisais avant avec ma compagne, Léa-Marie Cantin, qui est aujourd’hui décédée. Le réalisateur, Adam Kosh, a été formidable. Je lui avais dit avant d’accepter ce rôle: “J’ai 81 ans, je suis en deuil, ma mémoire n’est plus celle de mes 35 ans.” Il m’a offert un cadre humain et rassurant. Un vrai cadeau!
Vous évoquez le décès de Léa-Marie Cantin, votre conjointe...
Elle est morte en novembre 2023, après un combat contre le cancer. On a passé 38 ans ensemble... Quand je me demande si je vais tomber amoureux à nouveau, je me rends compte à quel point c’est immense, l’amour. Dire: «Je suis en amour» et le vivre au quotidien, c’est quelque chose de grand. Peut-être que ça m’arrivera encore...
Vous êtes père de deux filles. Quel lien entretenez-vous avec elles?
J'en ai eu une avec Léa-Marie et une autre d’une relation précédente. Mes filles sont très présentes dans ma vie. Elles m’appellent souvent pour savoir si je vais bien, si je mange correctement... Elles s’inquiètent parce qu’au début de mon deuil, je dois l’avouer, je ne m’occupais pas tellement de moi. Leur amour m’a beaucoup aidé à remonter la pente.
Que font vos filles?
Ma plus jeune, Fanny, étudie pour devenir sage-femme. Elle termine ses stages, elle adore ça. Rosalie, ma fille aînée, vient en aide aux aînés. Justement, elle était au chevet de mon amie Kim Yaroshevskaya pendant la fin de sa vie. Leur humanité me touche profondément.
Qu’est-ce qui vous a mené au métier d’acteur?
Je suis né en 1944 et j’ai connu les débuts de la télévision dans les années 1950. Mon grand-père en avait une, et le dimanche, on regardait Pépinot et Capucine. Déjà à cette époque, la télé me fascinait. Mon père est mort quand j’avais cinq ans, laissant ma mère seule avec quatre enfants. Malgré mon âge, en tant qu’aîné des garçons, j’ai un peu pris le rôle du père. Je racontais des histoires à mon frère et mes sœurs, on fabriquait des marionnettes et on montait des pièces de théâtre dans le garage. Sinon, près du chalet de mon grand-père, il y avait une colonie de vacances qui projetait des films. Mon frère André et moi, on sortait le soir en cachette pour les regarder par la fenêtre: Chaplin, Laurel et Hardy... J'en garde des souvenirs inoubliables.
Cette passion pour le cinéma et le théâtre s’est-elle poursuivie en vieillissant?
Lorsque j’étudiais au Collège Bourget à Rigaud, il y avait un ciné-club. J’y ai vu du cinéma qui venait de partout dans le monde. J'ai donc développé une culture cinématographique, puis je me suis occupé du ciné-club à l’Externat classique de Longueuil, où j’ai réussi à tripler le nombre de membres. Plus tard, un prêtre nous passait sa Peugeot blanche pour qu’on aille voir des spectacles à Montréal. J'ai vu L'opéra de quat’sous au TNM avec Monique Leyrac, Pauline Julien et Gabriel Gascon.
Est-ce à ce moment-là que vous avez eu la piqûre pour le métier?
Pas tout de suite. On était dans les années 60, une époque où tout bougeait dans les rues, dans les idées, dans le monde. J’ai fait du pouce jusqu’à Washington avec un ami pour participer à la marche pour les droits civiques. On avait une pancarte qui disait: «French-Canadians for integration». On était des milliers. J’étais là-bas quand Martin Luther King a prononcé «I have a dream». Il y avait Peter, Paul and Mary, ainsi que Mahalia Jackson qui chantaient. C’était bouleversant. En revenant, je me suis dit: «Je veux devenir journaliste.» Mais un peu plus tard, au collège, j’ai joué dans une pièce. Après le spectacle, tout le monde me disait: «T'es bon!» Je blague un peu, mais c’est vrai que ça pognait aussi avec les filles. (rires) À la fin, le metteur en scène m’a dit: «Tu devrais devenir acteur, tu serais bon.» Il m’a coaché pour mes auditions, et j’ai été pris. C’est là que tout a commencé.
Mais vous avez quitté le Conservatoire assez tôt...
Oui. On trouvait que l’enseignement était trop rigide et classique, alors que ça brassait au niveau théâtral, surtout à New York. Raymond Cloutier et moi, on a fondé un comité étudiant pour élargir le répertoire. On a boycotté les examens. J’ai eu zéro partout. On m’a dit que je devrais recommencer mon année, alors j’ai quitté l'école.
C’est là que vous vous êtes joint à des acteurs comme Raymond Cloutier, Paule Baillargeon et d’autres de L’École nationale, pour créer la troupe de théâtre Le Grand Cirque ordinaire...
Oui, on faisait du théâtre engagé. Un jour, on a présenté la pièce T’en rappelles-tu, Pibrac?, qui racontait la révolte populaire du petit village de Pibrac, près du barrage du même nom au Saguenay. Cette pièce a beaucoup mobilisé les gens de ce coin-là. Robert Bourassa n’a pas aimé ça et il nous a coupé les vivres, on a perdu tout notre matériel. Mais on a créé une coopérative et monté une quinzaine d’autres spectacles. C’était fort, humain, politique. Une belle époque!
Votre carrière a rapidement pris son envol et depuis, vous enchaînez les rôles...
Mon premier rôle à la télévision était dans la série Suivez cet homme, avec Robert Gadoua, puis au cinéma dans Le grand Rock. C’était mes débuts à l’écran. Ensuite, je n’ai pas arrêté de faire du théâtre, du cinéma et de la télé. Après 60 ans de carrière, j’ai bien l’intention que ça continue.