Sébastien Delorme fait le point sur ses amours, sa carrière et les réseaux sociaux
«Indéfendable», du lundi au jeudi à 19 h, dès le 8 septembre, à TVA et TVA+.
Patrick Delisle-Crevier
À presque 55 ans, le comédien Sébastien Delorme fait un bilan de sa carrière, sa vie personnelle et son rôle de père. Il nous parle de sa Virginie, la femme qui partage sa vie depuis un an. Il nous parle aussi de ce qu’elle lui apporte et de la différence d’âge, qui semble en déranger plusieurs. Rencontre avec un comédien assumé et qui est plus en forme que jamais!
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Sébastien, comment ça va?
Ça va très bien. J’ai passé un bel été avec de belles petites vacances. Je suis allé aux Bahamas et pour la première fois, j’ai eu le goût de filmer les endroits où j’allais et de les documenter, afin de poursuivre ma carrière d’influenceur. (rires) Sans farce, je tiens à préciser que je ne suis pas un influenceur. Je suis d’abord et avant tout un comédien. En fait, ma présence sur les réseaux sociaux, c’est tout simplement une continuité naturelle de ma carrière où je partage mes projets, mes découvertes et mes voyages... Bref, c'est mon mode de vie, quelque chose d’authentique à moi.
Je ne pensais jamais que tu me dirais ça un jour! Explique-moi, toi qui étais si discret..
Moi non plus, je ne pensais jamais dire ça! La rencontre de Virginie m’a fait comprendre que je devais changer ma vision du travail telle que je la connaissais. Que les choses changeaient. Que je devais m’adapter à une nouvelle réalité. J’ai donc commencé à m’occuper les jours où je ne travaillais pas. Et oui, même si je joue dans une quotidienne, j'ai des jours de congé. Je me suis dit que je devais désormais développer cet aspect de mon travail, c’est à dire accroître ma communauté. Créer un lien. Et prendre une part active dans l’optimisation de mon produit, c’est à dire moi-même. Virginie a récemment lancé son agence de marketing d’influence avec sa partenaire d’affaire Carolyne Brown: Agence Elvé. C’est Virginie qui m’a guidé dans tout ça. Au début, les réseaux sociaux, c’était de l’inconnu, mais j’ai vite commencé à m’y amuser et à y croire.
C’est un grand clash avec le Sébastien Delorme plutôt discret qui fuyait les tapis rouges et les entrevues...
Effectivement. Pendant longtemps, je n’assumais pas mon métier et la reconnaissance qui venait avec. Je ne voulais pas attirer trop l’attention, même si je faisais le métier de comédien. Un jour, j’ai demandé à ma psy de m’aider à me débarrasser de ce sentiment-là. J’avais tendance à me saboter. Je pense que plus jeune, j’aurais pu faire de belles choses, mais je sabotais tout.
Peux-tu me donner un exemple d'autosabotage?
J’annulais souvent mes auditions à la dernière minute, ou je n’y allais tout simplement pas. Je doutais de moi et je pensais que je ne l’aurais pas. À quelques occasions, j’ai vraiment été mon pire ennemi; j’ai fait en sorte que le projet ne marche pas pour moi. J’ai trouvé toutes les excuses pour me convaincre que j’avais raison de ne pas y aller. J’ai laissé passer de grands rôles. Un moment donné, je me suis tanné et j’ai décidé de me brasser. Je savais que j’étais capable d’aller plus loin dans l’interprétation, dans mon implication, dans ma façon de livrer le texte et dans la profondeur du personnage. J’avais assez de talent pour faire passer les choses et, en même temps, j’avais besoin d'être plus libre dans mon art, et la conviction que je devais l'être, après plus de trente ans de carrière. Je ne pouvais pas croire que je me sentais encore prisonnier. Ma psy m’a alors aidé à passer à la prochaine étape et étrangement, c'est là que Virginie s’est présentée dans ma vie. J’ai réussi à me débarrasser des mécanismes de défense et du regard que j’avais sur moi-même qui m’empêchaient de faire des choses. Je me suis dit que ce n’était pas si grave si j’avais l’air fou, que je devais plonger et aller plus loin.

Parle-moi de l’arrivée de Virginie dans cette étape de ta vie...
