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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

«Tu me rappelles un souffle»: une correspondance entre deux artistes exceptionnels

Jonathan Harnois (à gauche) et Robert Lalonde
Jonathan Harnois (à gauche) et Robert Lalonde Photos fournies par les François Couture/Éditions du Boréal et Julien Faugère
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2023-04-16T04:00:00Z
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Le temps de quatre saisons, l’écrivain et homme de théâtre Robert Lalonde et le poète et parolier Jonathan Harnois mêlent leurs idées, leurs réflexions et leur poésie dans une correspondance où ils parlent de l’écriture et de la vie. Tu me rappelles un souffle, un recueil tout en finesse, sincère, montre la rencontre de deux grandes voix poétiques masculines qui appartiennent à deux générations différentes. Deux amis qui échangent en toute liberté sur la condition de l’écrivain et sa place dans le monde.

Tu me rappelles un souffle est l’occasion parfaite de voir tout le mécanisme de création chez deux artistes exceptionnels, unis par une amitié de longue date.

« Ça a été une bonne idée qu’on corresponde... et au bout du compte, ça a peut-être été une bonne idée qu’on publie cette correspondance. C’est vrai que c’est rare. On arrivait chacun avec nos âges, nos préoccupations, et notre cheminement, des choses à partager. On s’est dit que ça pouvait peut-être inspirer des gens », explique Robert Lalonde, en entrevue.

Les deux écrivains se sont connus il y a une vingtaine d’années, lorsque le roman de Jonathan Harnois, Je voudrais me déposer la tête, a été adapté au théâtre. 

« Je ne jouais pas dans la pièce, mais je travaillais avec le théâtre Petit à petit. Je l’ai vu là. Après, on s’est perdus de vue. C’est lui qui m’a lancé l’appel. Il avait envie de se remettre à écrire. Il se sentait un peu prisonnier de ses propres doutes par rapport à son travail. On a commencé à correspondre comme ça, en rattrapant notre amitié qui datait de 20 ans à peu près. Ça a renoué et l’amitié et l’écriture de chacun de nous. »

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L’inspiration, les doutes...

Robert Lalonde ajoute qu’il ne connaissait pas vraiment l’histoire de Jonathan Harnois et qu’une bonne vingtaine d’années se sont passées avant leurs retrouvailles. Donc beaucoup de choses se sont passées, pour l’un comme pour l’autre.

« Notre projet de départ, ce qu’on voulait attaquer, en ne sachant pas qu’on allait publier, c’était l’inspiration, les doutes. Comment lutter contre l’“à-quoi-bon” ? Comment valoriser l’écriture qui est la nôtre dans une époque où l’écriture est en train de changer ? Les gens accordent peut-être moins qu’avant de l’importance à la langue. Jonathan est un poète, d’abord. » 

Un mentorat réciproque

Jonathan Harnois et Robert Lalonde, à la même époque, pour différentes raisons, ont ressenti le besoin de s’exprimer. 

« Moi, à cause sans doute de mon âge et de tout ce que j’ai écrit depuis longtemps, et lui, parce qu’il n’avait pas beaucoup publié. On était tous les deux un peu en nécessité d’avoir des petites injections de mentorat de part et d’autre ! »

« Il m’a considéré comme son mentor et je l’ai considéré comme mon mentor aussi, pendant toute cette période. C’est vraiment un rapport d’égal à égal : à deux voix, on s’interrogeait sur le travail de création. C’est quoi, la place que ça prend dans notre vie, qu’est-ce qui nous a amenés à ça ? Qu’est-ce qui nous empêche de travailler ? Qu’est-ce qui nous inquiète ? Qu’est-ce qui nous tient le plus à cœur ? »

Source d’inspiration

Un projet harmonieux, bien mené de A à Z, qui témoigne du talent des deux auteurs, de leur sincérité, de l’authenticité de leur démarche. Deux sensibilités, deux parcours, deux façons d’écrire, de beaux échanges.

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« On s’est dit, à la fin, après avoir fait lire le manuscrit à quelques personnes, que ça avait l’air de valoir aussi, même pour des gens qui ne sont pas dans l’écriture, mais qui sont dans la vie elle-même, avec ses embûches et ses épiphanies successives. » 


♦ Jonathan Harnois a signé plus d’une centaine de chansons du répertoire québécois et franco-canadien. Son premier roman, Je voudrais me déposer la tête, a été finaliste au prix Anne-Hébert et plusieurs fois adapté au théâtre.

♦ Robert Lalonde est écrivain et homme de théâtre. Il a publié une vingtaine de titres. Il est membre de l’Académie des lettres du Québec.

EXTRAIT

Photo fournie par les Éditions du Boréal
Photo fournie par les Éditions du Boréal

« Il ne se trouvait donc pas au bout du monde, ce gars capable de discourir en ma compagnie, en partant du cœur, et ne craignant pas ce qui parfois surgit comme du sang dans l’encre ? Atteindre la transparence est, jaspine-t-on, mission impossible. Mission souvent immodeste et appelant la complaisance. Mais à ne pas tenter d’escalader certaines falaises escarpées de soi-même, on perpétue ce que Peter Handke évoque – Hier en chemin – par ces mots : Si tu ne te ramènes pas de toi-même à la raison, tu demeureras un idiot, aussi bien comme vivant que comme mourant. La transparence risque donc fort d’être ce filon d’or dans l’opaque paroi d’un réel qui, toi et moi, nous stupéfie. »

– Robert Lalonde,Tu me rappelles un souffle, Éditions du Boréal

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