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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

«Sans compter»: Philippe Djian flirte avec le polar

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Photo portrait de Karine Vilder

Karine Vilder

2023-04-15T04:00:00Z
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Dans son tout nouveau roman, Philippe Djian met en scène un journaliste qui a trouvé une façon efficace de régler la plupart de ses problèmes.

Philippe Djian est catégorique : jamais il ne lui viendrait à l’idée de prendre une semaine ou deux pour réfléchir à l’intrigue de son prochain roman. Non. À la place, l’auteur de Oh... et de 37° 2 le matin s’installe tout simplement à son bureau et écrit. 

« Mes histoires me viennent toujours de manière un peu étrange, explique-t-il au téléphone. Je n’ai pas de message en particulier à mettre de l’avant. Une phrase en amène une autre et quand je travaille mes personnages, l’histoire se développe d’elle-même. Avec chaque petit détail ajouté, le personnage s’enrichit et ne va pas pouvoir continuer à agir de la même façon. »

Photo fournie par les Éditions Flammarion
Photo fournie par les Éditions Flammarion

Avec Sans compter, son 28e roman, il a cependant pu compter sur une image de départ : celle d’un homme qui, en rentrant chez lui le soir, va tomber sur une engueulade entre une mère et sa fille. Engueulade qui va s’arrêter lorsque la mère quittera la maison pour aller au fond du jardin. 

« Là je me suis demandé, mais qu’est-ce que la mère peut bien faire au fond du jardin ? poursuit Philippe Djian. Ah, elle écrit dans un cabanon. Puis tiens, c’est de la poésie qu’elle va écrire. Quand moi j’écris, je comprends tout doucement les choses et tout se met en place tranquillement. A priori, c’est comme un tableau. Il ne doit pas y avoir d’éléments qui ne servent à rien. J’essaie aussi que la langue et le style que j’emploie soient en adéquation avec l’histoire. »

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Deux femmes, deux approches

Nathan, le narrateur de ce nouveau Djian, vit avec sa femme Sylvia et sa belle-mère Gaby, qu’il admire de façon inconditionnelle. À ses yeux, Gaby est l’une des meilleures poètes de sa génération et dès qu’elle fait une lecture publique quelque part, on peut être sûr d’une chose : il sera dans l’assemblée. 

Mais Gaby est bien plus qu’une poète. Depuis la mort de son mari Robert, survenue quatre ans plus tôt dans des circonstances assez étranges, elle est aussi la principale actionnaire de L’Éveil, le journal régional pour lequel travaille Nathan. 

Et si elle se dispute de plus en plus souvent avec sa fille Sylvia, c’est parce qu’elle refuse de vendre ses terrains au puissant sénateur Richard Brunevigne, qui rêve d’y construire un parc d’attractions bien clinquant. Alors ça, pas question. Tant pis si Sylvia n’est pas du même avis à cause de tout l’argent qu’elles pourraient tirer de cette vente. 

Pour Nathan, la situation est donc loin d’être évidente. Parce qu’il se retrouve chaque jour entre le marteau et l’enclume, mais aussi parce qu’il commence à ressentir quelque chose pour Gaby, à la voir bien autrement qu’en belle-mère... 

Oh, une histoire de ménage à trois ? Pas vraiment, car on a oublié de mentionner un petit truc qui a quand même une certaine importance : Nathan ne peut plus avoir de rapports sexuels. 

« Au début, je ne savais pas du tout qu’il allait être impuissant à cause d’une opération [une vasectomie] qui a mal tourné, indique Philippe Djian. Ça change du gigolo ou du beau mec qui enchaîne les expériences amoureuses ! »

Solutions draconiennes

Pour en revenir au titre de ce roman, Sans compter, il est tentant de supposer qu’il a un lien avec cette impuissance, avec le fait que Nathan ne puisse plus se donner sans compter au lit. Sauf qu’on est loin du compte.

« Je ne voulais pas que Nathan soit un serial killer, un type un peu malade qui a des pulsions et qui aime faire souffrir, souligne Philippe Djian. En fait, c’est tout le contraire, parce qu’il sera prêt à faire ce qu’il faut pour protéger les femmes qu’il aime. Par exemple, que peut-il faire pour que sa belle-mère puisse écrire tranquillement ? Nathan n’est pas un meurtrier dans l’âme. Je dirais plutôt que c’est quelqu’un qui élimine les problèmes. Et il va le faire sans compter... » 

En clair, Nathan va être responsable d’un certain nombre de disparitions dans la ville où il habite. Ce qui ne manquera pas d’ajouter une bonne dose de piquant à ce nouveau Djian.

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