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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Serment au roi: PSPP met le doigt sur le bobo

Photo d’archives
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Photo portrait de Mathieu Bock-Côté

Mathieu Bock-Côté

2022-10-13T09:00:00Z
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J’ai beau être un indépendantiste convaincu, j’avoue avoir été un peu agacé lorsque Paul St-Pierre Plamondon a annoncé vouloir entrer à l’Assemblée nationale sans prêter serment d’allégeance à Charles III.

Non pas que je tienne à ce serment. Au contraire. Mais depuis 1970, bien des indépendantistes ont juré de ne pas s’y soumettre, avant de rentrer dans le rang. 

Fallait-il vraiment se prêter encore une fois à cette bravade qui se retourne contre elle-même ? Le commun des mortels ne risque-t-il pas d’y voir un mauvais théâtre, relevant davantage du folklore indépendantiste que des exigences du nationalisme actuel ? 

D’ailleurs, la vraie transgression idéologique, aujourd’hui, consiste moins à défier la couronne britannique que l’idéologie canadienne. Qui s’en prend au gouvernement des juges s’en prend au Canada au vrai souverain. Qui s’en prend au multiculturalisme et à l’immigration massive s’en prend aux vrais tabous de notre époque, et non pas à ceux d’avant-hier.

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Couronne

Et pourtant, pourtant, l’initiative du chef péquiste fait jaser. Comme prévu, elle suscite la moquerie et l’exaspération du commentariat qui participe à l’idéologie radio-canadienne. 

Mais elle révèle aussi aux yeux de tous la présence au cœur de nos institutions d’un archaïsme colonial : il est effectivement nécessaire de prêter serment à la couronne britannique pour honorer son mandat démocratique. 

Et qui ne le fait pas est alors tenu à l’extérieur de l’Assemblée – même si PSPP entend prouver qu’on peut siéger en s’épargnant cette épreuve. 

Écoutez Les idées mènent le monde, une série balado qui cherche a éclairer, à travers le travail des intellectuels, les grands enjeux de sociétés.

Surtout, il oblige les autres députés à se dévoiler. On aurait envie de leur demander, si nous les avions devant nous : vous faites publiquement ce serment à Charles III, mais y croyez-vous ?

S’ils nous répondent qu’ils n’y croient pas vraiment, on les relancera en leur demandant : vous faites souvent des serments devant vos compatriotes auxquels vous ne croyez pas ? À quel moment, dans la vie, doit-on vous croire, et à quel moment ne doit-on pas vous croire ? Car un serment, quoi qu’on en dise, ce n’est pas rien. Mentez-vous souvent dans l’exercice de vos fonctions ?

Et si vous n’y croyez pas, pourquoi le faites-vous quand même ? Ah ! Parce que le régime canadien vous y oblige ? Le Canada vous oblige-t-il à faire d’autres choses auxquelles vous ne croyez pas ? 

Mensonge

Autrement dit, PSPP a peut-être mis le doigt sur le bobo, en montrant comment un rituel qui nous oblige à prêter serment à un souverain étranger, auquel on ne peut globalement se dérober, est symptomatique d’un blocage plus profond du Canada, dans lequel François Legault veut apparemment confiner notre destin. 

Dans le Canada, nous devons soumettre nos lois identitaires à la discrétion des juges fédéraux. Nous devons laisser Ottawa décider les paramètres généraux de notre vie démocratique nationale. Et ainsi de suite.

Je ne sais pas si PSPP réussira son pari. Mais il pourrait bien nous surprendre. À tout le moins, il vient de nous rappeler que la prochaine cérémonie d’assermentation, à sa manière, sera aussi une tartufferie. 

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