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L'article provient de Le Journal de Montréal

Trop de sucre nuit au développement du cerveau de l’enfant

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Photo portrait de Richard Béliveau

Richard Béliveau

2025-07-20T21:00:00Z
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Une étude rapporte qu’un apport élevé en fructose pendant la grossesse ou durant la petite enfance interfère avec le remodelage des synapses du cerveau et mène à l’apparition de troubles anxieux.

Au cours des 10-15 dernières années, plusieurs enquêtes ont noté une hausse significative du nombre d’enfants et d’adolescents qui souffrent d’anxiété.

Parmi les facteurs en cause, on pointe souvent du doigt la montée en flèche du temps passé sur les écrans et les conséquences fâcheuses qui lui sont associées (pression exercée par les réseaux sociaux, sédentarité, manque de sommeil, carence de relations interpersonnelles, difficulté à gérer les émotions).

L’omniprésence des écrans fait aussi en sorte qu’au lieu de passer du temps à ne rien faire et/ou à rêvasser comme autrefois (ce qui est très relaxant!), le cerveau des jeunes actuels est stimulé en continu par une avalanche d’informations et peut devenir plus susceptible de développer des réponses exagérées aux événements du quotidien (anxiété de performance et écoanxiété, par exemple).

Alimentation anxiogène

Un autre facteur, beaucoup moins connu, qui pourrait contribuer à cette hausse des troubles anxieux, est la nature de l’alimentation.

Par exemple, plusieurs études réalisées au cours des dernières années ont rapporté une association entre des niveaux d’anxiété plus élevés et une alimentation riche en graisses et une consommation élevée de sucre et de glucides raffinés typique de l’alimentation occidentale moderne(1).

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Ce lien semble particulièrement prononcé dans le cas du sucre, car plusieurs études épidémiologiques ont observé que la consommation élevée d’aliments riches en sucre (les boissons gazeuses, par exemple) pendant la grossesse ou durant l’enfance et l’adolescence augmentait le risque de troubles de l’humeur et d’anxiété(2).

Ce sucre présent dans les aliments industriels est sous forme de sucrose (50% de glucose et 50% de fructose) ou de sirop de maïs enrichi en fructose (45% de glucose et 55% de fructose).

C’est surtout le fructose qui est considéré comme problématique: au lieu de servir de source d’énergie comme le glucose, le fructose est surtout accumulé au niveau du foie, où il est transformé en graisse. Plusieurs études suggèrent que ce phénomène contribue au développement de l’obésité et des maladies métaboliques qui en découlent (diabète de type 2, stéatose hépatique).

Remodelage du cerveau

Selon une étude récente, c’est justement l’excès de fructose qui pourrait contribuer aux effets négatifs d’une alimentation riche en sucre sur le développement des troubles de l’humeur et de l’anxiété(3).

Dans cette étude, les chercheurs ont haussé l’apport en fructose de souris modèles (équivalent à une boisson sucrée par jour) et examiné par la suite son impact sur le développement du cerveau.

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Ils se sont intéressés en particulier à une étape essentielle du développement neurologique, soit l’élagage synaptique, c’est-à-dire l’élimination des connexions entre neurones qui sont superflues, inutilisées ou défectueuses.

Un cerveau en développement peut être comparé à un arbre: au départ, il y a un développement massif de nouvelles synapses (les branches d’un jeune arbre), mais plusieurs de ces synapses ne seront pas utilisées, et il faut les éliminer pour optimiser la fonction du cerveau, de la même façon qu’un jardinier élimine les branches inutiles d’un arbre pour favoriser sa croissance.

Au niveau du cerveau, ce «jardinier» s’appelle la microglie, une classe de cellules immunitaires qui «élague» le cerveau en ingérant littéralement les neurones inutiles (par phagocytose) pour les éliminer.

Les chercheurs ont observé que la hausse de l’apport en fructose pendant la grossesse ou chez les nouveau-nés empêchait ce processus d’élimination normale des neurones superflus et menait, dans les deux cas, à l’apparition de symptômes typiques de l’anxiété.

Il semble que l’arrivée massive de fructose dans la microglie perturbe son métabolisme et entraîne une baisse draconienne de son activité de phagocytose, ce qui empêche le remodelage adéquat du cerveau.

Ceci est confirmé par des études subséquentes où on observe que l’élimination de la protéine responsable du transport du fructose dans la microglie (GLUT5) par des manipulations génétiques a aboli l’effet anxiogénique du fructose.

Bien qu’il soit indéniable que les bouleversements au mode de vie entraînés par la révolution technologique jouent un rôle de premier plan dans la hausse d’incidence des troubles anxieux, ces résultats suggèrent néanmoins qu’une alimentation de mauvaise qualité, surchargée en fructose, pourrait également contribuer à leur développement.

Une autre raison pour modérer l’apport en sucres libres, qui de toute façon n’apportent rien de positif pour la santé.


(1) Aucoin M et coll. Diet and anxiety: a scoping review. Nutrients 2021; 13: 4418.

(2) Zhang X et coll. Daily intake of soft drinks is associated with symptoms of anxiety and depression in Chinese adolescents. Public Health Nutr. 2019; 22: 2553-2560.

(3) Wang Z et coll. Early life high fructose impairs microglial phagocytosis and neurodevelopment. Nature, publié le 11 juin 2025.

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