Un coup de maître de Lapointe et Bobrov: derrière le jeu de poker du CH avec Lane Hutson en 2022

«Au rang qu’il a été choisi, ça pourrait être un vol», nous confiait un recruteur quelques jours après la sélection de Lane Hutson au 62^e rang du repêchage de 2022, à Montréal, par le Canadien. Un prophète, manifestement.

Mais comment le Canadien a-t-il obtenu en fin de deuxième ronde celui qui allait gagner le trophée Calder à plate couture, au fait?

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Le pire dans tout ça, c’est que les recruteurs aimaient Hutson. Tous ceux que nous avions sondés après le repêchage chantaient ses louanges et parlaient avec optimisme de ses perspectives d’avenir dans la Ligue nationale de hockey.

«Ce que je peux te dire, c’est que nous l’avions sur notre liste et cela n’aurait pas été le cas si nous pensions qu’il était trop petit pour évoluer dans le circuit, nous avait indiqué un recruteur d’une équipe très compétitive de l’Est. Ça veut dire que nous pensions qu’il avait le caractère pour accepter une mise en échec. Je pense qu’à travers tes recherches, tu vas constater qu’il a de bonnes chances de jouer dans la LNH.»

«Il a une vitesse de pieds impressionnante qui lui permet de trouver constamment des solutions avec la rondelle», avait observé un dépisteur de l’Association de l’Ouest.

«Son QI hockey est très élevé. Il est solide sur ses pieds et, pour quelqu’un de sa stature, il joue dans le trafic», soutenait un de nos espions.

Ils avaient tous raison, avec le recul. Alors si ce sentiment était partagé à travers la LNH, pourquoi Hutson n’a-t-il pas trouvé preneur plus tôt?

Merci aux recruteurs

Pour la petite histoire, quand l’auteur de ces lignes avait aperçu Hutson aux côtés de Chantal Machabée au repêchage à Montréal dans les instants qui ont suivi sa sélection, il croyait aux premiers abords qu’il s’agissait d’un des enfants proches des tables se pavanant avec les maillots d’équipe.

C’est vous dire à quel point Hutson, qui mesurait alors 5 pi 8 po, et non 5 pi 9 po, avait l’air d’un enfant.

Qu’importe, cet enfant à l’éthique de travail à toute épreuve, les équipes du circuit le respectaient quand même. Ce qui est arrivé se résume ainsi: le Canadien a gagné au jeu de la patience. Les équipes de la LNH se doutaient bien que Hutson allait glisser en raison de son gabarit. La question était de savoir: quelle sera la première à daigner le réclamer?

Souvenez-vous que le CH, avant de jeter son dévolu sur Hutson, avait repêché Owen Beck au tout premier rang de la deuxième ronde, soit le 33^e échelon. Il serait toutefois hasardeux de conclure que Beck se trouvait forcément devant Hutson sur la liste du CH parce que l’organisation l’a choisi avant. 

Le repêchage est carrément une partie de poker. Nick Bobrov et Martin Lapointe, codirecteurs du recrutement amateur du Canadien, ont décidé de jouer.

Le DG du CH, Kent Hughes, a fait cet aveu à Frank Seravalli au mois de mars: «Je peux vous dire qu’on l’avait plus haut que 62^e. Nos recruteurs pensaient qu’ils pouvaient l’obtenir au 62^e rang.»

Au repêchage, on distingue la position sur une liste interne et le rang où l’on prédit que le joueur pourrait sortir. Et on prend des paris en fonction de ces informations.

Justement, Bobrov et Lapointe sont passés maîtres dans l’art de deviner les intentions des équipes au repêchage, ce qui est le nerf de la guerre dans cet exercice. Le scénario s’est reproduit en 2023, l’année suivante: Jacob Fowler était un espoir appartenant au deuxième tour aux yeux du CH, mais c’est finalement dans la ronde suivante, au 69^e rang, qu’on l’a réclamé.

Le taux de réussite de cette approche explique aussi pourquoi le Canadien protège aussi jalousement ses informations à l’approche du repêchage. Et pourquoi il s’amuse à nous envoyer des écrans de fumée.

Il ne le fait pas par plaisir. Il le fait parce que cela fonctionne.

Avec Hutson, ç’a fonctionné en maudit.

Les gagnants du trophée Calder

Dans l'histoire du Canadien de Montréal

Joueur	Position	Saison
Lane Hutson	D	2024-2025
Ken Dryden	G	1971-1972
Jacques Laperrière	D	1963-1964
Bobby Rousseau	AD	1961-1962
Ralph Backstrom	C	1958-1959
Bernard «Boom Boom» Geoffrion	AD	1951-1952
Johnny Quilty	C	1940-1941