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L'article provient de TVA Nouvelles
Justice et faits divers

Tragédie sur Dufferin-Montmorency: témoignage empreint de remords d’Éric Légaré

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Pierre-Paul Biron | Journal de Québec

2022-03-17T02:48:48Z
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«Par mon geste, j’ai complètement bouleversé vos vies et détruit une part importante de celles-ci.» C’est dans ces mots lourds de sens et destinés aux familles de ses quatre victimes que le chauffard Éric Légaré s’est adressé au Tribunal mercredi, dans une salle chargée d’émotions.

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«Je tiens à m’excuser et exprimer que je m’en veux énormément pour la souffrance et la douleur que je vous ai occasionnées.»

Ces mots sont ceux d’un homme qui est apparu rongé par l’image des quatre victimes innocentes qu’il a tuées en prenant le volant en état d’ébriété le 2 septembre 2021, sur l’autoroute Dufferin-Montmorency.

Lors de son témoignage, Éric Légaré a confié qu'il a vécu difficilement l’isolement provoqué par la pandémie. Privé de ses activités, notamment l’escalade, la spéléologie et le canyonisme, et de son cercle social lié à celles-ci, l’homme de 44 ans s’est réfugié dans la consommation de cannabis. Et dans une moindre mesure d’alcool, a-t-il reconnu mercredi, lors des représentations sur sa peine.

«Je regrette sincèrement de ne pas avoir pris conscience à temps que mes [habitudes] changeaient et m’entraînaient vers cette catastrophe», a raconté celui qui a affirmé pouvoir fumer jusqu’à quatre ou cinq joints par soir et aller boire au restaurant une fois par semaine dans les mois précédant le jour fatidique.

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«Irresponsable»  

Sur le jour de l’accident lui-même, Légaré a dit être plongé dans l’incompréhension quant à ses comportements.

S’il avait l’habitude d’aller dîner au restaurant et d’y prendre un ou deux verres de vin, il a assuré qu'il ne comprenait pas ce qui l’avait poussé à continuer jusqu’à sept verres, en plus de trois shooters cet après-midi-là. En fait, il se rappelle avoir discuté avec un groupe, s’être fait payer un verre, avoir pris un shooter, et puis plus rien. Ce sont les vidéos des caméras de surveillance qui l’ont filmé dans les instants avant l’impact qui lui ont montré l’horreur.

Photo d'archives Agence QMI, Guy Martel
Photo d'archives Agence QMI, Guy Martel

Pourtant, l’homme avait son vélo dans sa voiture et il aurait pu appeler n’importe quel service de taxi ou un proche, a fait remarquer l’avocat de la Couronne, Pierre-Alexandre Bernard.

«Ça me fait terriblement mal de savoir que non seulement, j’ai pris ma voiture, mais que j’ai eu plein d’occasions de me rendre compte que c’était dangereux et irresponsable», a reconnu l’accusé, qui a eu de la difficulté à réprimer ses larmes par moments.

D’une famille brisée à une autre  

Avant Légaré, ce sont ses parents qui ont pris la barre pour se confier sur les conséquences du drame. On a vite compris que si les familles des victimes étaient déchirées lors de leur témoignage mardi, Éric Légaré a fait du tort aussi aux siens le 2 septembre.

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«Il nous appelle deux ou trois fois par jour au téléphone, une heure chaque fois», a souligné André Légaré, son père. «C’est pas mal ça notre vie depuis le 2 septembre. [...] Ma vie s’arrête à mon garçon, il faut que je l’aide.»

«On dirait qu’on ne vit plus. On est comme des zombies», a confié d’une voix faible et rongée par l’émotion sa mère, Louise Légaré, en disant souhaiter que son fils puisse se réhabiliter et avoir un avenir malgré tout après cette «tornade», «même si les victimes elles, ne pourront pas.»

«Moi je suis une maman. Je peux m’imaginer ce qu’ils ont ressenti d’avoir perdu leurs enfants», a-t-elle insisté, sensible au deuil des Lemieux-Fortin-Fletcher.

Proches bienveillants dans le drame  

Cette bienveillance entre ces familles à qui Éric Légaré aura imposé ses mauvais choix s’est fait sentir à plusieurs reprises mercredi matin. En pleurs, André Légaré a raconté au Tribunal sa rencontre récente avec le père de l’un des deux enfants morts dans l’accident.

«Il s’est approché et a mis sa main sur mon épaule. J’ai fait pareil. Et là, il m’a dit qu’on vivait les mêmes choses et il m’a souhaité bonne chance pour l’avenir. On s’est donné une accolade», a confié le père de l’accusé, touché par le geste.

À la sortie des témoignages de la famille de l’accusé, la veuve de James Fletcher a aussi tenu à s’adresser à la mère d’Éric Légaré, Louise, dans le corridor du palais de justice. Une autre preuve que l’accident du 2 septembre aura fait plusieurs victimes collatérales, des deux côtés de la salle d’audience.

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Même l’avocat de la défense, Me Vincent Montminy, a entamé la journée en s’adressant aux familles des victimes dans un élan de compassion. «Ça fait deux semaines que je me demande comment je vais plaider ce dossier-là, sans que vous ayez l’impression que je minimise ce qui est arrivé à votre famille», a-t-il lancé d’entrée de jeu, mettant la table pour un écart entre les propositions de la Couronne et celles de la Défense.

«Ce qui s’est passé est impardonnable. On nous appelle les avocats de la défense, mais on ne défend pas l’acte, on représente l’accusé.»

Plaidoiries à venir  

Les observations sur la peine se poursuivront, en après-midi mercredi, avec les plaidoiries des deux parties, qui présenteront leurs arguments sur une peine juste au juge Jean-Louis Lemay.

Légaré avait plaidé coupable, en décembre dernier, aux 19 chefs d’accusation qui pesaient contre lui.

Sentiment de déjà-vu pour le père de l’accusé  

Pour la famille Légaré, la tragédie du 2 septembre 2021 n’était pas la première où l’alcool au volant a fait des ravages.

Émotif, le père de l’accusé, André Légaré, a raconté au Tribunal le drame vécu par sa famille il y a 46 ans, quand la vie de sa sœur fut fauchée par un conducteur ivre.

«Ma sœur et son amie se sont fait frapper par un gars en boisson. Un face à face et les deux sont mortes», a-t-il relaté. «Elles avaient 21 ans.»

Comble de l’horreur, l’autre sœur de M. Légaré s’est enlevé la vie cinq mois après le tragique accident. «Elle disait qu’elle voulait rejoindre son amie et sa sœur», a laissé tomber l’homme de 72 ans.

«Tout ça me rappelle cette famille qui a perdu deux enfants, c’est terrible», a-t-il ajouté à propos des victimes de l’accident causé par son fils, avant de s’effondrer en larmes.

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