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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Confessions: un défi de taille pour Luc Picard

Luc Picard se glisse dans la peau du tueur à gages Gérald Gallant dans son nouveau film, Confessions.
Luc Picard se glisse dans la peau du tueur à gages Gérald Gallant dans son nouveau film, Confessions. Photo Jocelyn Michel, byconsulat.com
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Photo portrait de Maxime Demers

Maxime Demers

2022-07-16T04:00:00Z
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Luc Picard n’a jamais eu peur des défis. Pourtant, quand il s’est fait offrir d’incarner le tueur à gages Gérald Gallant dans Confessions, un film qu’il a aussi réalisé, l’acteur et cinéaste s’est accordé un temps de réflexion avant de donner sa réponse. «Je trouvais ça pas mal costaud comme contrat», confie-t-il en entrevue. 

• À lire aussi: Confessions: un rôle en or pour David La Haye

«J’avais déjà joué dans plusieurs de mes films avant (dont L’audition et Ésimésac) alors je savais que je pouvais le faire, précise l’acteur de 60 ans. Mais pour Gallant, c’était plus complexe parce que c’est un rôle de composition et qu’il est présent dans presque toutes les scènes du film. C’est fatigant physiquement, mais c’est aussi un piège narratif de mettre en scène un personnage qui est tout le temps là, parce que le spectateur finit par ne plus le voir. 

«J’ai finalement accepté de l’interpréter moi-même parce que c’était du bonbon à jouer. Gallant, c’est le contraire d’un tueur à gages typique. Quand on pense à un tueur à gages, on s’attend toujours à un gars slick et intelligent. Gallant, ce n’est pas ça. C’est un petit monsieur bizarre qui n’a l’air de rien et qui n’a pas du tout le profil de l’emploi.»

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Scénarisé par Sylvain Guy (Détour), d’après le livre Gallant : Confessions d’un tueur à gages, le drame policier Confessions retrace donc le parcours de Gérald Gallant, l’un des pires tueurs à gages de l’histoire du Québec. Acteur important de la guerre des motards des années 1990 et 2000, Gallant a admis avoir commis 28 meurtres et 12 tentatives de meurtre entre 1972 et 2003, alors qu’il travaillait pour le compte des Rock Machine, les ennemis jurés des Hells Angels. 

Or, même s’il multipliait les contrats comme tueur à gages, Gérald Gallant menait une vie en apparence tranquille dans sa petite maison de Donnacona, auprès de sa femme qui ignorait les détails de ses activités criminelles. Il est devenu délateur en 2006 après avoir été arrêté en Europe pour une banale affaire de fraude par cartes de crédit. 

La Criminalité québécoise

Fasciné par cette histoire digne d’un scénario de film hollywoodien, le producteur Christian Larouche (Louis Cyr) a acquis les droits d’adaptation du livre des journalistes Éric Thibault et Félix Séguin peu de temps après sa parution aux Éditions du Journal, en 2015. Il a rapidement offert la réalisation du long métrage à Luc Picard, qui, étrangement, s’était déjà intéressé au cas de Gérald Gallant dans un projet de film précédent.

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«Une dizaine d’années plus tôt, j’avais commencé à écrire un scénario d’un film choral dans lequel il y avait un personnage inspiré par Gérald Gallant, rappelle Picard. C’était un tueur bègue qui faisait de la bicyclette, comme Gallant. Le personnage m’intéressait donc déjà depuis longtemps. Puis, quand j’ai lu le scénario de Sylvain [Guy], j’ai aimé l’idée de montrer cette criminalité québécoise à l’écran. Ce n’est pas quelque chose qu’on a souvent exploré dans notre cinéma, à part peut-être dans Requiem pour un beau sans-cœur, de Robert Morin.»

