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L'article provient de TVA Nouvelles
Justice et faits divers

«Un cafouillage plus grand que nature»: un prof proxénète sort de prison... et redevient prof

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Nicolas Saillant | Journal de Montréal

2023-02-15T05:00:00Z
2023-02-15T10:20:43Z
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Un professeur condamné pour proxénétisme en 1997 à Québec a pu reprendre son travail d’enseignant après sa peine de prison et a côtoyé les élèves de l’école secondaire de Mont-Saint-Hilaire pendant 20 ans, jusqu’à ce qu’une plainte pour une relation intime avec une étudiante dévoile son troublant secret. 

• À lire aussi: Prof proxénète: «C’est extrêmement troublant», dit Drainville

L’arrestation de Serge Dupuis, un professeur de sciences à l’école secondaire de Vanier, à Québec, en octobre 1997, avait semé l’indignation. À la suite de la dénonciation d’un parent et d’une enquête de la police de Québec, il avait été arrêté dans un motel du boulevard Hamel, à Québec, en compagnie de quatre jeunes femmes de 17 à 19 ans.

Le Journal s’est rendu chez lui la semaine dernière pour obtenir sa version des faits, mais l’homme a prétexté un appel pour s’esquiver.
Le Journal s’est rendu chez lui la semaine dernière pour obtenir sa version des faits, mais l’homme a prétexté un appel pour s’esquiver. Photo Pierre-Paul Poulin

Le professeur de 38 ans à l’époque avait été accusé de proxénétisme et d’avoir tenu une maison de débauche. Remis en liberté, l’homme avait été arrêté un mois plus tard, cette fois avec trois jeunes femmes au même motel.  

Dupuis a finalement plaidé coupable à toutes les accusations qui pesaient contre lui. 

« Je voulais simplement qu’elles soient bien, qu’elles travaillent là-dedans sans pression, sans violence », avait témoigné le professeur, qui a reçu une peine de huit mois de prison.  

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« Un papa poule »

Il semble en effet que Dupuis était considéré comme un « papa poule » par ses victimes, lui qui payait les chambres, les petites annonces et qui leur faisaient même faire des devoirs. 

Le professeur aimait son deuxième emploi à un tel point qu’il s’est fait prendre une troisième fois, en mars 1998, par une agente de police qui avait répondu à l’annonce du professeur-proxénète pour travailler dans « une agence structurée ».  

Or, Serge Dupuis a repris son travail d’enseignant de sciences à compter de 2003, après sa deuxième sentence de deux ans moins un jour, cette fois à l’école secondaire Ozias-Leduc, à Mont-Saint-Hilaire, en Montérégie. 

Le professeur a enseigné à temps plein dans cette école à partir de 2007. Il a donc été en contact avec des centaines d’élèves jusqu’à ce que l’homme de 64 ans prenne soudainement sa retraite au tournant de 2023.  

Il s’avère qu’au début de l’année scolaire en cours, l’école a reçu deux plaintes de communication à caractère sexuel et de gestes inappropriés avec une jeune élève de l’école. Serge Dupuis a été retiré de ses fonctions le 2 septembre et un signalement a été fait à la DPJ, confirme Luc Lapointe, directeur général du Centre de services scolaire des Patriotes.  

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Plainte à la police

Une enquête interne a aussi été lancée et Serge Dupuis a été informé que son employeur allait procéder à son congédiement, ce à quoi il a réagi en démissionnant. 

Ce n’est qu’à la fin novembre que le centre de services a appris le passé judiciaire de proxénète de Serge Dupuis.  

« On a déposé une plainte au service de police de la Régie intermunicipale de police Richelieu–-Saint-Laurent le 2 décembre », confirme le directeur Lapointe, ajoutant qu’une demande pour révoquer le brevet d’enseignement a aussi été demandée au ministère. 

Une erreur « malheureuse et inacceptable » 

L’enseignant Serge Dupuis a profité des failles du système du Centre de services scolaire des Patriotes pendant 20 ans en ne dévoilant pas ses antécédents judiciaires en raison d’une « erreur humaine », qui a mené à « un cafouillage plus grand que nature ».

