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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Son fils tué par les Russes: «tant que je servirai dans l'armée, je les détruirai»

AFP
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2022-03-16T20:36:52Z
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Le port d'Otchakiv, au bord de la mer Noire, a été une des premières cibles de l'invasion russe le 24 février. Trois semaines plus tard, la petite ville militaire commence seulement à enterrer ses soldats tués aux premiers jours du conflit. 

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Sous un beau soleil et un ciel bleu glacial, une petite foule silencieuse assiste à l'inhumation d'un jeune homme de 28 ans. Pas d'effusions, pas de cris, des larmes contenues et des étreintes rapides. Ici, on est militaire, femme ou enfant de militaire, et la ville a l'habitude de payer son tribut à la guerre.

En témoigne le monument aux morts élevé au centre-ville à la mémoire des «héros ukrainiens» tombés au Donbass, la région séparatiste prorusse de l'est de l'Ukraine, où le conflit déclenché en 2014 a fait plus de 14 000 morts. Ou encore cette tombe avec l'effigie d'un jeune marin tué en 2016, sur laquelle est écrit: «Tu auras toujours 23 ans».

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À la sortie du cimetière, un homme accepte de livrer quelques mots. «J'ai enterré mon fils aujourd'hui. C'était un pilote, abattu pendant une mission de combat le 4 mars à 12h10. Quatre roquettes ont abattu son hélicoptère Mi-8». 

Tête baissée, souffle coupé de sanglots contenus, ce colonel, prénommé Anatoly, poursuit: «Il n'y aura pas de pardon pour les "Katsapi" (mot péjoratif désignant les Russes). Tant que je servirai dans l'armée, je les détruirai. Il n'y aura pas de prisonniers».

Il a fallu des semaines pour identifier son fils, dont le corps a été déchiqueté dans l'attaque. Comme pour les autres soldats ayant péri lorsque les Russes ont bombardé le 24 février le port et la base navale d'Otchakiv, accusée par Vladimir Poutine d'être aux mains des Américains.

Selon un administrateur de la ville, Alexi Vaskov, 24 militaires sont morts ce jour-là, et tous les corps n'ont pas encore été retrouvés. Les funérailles de ceux qui ont été identifiés n'ont commencé que mardi.

«État d'esprit patriotique»

Située au bord de la mer Noire, Otchakiv, 15 000 habitants, est une ville aux petites maisons basses et aux larges rues désertes. On ne croise que quelques habitants, sacs de courses à la main, pressés et méfiants.

Personne ne veut parler de la guerre ni des bombardements qui se produisent encore quotidiennement, même s'ils n'ont pas l'intensité des premiers jours. 

«La situation est calme ici, nous ne manquons de rien, personne ne se cache et nous continuons à vivre», dit Piotr, un sexagénaire sur son vélo, qui refuse de donner son nom de famille, comme presque toutes les personnes croisées en ville.

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«Il y a eu un bombardement ce matin vers 6h, près du port, je n'en sais pas plus», lâche Anatoli, un autre retraité, tandis que sa femme ajoute: «les militaires nous ont demandé de ne pas parler».

Un homme coiffé d'un bonnet, se présentant comme Guennady, s'approche. «Les gens ici ont un état d'esprit patriotique. Les Russes feraient bien d'éviter cet endroit. Parce que nous sommes prêts à les renvoyer dans des cercueils».

Alexi Vaskov, le responsable municipal, admet cependant que 40 à 50 civils continuent à évacuer Otchakiv chaque jour, dans des bus prévus à cet effet.

Otchakiv est située à équidistance d'Odessa, le grand port de la mer Noire à l'ouest, et de Mykolaïv, à l'est, où se déroulent depuis des jours de violents combats entre les troupes ukrainiennes et les forces russes, qui cherchent à gagner Odessa.

«Si on compare à d'autres villes, la situation est relativement calme en ce moment», dit le responsable, tout en reconnaissant que des obus s'abattent quotidiennement. 

En outre, «les principales unités militaires qui étaient basées à Otchakiv sont parties pour protéger d'autres villes» plus exposées. «Mais les Russes ne viendront pas ici par la mer, nous sommes très bien protégés, nous tenons», assure M. Vaskov.

Tamara Nikolaievna, une vieille dame, n'est pourtant pas rassurée. «Oui, j'ai peur, bien sûr, comme tout le monde. Pas vous ?», dit-elle avec un petit sourire.

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