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L'article provient de Le Journal de Québec
Justice et faits divers

Témoignage déchirant de la mère des fillettes Carpentier à l’enquête publique

Amélie Lemieux s’est confiée lundi sur le tourbillon dans lequel elle est plongée depuis juillet 2020

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Photo portrait de Pierre-Paul Biron

Pierre-Paul Biron

2023-02-13T18:28:42Z
2023-02-13T21:42:59Z
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«J’étais juste à côté d’elles. J’étais tellement proche et je ne le savais même pas». Amélie Lemieux, la maman des petites Norah et Romy Carpentier a témoigné de l’horreur dans lequel elle est engluée depuis le 8 juillet 2020 à l’ouverture de l’enquête publique du coroner sur la mort des petites et de leur père, Martin Carpentier. 

• À lire aussi: 21 jours d’audience pour aller au fond de l’affaire Carpentier

La maman a fait état lundi matin des heures qui ont suivi l’embardée qui est devenue l’élément déclencheur de ce drame qui a touché tout le Québec.

Pendant que l’opération de recherche s’organisait et que les premières heures critiques passaient, Amélie Lemieux s’évertuait à faire diffuser l’information au plus de gens possible. L’alerte Amber a été déclenchée seulement vers 15h le 9 juillet et l’enquête a démontré que les fillettes seraient mortes environ 18h après leur disparition, soit environ au même moment.

Photo Pierre-Paul Biron
Photo Pierre-Paul Biron

Pendant que les policiers bouclaient la scène, la mère agissait de son côté, arrêtant notamment des passants dans une halte routière à proximité en montrant des photos de ses filles ou en demandant à des camionneurs de diffuser l’information sur leur radio-émetteur.

«J’ai une amie qui m’a dit de faire une annonce sur Facebook. Et mon conjoint a demandé l’Alerte Amber. J’ai même fourni des photos», a-t-elle témoigné devant le coroner Luc Malouin. «On demandait l’hélicoptère, on demandait l’alerte Amber, mais ça a été très long.»

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«Il faut qu’on le trouve»

Amélie Lemieux a été claire dans son témoignage. Elle a dit dès son arrivée sur la scène dans les minutes suivant l’accident que le temps pressait.

Racontant avoir été «enfermée dans une auto de police» où elle «étouffait» pendant qu’elle ne souhaitait que retrouver ses filles, elle se rappelle avoir fait part de l’urgence de la situation à un patrouilleur.

«Je ne sais plus à quel moment, mais j’ai dit : ‘’Martin ne sortira pas du bois’’. Il a peur, ça ne lui ressemble pas, il faut qu’on le trouve», a raconté la mère des petites, parlant «d’un feeling», elle qui trouvait notamment son ex-conjoint très amaigri dans les semaines précédant le drame.

Photo d'archives, TVA Nouvelles
Photo d'archives, TVA Nouvelles

«Je ne me rappelle pas tout. Je suis encore pris sur la 20 aujourd’hui», a-t-elle imagé pour expliquer de quelle façon tout s’est arrêté pour elle ce soir-là.

Si près

Amélie Lemieux a également raconté être retournée sur les lieux de l’accident sur l’autoroute 20 au petit matin du 9 juillet, moins de 12 heures après la disparition de ses filles et de leur père.

Accompagnée d’une amie, la maman a sillonné le chemin Bourret, qui borde l’autoroute 20 à Saint-Apollinaire. Au moment de s’engager à l’intersection des chemins du Bois-de-l’Ail et Bois-Joli, Amélie Lemieux a dit que ça ne servait à rien d’y aller puisque Norah avait perdu une sandale et qu’elle ne pourrait de toute façon pas marcher dans les cailloux.

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Pourtant c’est là tout près qu’ont été retrouvés les deux petits corps, deux jours plus tard.

«J’étais juste à côté d’elles. J’étais tellement proche», a répété la maman, en pleurs, dans un témoignage qui arrachait le cœur. «Je criais le nom des filles.»

  •  Écoutez la rencontre Gibeault-Dutrizac avec Nicole Gibeault, juge à la retraite au micro de Benoit Dutrizac sur QUB radio : 

La maman a appris le décès des petites, deux jours plus tard, quand une enquêtrice s’est présentée au domicile de ses parents.

«Je suis tombée. Je suis tombée et je ne me sentais plus.»

Quand le procureur Dave Kimpton lui a offert la possibilité de prendre une pause pour reprendre ses esprits, Amélie Lemieux a servi une réponse qui illustrait l’ampleur de sa souffrance.

«Il n’y a pas de pause dans ma douleur, monsieur», a-t-elle laissé tomber, brisant le lourd silence qui emplissait la petite salle.

Longue enquête publique

L’enquête publique du coroner Luc Malouin est prévue pour un total de 21 jours, soit 13 jours d’audience planifiée et 8 autres journées de «débordement». Une cinquantaine de témoins seront entendus dans la procédure qui vise à faire la lumière sur le drame, sur ses circonstances et sur les efforts d’enquête qui ont été déployés.

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Photo Pierre-Paul Biron
Photo Pierre-Paul Biron

La grand-mère maternelle des fillettes doit témoigner mardi, tout comme trois témoins civils et un premier policier de la SQ.

Les corps de Norah et Romy avaient été retrouvés le 11 juillet 2020, trois jours après leur disparition. Leur père les aurait tuées à l’aide d’une branche selon l’enquête. Martin Carpentier s’est quant à lui enlever la vie, son corps étant retrouvé le 20 juillet.