«D’ailleurs, Confessions, c’est quasiment un film sur les pauvres, ajoute-t-il. Les criminels qu’on voit dans le film sont pauvres dans tous les sens du terme. Ils n’ont pas beaucoup d’argent, pas beaucoup de culture ni d’éducation. Gallant a sa petite maison de banlieue, mais il n’a pas beaucoup de pouvoir. Il ne chargeait même pas cher pour ses meurtres. Il a tué un membre de la famille Cotroni. On m’a dit qu’il aurait pu demander facilement 100 000 $ pour ce meurtre. Mais il a juste chargé 20 000 $. Avec Gérald, c’était beau, bon, pas cher ! Disons que ce n’était pas un gars doué pour les affaires!»

Confessions met aussi en vedette David La Haye, Sandrine Bisson et Éveline Gélinas. Le film prend l’affiche le 20 juillet. 

Le paradoxe Gallant 

Photo courtoisie
Photo courtoisie

Luc Picard n’a pas lésiné sur les efforts pour se glisser dans la peau du tueur à gages Gérald Gallant. En plus de s’être entraîné physiquement pendant des mois et d’avoir scruté à la loupe les bandes vidéo de ses interrogatoires avec la police, l’acteur et réalisateur est allé à la rencontre de plusieurs criminels qui l’ont côtoyé pendant les années où il sévissait. 

«J’avoue que ça, ça m’a donné chaud en dessous du bras!, confie Luc Picard au sujet de ses rencontres avec des ex-complices ou partenaires de crime de Gallant. 

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«Je l’ai fait parce que je voulais savoir ce qu’ils pensaient de Gallant. Les criminels, c’est un peu comme les joueurs de hockey, ils se connaissent tous entre eux. Ceux que j’ai rencontrés n’ont pas une bonne opinion de Gallant parce qu’il est un délateur. Ils le perçoivent comme un “stool”. 

«Mais ce que j’ai appris par contre, c’est qu’un gars qui est capable d’entrer dans un bar sobre, de regarder quelqu’un qu’il n’a jamais vu de sa vie et de lui tirer cinq balles dans le corps sans faire d’erreur, c’est très rare. C’est un sang-froid que peu de criminels ont et que Gallant avait. Mais comment il pouvait être ça et être en même temps un petit monsieur qui n’a l’air de rien? C’est ce qui fait de lui un personnage si paradoxal...»

Luc Picard prête ses traits à Gérald Gallant dans Confessions. Même s’il était considéré comme l’un des pires tueurs à gages de l’histoire du Québec, Gallant menait une petite vie en apparence paisible dans un quartier tranquille de Donnacona.
Luc Picard prête ses traits à Gérald Gallant dans Confessions. Même s’il était considéré comme l’un des pires tueurs à gages de l’histoire du Québec, Gallant menait une petite vie en apparence paisible dans un quartier tranquille de Donnacona. Photo courtoisie

Pour écrire le scénario du film Confessions, le scénariste Sylvain Guy (Détour) s’est basé en grande partie sur l’ouvrage Gallant : Confessions d’un tueur à gages, qu’ont écrit les journalistes Éric Thibault et Félix Séguin à partir notamment des centaines d’heures d’aveux de Gallant aux policiers. Si le récit du long métrage est construit sur des faits réels, Luc Picard et Sylvain Guy ne cachent pas avoir ajouté des éléments de fictions, notamment dans les scènes d’intimité du personnage.

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«Les meurtres qu’on voit dans le film, c’est la vraie affaire, insiste Picard. C’est vraiment comme ça que ça s’est passé. C’est plus dans la vie personnelle de Gallant qu’on a pris la liberté d’inventer. Si on avait voulu être collé à la vérité, il aurait fallu appeler chaque personne qui a été impliquée dans chaque scène pour lui demander ce qu’elle a dit à ce moment-là. C’est quasiment impossible à faire. Quand tu fais ce genre de film, tu es obligé de te donner des libertés.»

Picard cite comme exemple la relation toxique entre Gallant et sa mère, qui a été romancée dans le scénario de Confessions

«À la fin du générique du film, j’ai mis un court extrait d’un interrogatoire dans lequel le vrai Gallant dit qu’il n’est pas allé aux funérailles de sa mère et que les gens vont peut-être le juger à cause de ça. Moi, je trouve ça très drôle, ça. Tu as tué 28 personnes et tu penses que les gens vont te juger parce que tu n’es pas allé aux funérailles de ta mère! Et il est super sérieux quand il dit ça. Dans la vraie vie, il n’est pas allé aux funérailles de sa mère. On a donc pris la liberté de prétendre dans le film que sa mère lui avait dit qu’elle ne l’aimait pas.»