Elle est arrivée au bon moment. On forme une équipe; elle croit en moi et je crois en elle. Elle me fait confiance et elle me connaît super bien. Elle est toujours là pour me rappeler mes objectifs et m’encourager. Elle m’aide à me reprogrammer, après tant d’années. Je vais probablement devoir travailler là-dessus pour le reste de ma carrière, mais je le fais avec beaucoup plus de confiance et d’aisance qu'avant. J’ai arrêté de vouloir tout contrôler et je suis plus libre.
Sur les réseaux sociaux, tu t’exposes aux commentaires des gens. Et ça passe vraiment d’un extrême à l’autre...
Sur les réseaux sociaux, tu dois faire face à des commentaires. Il n’y a pas de modérateurs pour filtrer tout ça. Oui, il y a des commentaires méchants, dénigrants, et il se dit des choses épouvantables, mais j’ai décidé d'en faire abstraction. Je ne lis plus certaines pages et certains sites parce que ça m’affectait. On finit aussi par se rendre compte que c’est un nombre minime de personnes qui vont d’un site à l’autre pour répandre leur fiel. Il y a eu beaucoup de commentaires sur mon couple et sur la différence d’âge entre Virginie et moi. Mais ces gens-là ne sont pas dans ma vie. Je suis heureux avec cette femme. Nous avons une belle dynamique où l’on découvre, on risque et on se challenge. Elle m’apporte des connaissances, et vice-versa. On est bien ensemble et on est amoureux. Je sais que j’ai fait le bon choix avec cette femme. Je vis de très beaux moments avec elle.
Pensais-tu tomber un jour en amour avec une femme beaucoup plus jeune que toi?
Jamais. Et finalement, pourquoi pas! Il y a des gens qui voient notre différence d’âge comme quelque chose d’abominable et pourtant, il y a des affaires pires que ça dans la vie. En même temps, si cela fait de moi un être original et différent, tant mieux. La société a évolué et je ne vois pas pourquoi notre différence d’âge serait un tabou. On est bien ensemble et c’est ce qui compte. Je ne comprends pas toute cette haine. Mais, en même temps, si tu me posais la question à savoir si ma fille arrivait à la maison avec un gars de trente ans plus vieux...
Je te la pose, cette question, Sébastien. Tu réagirais comment?
Écoute, on traversera le pont quand on sera rendu là, mais c’est certain que je ferais le saut. Mais, sérieusement, je serais bien mal placé pour juger ça. Je pense que je ferais confiance au jugement de mes enfants. Je garderais l'œil ouvert sur tout ça, c’est certain. Mais je serais dans l’ouverture.
Cet été, pour la première fois, vous avez partagé, Virginie et toi, des photos de vous deux. Pourquoi avoir attendu si longtemps? As-tu voulu cacher cette relation?
C’est certain que je voulais garder ce pan de ma vie privée. Pas nécessairement pour cacher cette différence d’âge, mais on ne fait pas exprès non plus pour en remettre une couche et nourrir à n’en plus finir les articles sur le sujet. J’ose espérer que pour les médias à potins, un moment donné, notre différence d’âge deviendra banale et une vieille nouvelle. Nous ne sommes pas le premier couple avec une grande différence d’âge: il y a Claude Meunier et Virginie Coossa, et il y a eu Céline et René.
Tu me disais tantôt que ta gêne était reliée à ton enfance. Quel genre d’enfant étais-tu?
J’étais un grand timide. Quand je suis arrivé au cégep, le théâtre m’a permis de sortir de ma coquille. J’ai vu un signe clair, en étant sur scène, que je devais suivre cette voie-là et tenter ma chance. La première fois que je me suis retrouvé devant une scène et que j’ai salué la foule, j’ai soigné quelque chose. J’ai ensuite préparé mes auditions pour les écoles. Étrangement, ça n’a pas fonctionné pour les écoles de Montréal, mais ç'a été une bonne chose parce que ça m’a forcé à quitter le nid familial à 18 ans, à aller vivre en appartement et à vivre autre chose.
Tu proviens d’une famille de médecins; as-tu déjà pensé suivre cette voie?
Comme dans de nombreuses familles, j’ai déjà envisagé de faire comme mon père. Mais avec mes résultats scolaires, j’ai vite compris que ça n’arriverait pas! Mon frère, lui, avait tout ce qu’il faut pour être médecin, et il l’est devenu. Je me souviens d'une fois où j’ai marché sur de l’herbe à poux... Ça a fait des cloques. Quand mon père a commencé à ouvrir ça, je me suis évanoui. C'est là que j'ai compris que je ne ferais pas ce métier!