Même si la Commission scolaire des patriotes disposait d’un système de vérification des antécédents judiciaires depuis 2008, Serge Dupuis a réussi à ne jamais transmettre les informations sur son passé criminel qui lui auraient vraisemblablement coûté son emploi.  

Après avoir appris le passé de proxénète récidiviste, le directeur du Centre de services scolaire, Luc Lapointe, a voulu comprendre pourquoi Dupuis n’avait jamais rempli le formulaire « déclaration relative aux antécédents judiciaires » comme les 5400 autres employés. 

« Il y a eu une erreur humaine qui est malheureuse et inacceptable », confesse aujourd’hui M. Lapointe. 

  • Écoutez l'édito de Philippe-Vincent Foisy diffusé chaque jour en direct 6 h via QUB radio :
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Grâce à un congé maladie

Il s’avère que Serge Dupuis a été en congé de maladie pendant trois ans à partir de 2008. Au retour, la procédure de vérification des antécédents avait été complétée en oubliant les employés en congé de maladie prolongée.  

Depuis le 27 novembre dernier, date où le pot aux roses a été dévoilé, une vérification de la déclaration des antécédents des 6000 employés du Centre de services scolaire a été effectuée. 

Sept employés n’avaient pas rempli cette déclaration. Seul Serge Dupuis avait des antécédents judiciaires dans ce groupe. 

« Ébranlé » 

Le directeur général, qui est aussi père de famille, avoue avoir été « profondément ébranlé » par cette affaire, lui qui a déjà été directeur adjoint de l’école Ozias-Leduc alors que Dupuis y enseignait. Il ajoute aussi « mettre toutes [leurs] ressources à l’œuvre pour retracer », en collaboration avec les policiers, de potentielles victimes de Serge Dupuis.  

Le président du conseil d’établissement, Jean-François Lortie, a aussi été estomaqué des révélations du Journal

« C’est un cafouillage plus grand que nature », a dit celui qui se demande pourquoi le ministère n’a pas retiré son brevet d’enseignement dès 1997.   

Encore un problème 25 ans plus tard 

24 septembre 1997

Photo d'archives
Photo d'archives

Le professeur Serge Dupuis est arrêté en compagnie de quatre femmes de 17 à 19 ans dans un motel de Québec. Il est accusé de proxénétisme et d’avoir tenu une maison de débauche. 

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26 novembre 1997

Photo d'archives
Photo d'archives

Remis en liberté, il est arrêté de nouveau en compagnie de trois femmes au même motel du boulevard Hamel. 

16 décembre 1997

Photos d'archives
Photos d'archives

Il plaide coupable aux 10 chefs d’accusation contre lui. Il reçoit une peine en Cour d’appel de huit mois. 

17 mars 1998

Photos d'archives
Photos d'archives

Dupuis est arrêté une troisième fois après avoir été piégé par une policière qui avait répondu à une annonce. Il reçoit une peine de deux ans moins un jour.  

Été 2003

Serge Dupuis est embauché comme professeur à temps partiel à la Commission scolaire des patriotes. 

1er septembre 2006

Le titulaire d’une autorisation d’enseigner doit déclarer tout changement relatif à ses antécédents judiciaires. La procédure est mise en place au printemps 2008 à la CS des patriotes.

Juillet 2007

Il devient professeur régulier à l’école secondaire Ozias-Leduc de Mont-Saint-Hilaire.  

30 août 2022

L’école Ozias-Leduc reçoit deux plaintes de communication à caractère sexuel et de gestes inappropriés entre le professeur et une jeune élève de l’école. 

27 octobre 2022

Avis du Centre de services scolaire de son intention de congédier le professeur. 

28 novembre 2022

Le Centre de services scolaire apprend le passé judiciaire du professeur, puis porte plainte à la police. 

2 décembre 2022

Serge Dupuis annonce sa retraite de l’enseignement.  

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