Un poème retrouvé sur un bout de papier chiffonné est à l’origine du coquelicot comme symbole du jour du Souvenir

Martin Lavallée
Au Canada, le 11 novembre de chaque année est le jour du Souvenir, qui souligne la fin de la Première Guerre mondiale. À l’heure actuelle où des conflits militaires se déploient dans certains endroits du monde et menacent d’embraser le globe, cette journée est l’occasion de se rappeler les atrocités de la guerre, de se questionner sur ses causes profondes et d’honorer la mémoire de ceux qui sont morts au combat. C’est aussi l’occasion d’arborer le coquelicot rouge, l’emblème officiel du jour du Souvenir.
Signé le matin du 11 novembre 1918, à 5h, l’armistice entre les Alliés et l’Allemagne stipulait que le cessez-le-feu entrerait symboliquement en vigueur à onze heures, le onzième jour du onzième mois de l’année. Ainsi, comme si ce conflit mondial n’avait pas déjà fait trop de victimes (environ 10 millions de morts au total), les combats continuèrent pendant les quelques heures qui séparèrent la signature du traité et son entrée en vigueur. C’est pourquoi George Lawrence Price fut le dernier soldat canadien tué durant cette guerre, le matin du 11 novembre, à 10h58, soit deux minutes avant la fin officielle du conflit.
Même s’il est difficile de commémorer ce genre d’événement meurtrier qu’est une guerre et surtout d’y trouver un sens, le jour du Souvenir est souligné dans plusieurs pays. Pour l’occasion, nombreux sont ceux qui portent un coquelicot en boutonnière. Voici l’histoire de ce symbole important du 11 novembre.
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L’influence d’un poème
Au champ d’honneur, les coquelicots,
Sont parsemés de lot en lot
Auprès des croix; et dans l’espace
Les alouettes devenues lasses
Mêlent leurs chants au sifflement
Des obusiers
(...)
C’est ce poème du soldat canadien John McCrae (1872-1918) qui est à l’origine du coquelicot comme symbole du jour du Souvenir. Il a été écrit originalement en anglais, en 1915, sous le titre In Flanders Fields. McCrae le rédige alors qu’il participe à la deuxième bataille d’Ypres, dans les Flandres, à titre de chirurgien.
Selon la version rapportée par l’historien Jonathan F. Vance, dans son ouvrage Mourir en héros. Mémoire et mythe de la Première Guerre mondiale, McCrae a composé ce poème en méditant sur la mort d’un ami, qui a été tué la veille par un obus. Sorti de ses songes et devant retourner à ses fonctions, McCrae a chiffonné le papier et l’a jeté par terre. Un homme l’a trouvé, ramassé puis, ému de sa lecture, l’a envoyé à des journaux anglais pour publication. C’est ce qui a donné sa popularité au poème et à son auteur.
À travers les vers de McCrae est dépeinte la dualité du monde: la beauté de la nature, incarnée notamment par le coquelicot et les alouettes, qui côtoient la mort et les horreurs de la guerre.
Une professeure américaine et membre du YMCA de New York, Moina Michael, serait la première personne, en novembre 1918, à porter le coquelicot pour se souvenir des soldats morts au front. Inspirée par les vers de McCrae, elle amorce un mouvement parmi ses collègues et elle lance des campagnes de financement pour les vétérans de la guerre. Le mouvement fait peu à peu boule de neige au cours des années pour devenir le symbole officiel du premier conflit mondial dans de nombreux pays. C’est en 1921 que la petite fleur rouge est devenue officiellement le symbole du jour du Souvenir en Grande-Bretagne et au Canada.

Comment le porter?
La Légion royale canadienne, qui encadre le protocole du port du coquelicot, stipule qu’il doit être porté à gauche, au niveau du cœur, à partir du dernier vendredi d’octobre jusqu’au jour du Souvenir. Tous les 11 novembre, à Ottawa, la Tombe du Soldat inconnu est recouverte de milliers de coquelicots, moment solennel empreint de respect envers ceux qui ont perdu la vie au cours de ce conflit sanglant.