Tu es comédien depuis plus de 30 ans! Est-ce que ça s'est passé comme prévu pour toi?
Pas au début. Je faisais surtout des téléromans. J’avais de la chance d’être dans ces projets-là, mais c'était un peu différent de ce que j’avais vraiment envie de faire. Ensuite, la télévision a changé et les séries sont arrivées. Ça nous a permis de sortir des décors de téléromans et de faire autre chose. On a commencé à tourner dans de vrais lieux, d’une façon différente. Je ne pensais jamais jouer un avocat ou un policier un jour. Je suis choyé, j’ai pu faire de belles choses.
Il y a eu une période après La promesse où tout s’est arrêté pour toi. Quel souvenir gardes-tu de cette période?
Je n’ai rien fait pendant deux ans. Pourtant, peu de temps avant, j’étais partout. J’étais sur les panneaux publicitaires et je gagnais des trophées pour La promesse. Puis, il ne se passait plus rien. Ç'a été un moment difficile. Il y a beaucoup d’artistes qui vivent ça présentement. C’est dur sur l’estime de soi. Tu te demandes comment tu vas gagner ta vie. Je suis retourné passer des auditions, mais j’étais tellement nerveux — parce que je voulais tellement travailler — que je ratais tout. J’espérais le rôle pour gagner des sous pour les prochains mois, parce j’avais des enfants à nourrir. À l’époque, j’ai décidé d’aller travailler dans une boutique de vélos en dehors de Montréal pour que le moins de personnes possible me reconnaissent. Je me disais, en torchant les toilettes, que c’était spécial de passer de tête d’affiche à ça...
Qu’est-ce qui a fait virer le vent de bord pour toi?
Je pensais vraiment changer de carrière. Au bout du compte, j'ai voulu me donner une dernière chance, alors je me suis inscrit au cours de Danielle Fichaud et je me suis rendu compte que j’aimais beaucoup faire ce métier. C’est là que le réalisateur Stéphan Beaudoin, l’auteur Martin Thibault et moi, on a eu l’idée de la websérie L’Entraîneur, qui se passe dans un centre d’entraînement avec des vedettes qui viennent s’entraîner avec moi. On jouait alors sur un mince fil, entre la réalité et la fiction, sans savoir ce qui était vrai ou faux. C’est ce qui a marqué mon retour tranquillement. C’est avec Danielle Fichaud et ce projet que j’ai rallumé le feu en moi pour ce métier.

Avec ton rôle de Poupou dans District 31 et celui de Léo Macdonald dans Indéfendable, ça fait maintenant 10 ans que tu fais de la quotidienne. Aimes-tu toujours ça?
J’adore ça et avec les années, j’ai développé des astuces pour réussir à apprendre la centaine de pages que je dois mémoriser par semaine. À l’école de théâtre, ça me prenait une éternité pour apprendre mes textes. Je ne pensais jamais que je serais capable d’apprendre autant de pages de textes en si peu de temps. Mais j’y suis arrivé en tassant ma peur, en étant discipliné et en faisant un beau travail sur moi. J’ai quand même une vie de moine depuis 10 ans, mais je ne me tanne pas de cette vie-là.
Quel parallèle traces-tu entre District 31 et Indéfendable?
C’est la suite directe, pour moi. Dans District 31, mon personnage était dans le milieu policier et arpentait le monde criminel. Dans Indéfendable, je joue un avocat qui défend les criminels. Je suis content que ça se soit passé dans cet ordre, parce que j’ai beaucoup plus de textes à apprendre pour mon personnage de Léo Macdonald. J’ai pu développer mon muscle tranquillement. Je remercie Fabienne Larouche de m’avoir engagé pour District 31, mais aussi, d’avoir fait mourir mon personnage! Le timing était parfait, ça m'a permis d'être disponible pour cette nouvelle quotidienne. On m’avait d'abord offert le rôle de Maître Legrand — finalement attribué à Martin-David Peters —, qui devait mourir après une demi-saison. Finalement, on m’a vu en audition pour Léo Macdonald, et on connaît la suite.
Ça a fait un gros buzz quand ton personnage de Poupou dans District 31 est mort. Comment as-tu pris ça?