L’enquête publique sur la mort de Norah, Romy et Martin Carpentier

  • Présidée par le coroner Luc Malouin
  • 13 journées d’audience prévue, en plus de 8 journées de débordement au besoin, pour un total de 21 jours
  • 51 témoins prévus, dont des proches des victimes, des enquêteurs, des policiers, des experts médico-légaux.
  • Des centaines de pages de preuve déposées

«Obsédé» par la possibilité de perdre la garde

Les trois premiers témoins entendus lundi ont abordé les craintes qu’avait Martin Carpentier en lien avec la garde de ses filles, sa conjointe au moment du drame admettant même que la question pouvait «l’obséder».

«Oui, je suis d’accord avec vous, on peut dire ça», a répondu la dame qui était en couple avec Martin Carpentier depuis 2016 quand le coroner Luc Malouin lui a demandé si l’homme était obsédé par la question.

«Il a toujours eu ces craintes-là. Oui pour Norah (qu’il avait adoptée), mais aussi même pour Romy (sa fille biologique). Ça le préoccupait beaucoup», a confié la femme dont l’identité est protégée par une ordonnance de non-publication.

Un collègue de travail du père des fillettes est venu corroborer ces dires, affirmant que Carpentier préparait des procédures de divorce avec la mère des enfants et que le tout le rendait anxieux. «Le divorce le stressait beaucoup, il ne voulait pas perdre la garde», a confié Keven Lemieux.

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Craintes non fondées

Mais ces craintes n’étaient aucunement fondées s’entendent tous pour ajouter les témoins. Amélie Lemieux a elle-même témoigné n’avoir jamais songé à une telle éventualité.

«Je n’ai jamais compris ces inquiétudes-là. Je lui disais : ‘’Voyons Martin, tu es un bon père’’», a expliqué la mère de Norah et Romy, ajoutant que les filles et elle lui avaient même fait un cadeau de fête des Pères en 2020, quelques semaines avant le drame. «On lui avait fait un tablier où s’était écrit : ‘’Les superhéros ne portent par tous une cape».

«Je lui disais toujours que je ne voyais pas comment quelqu’un comme lui pouvait perdre la garde de ses enfants. Pour moi, c’était un merveilleux père», a ajouté la conjointe de Carpentier au moment des faits.

Pas dangereux? «Jusqu’à ce qu’il tue mes enfants»

L’un des éléments centraux de cette enquête publique sera le temps qu’ont mis les autorités avant de déployer des efforts massifs pour retrouver Norah et Romy, ne croyant pas au départ que Martin Carpentier pouvait être dangereux pour ses filles.

Questionnée par l’un des procureurs à savoir si Martin Carpentier était dangereux pour sa famille, Amélie Lemieux a répondu du tact au tact lors de son témoignage lundi.

«Martin est devenu dangereux au moment où il a tué mes enfants.»

Mais pour un collègue et ami de l’homme, tout n’est pas si clair.

Keven Lemieux s’est rendu au domicile de Carpentier le lendemain de l’accident et la disparition de l’homme et ses filles. Il a témoigné que sur place, les proches présents «cherchaient tous un autre coupable».

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«Martin n’était pas dangereux», a-t-il insisté, précisant que personne dans son entourage n’avait anticipé une telle fin dramatique.

Même constat dans la déclaration de sa conjointe du moment, qui affirmait aux enquêteurs que «personne sur place» ne pouvait croire que Martin Carpentier puisse vouloir du mal à ses filles. 

Malgré tout, la déclaration du conjoint d’Amélie Lemieux déposée en preuve lundi, fait tout de même état d’inquiétudes au sujet de l’état de Martin Carpentier. L’homme lui avait fait des confidences dans les semaines précédant les décès qui lui ont laissé croire «qu’il n’allait pas bien».

«Il m’a dit qu’il ne se reconnaissait plus», avait témoigné aux policiers Alexandre Pelletier, ajoutant que l’homme avait perdu une vingtaine de livres et que la grand-mère des petites lui avait aussi fait des remarques selon lesquelles Carpentier «n’allait pas bien».

L’investigation reprise de A à Z dans le cadre de l’enquête publique

À la demande du bureau du coroner, un enquêteur indépendant du SPVM a été mandaté pour refaire l’entièreté du travail d’enquête lié au dossier des sœurs Carpentier.

Le sergent-détective Gilles Mailhot est venu détailler lundi matin l’ampleur de la tâche qu’il a accomplie dans les derniers mois. Après une demande officielle de préenquête venue en août, l’enquêteur a été dégagé de ses fonctions habituelles pour se concentrer à temps plein sur cette affaire.

«Ma mission était d’établir la chronologie des faits pour permettre au coroner de cibler les témoins pertinents qui lui permettront de remplir son mandat», a expliqué le sergent détective lundi matin.

Preuve volumineuse

M. Mailhot aura analysé l’ensemble de la preuve, qu’il a qualifié de «volumineuse».

«Habituellement, on enquête sur un événement qui dure quelques minutes ou quelques heures, avec quelques intervenants. Ici, ça se passe sur plusieurs jours et avec plusieurs intervenants», a-t-il mentionné au coroner Malouin.

L’enquêteur aura rencontré 65 témoins pour reconstituer l’investigation en prévision de l’enquête publique.

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