Une ligne mince

Luc Picard n’en est pas à son premier rôle exigeant. Mais en se glissant dans la peau de Gallant, l’acteur a dû marcher sur «une ligne très mince» afin de composer un personnage que le public aurait envie de suivre malgré la violence de ses meurtres. 

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Éveline Gélinas joue la femme de Gallant dans le film.
Éveline Gélinas joue la femme de Gallant dans le film. Photo courtoisie

«C’était un des plus grands défis du film, admet-il. Parce que si le personnage est juste antipathique, les gens vont se désintéresser du film assez rapidement. Le problème avec Gallant, c’est qu’il est plate. Le défi était de mettre en scène un gars plate pendant deux heures sans trahir le fait qu’il est plate et en essayant quand même de maintenir l’intérêt des spectateurs. Les scènes de son interrogatoire autour desquelles le film est construit nous ont notamment permis de montrer son humanité. Quand on le voit pleurer en parlant de sa femme, par exemple, c’était comme ça dans les vidéos de son interrogatoire. Il peut être attachant dans ces moments-là. On s’est servi de ça pour que les gens embarquent dans l’histoire.»

Luc Picard a tourné Confessions il y a près de trois ans, à l’automne 2019. Si la pandémie a repoussé à quelques reprises la sortie du film, elle a aussi permis à l’acteur et cinéaste de passer un peu plus de temps que prévu sur le travail de postproduction, notamment sur la musique signée par Daniel Bélanger.

«C’est la deuxième fois que je travaille avec Daniel pour la musique de l’un de mes films. On avait eu du fun pour L’Audition il y a une quinzaine d’années, mais là, on s’est vraiment trouvés, souligne Picard. 

«Quand j’ai visionné le film pour la première fois, sans la musique, je trouvais qu’il y avait un problème de ton. J’ai dit à Daniel qu’il fallait que la musique donne au public la permission de rire. Il y a beaucoup d’humour noir dans le film, que certains vont pogner, d’autres peut-être pas. Mais il fallait donner aux spectateurs la permission de rire en leur disant que ça se pouvait que le film ne soit pas aussi lourd qu’ils le pensaient. J’adore la musique qu’a composée Daniel parce qu’elle amène le film totalement ailleurs.»  

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APRÈS GALLANT, LAFLEUR...

Confessions n’a pas encore pris l’affiche que Luc Picard a déjà la tête plongée depuis plusieurs mois dans un autre projet de film très ambitieux : un drame biographique sur la vie de Guy Lafleur.

Picard a en effet été choisi par le producteur Christian Larouche (Confessions, Louis Cyr) pour écrire un scénario de film sur le légendaire joueur de hockey décédé en avril dernier.

«Je suis actuellement dans la recherche et l’écriture, indique Picard. C’est toute une commande parce que Lafleur, c’est un monument. Quand j’ai accepté d’écrire le scénario, on a appris deux semaines plus tard qu’il avait reçu un diagnostic de récidive de cancer. C’est devenu très compliqué de lui parler parce qu’il était en chimio, et que la COVID compliquait les choses. J’ai quand même pu le rencontrer deux fois, et nos rencontres suivantes se sont déroulées par téléphone parce qu’il était fatigué.»

Luc Picard souhaite terminer une première version du scénario cette année. Il doit notamment rencontrer bientôt la famille proche du Démon blond.

«Juste le casting de ce film-là, ça va être quelque chose, avance-t-il. Il ne faut pas juste dénicher le bon acteur pour jouer Guy. On va devoir aussi trouver ceux qui vont jouer Yvan Cournoyer et tous les autres joueurs, et les entraîner au hockey pendant un an avant le tournage. La tâche est immense.» 

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