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L'article provient de TVA Nouvelles
Affaires

Tarifs de 25% sur l’aluminium: Trump pige directement dans les poches des buveurs de bière québécois

Nos brasseries auront du mal à éviter la mesure protectionniste américaine

Dans la bière, au Québec, les canettes comptent pour 85% de ce que les gens achètent.
Dans la bière, au Québec, les canettes comptent pour 85% de ce que les gens achètent. Élise Jetté
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Julien McEvoy

2025-02-11T05:00:00Z
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Un des premiers effets concrets au Québec des tarifs de Trump touche la bière, dont le prix grimpera dès que le président des États-Unis aura frappé l’aluminium de tarifs douaniers. 

• À lire aussi: Menaces de tarifs douaniers: «L’imprévisibilité est la marque de commerce de Trump»

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«Toutes les brasseries vont faire des augmentations de prix», reconnaît celui qui vend la Boréale, Sébastien Paradis, PDG des Brasseurs du Nord.

Du plus gros au plus petit, tous les brasseurs achètent leurs canettes chez Crown Holdings ou Ball Corporation, deux entreprises américaines avec des usines ici. Une canette peut coûter 20 cents comme 40 cents, selon le volume d’achat.

M. Paradis vend 1,3 million de caisses de 24 par année. La dépense est de 6,24 millions $ à 20 cents la canette et de 7,8 millions $ avec des tarifs de 25%.

«Le grand perdant, c’est le consommateur», raisonne le brasseur, qui décrit comment la décision «va se prendre en 8 minutes» avec Loblaw, dont les clients vont «vite» payer 12,99$ au lieu de 12,25$ la caisse de 6.

Qui peut se permettre de perdre 1,56 million $ par année, après tout? Pas Boréale, qui, comble de l’ironie, a lancé un message à Trump la semaine dernière.

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photo fournie par les brasseurs du nord
photo fournie par les brasseurs du nord
Chaque cent compte

Ball produit des canettes de 355ml dans son usine ontarienne, mais pas assez pour tout le marché d’ici. Les canettes de 473ml sont produites aux États-Unis par Ball ou Crown... avec de l’aluminium québécois.

«C’est déplorable», se fâche celui qui vend la Pit Caribou, Jean-François Nellis. Sa microbrasserie produit 10 000 hectolitres de bière par année, la limite imposée par son permis.

Le brasseur de L’Anse-à-Beaufils risque de perdre 100 000 $ par année à cause du 25% de Trump sur les deux millions de canettes dont il a besoin.

La plupart des 330 microbrasseries du Québec produisent moins de 2000 hectolitres par année et peuvent encore moins se permettre cette surtaxe.

«C’est une business de cennes. Deux cents de plus par canette, c’est assez, je ne suis plus compétitif», déplore celui qui imprime les étiquettes sur les canettes à Trois-Rivières, Sébastien Baril, de Solucan.

Solucan
Solucan
Crache le cash

Pour fonctionner, son usine automatisée de cinq employés doit s’approvisionner en canettes fabriquées aux États-Unis.

«Les gros joueurs mettent leurs pattes sur tout le volume des canettes fabriquées au Canada», raconte l’imprimeur.

Si l’avenir de Baril est en jeu à Trois-Rivières, ce n’est pas le cas pour Molson Coors, à Longueuil.

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«Les consommateurs vont en payer une partie, mais les brasseurs vont aussi faire des choix», indique Philippe Roy, directeur de l’Association des brasseurs du Québec, qui représente Molson, Labatt et Sleeman.

Les autres options: baisser leurs marges, négocier de moins bonnes conventions collectives ou repousser des projets de modernisation de brasserie.

Une chose est sûre: la mesure va coûter «des dizaines et des dizaines de millions» au secteur canadien de la bière.

Les impacts seront «directs» sur l’économie du Québec et du Canada.

Avec la collaboration de David Descôteaux

La production de bière au Québec, par année
Sources : ABQ, Brasseurs du Nord, Pit Caribou
Sources : ABQ, Brasseurs du Nord, Pit Caribou

Oubliez l’usine québécoise de canettes

Le projet est presque aussi vieux que Manic-5: profiter de notre aluminium produit avec l’hydroélectricité pour que le Québec devienne un des maîtres du marché de la canette grâce à une usine 100% locale.

«On n’a plus de laminoir depuis 2008», établit tout de suite l’Almatoise d’origine Danielle Coudé.

La dame est coordonnatrice du chantier Équipementier chez AluQuébec. Elle suit le dossier comme si c’était son petit-fils.

Quand Novellis a quitté le Saguenay, et le Québec, en 2012, le dernier laminoir d’aluminium digne de ce nom a été démantelé pour être transféré aux États-Unis.

Impossible, depuis, de produire au Québec la matière première dont on a besoin pour faire une canette: la feuille d’aluminium.

Sinon, le marché de la canette est dominé par un type d’aluminium recyclé 100% fabriqué... aux États-Unis.

«Un laminoir, c’est au moins 2 milliards $. Avec Northvolt, on peut oublier ça», analyse la spécialiste de l’élément chimique de numéro atomique 13, de symbole «Al».

1500 km par canette

Sans laminoir, point de salut pour la canette québécoise, dont tous les projets de fabrication se sont plantés ou ne sont jamais nés.

«C’est toujours pour une question de viabilité économique ou de volume», statue Danielle Coudé.

Les États-Unis comptent deux fabricants, Crown Holdings ou Ball Corporation, pour un marché de 335 millions de personnes. Le Canada, avec ses 40 millions d’habitants, peut aller se rhabiller.

Nos canettes sont destinées à parcourir des milliers de kilomètres pour l’éternité: au moins 1500 km chaque fois.

L’aluminerie du Saguenay envoie ses lingots au laminoir de Novelis, à Oswego, dans l’État de New York, pour 847 km. Du laminoir, la feuille est expédiée à l’usine de Ball, 272 km plus loin, puis la canette arrive à Montréal 302 km plus tard.

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