C’est certain que ça n'a pas été facile. C’est toujours inquiétant. Quand on est pigiste, on ne sait jamais quand sera notre prochain contrat. Je pensais que ça serait difficile parce que ça faisait six ans que les gens me voyaient à la télé quatre fois par semaine. Je me disais que j’allais être remisé. Mais Luc Dionne m’a expliqué que pour relancer l’histoire, il avait besoin de brasser les cartes. Ça a brassé pas mal, et ça a marché. Le plus difficile, c’est que, comme tu tournes à l’avance, tu dois garder secret le fait que tu n’as plus de job. En plus, je n’ai jamais été très bon en «service après-vente». Il faut participer à des émissions, accorder des entrevues à la radio et dans les journaux. Tu te demandes ce que tu dois dire pour faire une sortie honorable sans trop montrer que ça te fait de la peine. Je voulais partir la tête haute, avec fierté. Et surtout, remercier les gens qui avaient eu confiance en moi. C’est ce que j’ai fait.
Mon petit doigt me dit que la prochaine saison ne sera pas de tout repos pour ton personnage de Léo Macdonald...
Léo a tué Dylan Blondin (Patrice Godin). Son fusil a disparu parce qu’un policier corrompu l'a retiré des lieux du crime. Léo a pris plein de mauvaises décisions qui l'ont mené à tuer quelqu’un. Il est incapable de prouver son innocence et il doit assumer les conséquences. Disons qu'il va baigner dans des zones très sombres. J’ai pu jouer dans des gammes d’émotions assez intéressantes.
Dix années à tourner dans une quotidienne, ça fait moins de temps à la maison avec les enfants, n'est-ce pas?
Effectivement, ça prend beaucoup de place à l’horaire. Thomas va avoir 24 ans et Élizabeth a 16 ans. C’est certain que j’ai été plus absent que je ne l’aurais voulu, autant dans ma vie de couple que dans ma vie de papa. Surtout au début, parce que ça prenait beaucoup de place dans ma tête, apprendre autant de textes. Mais j’ai essayé de faire de mon mieux avec les moyens que j’avais à l'époque.
Te sens-tu coupable de cette absence?
C’est maintenant, en faisant une rétrospective de ces 10 ans, que je constate tout ça. Mais le passé est passé, et j’ai une excellente relation avec mes deux enfants. Nous passons du bon temps ensemble et je suis très fier d’eux. J’ai tout fait pour être un bon père.
Qu'est-ce que ça te fait de voir ton fils, Thomas, suivre vos traces à Julie et à toi dans le métier?
Thomas est bien plus beau que moi, il est moins timide et surtout, il est beaucoup plus armé. Il a énormément de talent dans plein de sphères différentes. Il est tenace et si tu as besoin de quelqu’un pour mener un projet à terme, c’est ton homme. Je n’ai jamais vu ça, il m’impressionne vraiment. Il joue, il réalise, il fait du montage vidéo, il réalise aussi des albums, il est dans un groupe rap, il est cameraman... Il est beaucoup mieux équipé que moi pour faire face à ce qui s’en vient dans notre métier. Il faut faire plus avec des moyens plus limités. Élizabeth, elle aussi, a beaucoup de talent. Elle pratique la danse, elle fait du théâtre, elle réalise des capsules pour son école et elle fait même le montage. Bref, je ne serais pas surpris de la voir dans le monde des communications.
Dis-moi: à 54 ans, Sébastien Delorme est-il un homme heureux?
Oui, je suis très heureux, amoureux, et j’apprends à l’apprécier. Ma vie ne ressemble pas tout à fait à ce que je pensais qu'elle serait. Pour être honnête, je m’imaginais en famille avec la mère de mes enfants, parce que je proviens d’un milieu familial où les parents forment un couple soudé et durable. Julie et moi avons tout de même été 18 ans ensemble.
Est-ce un constat d’échec, pour toi?
Je pensais que c’en était un, mais quand ça ne fonctionne plus, c’est mieux de se quitter et de prendre d’autres chemins. Je pense que c’est important d’être heureux dans la vie, au-delà du modèle judéo-chrétien selon lequel tu réussis ta vie si tu as une maison, des enfants et si tu es marié à la même personne jusqu’à la fin de tes jours.
En terminant, Sébastien, comment vois-tu la suite de ta cinquantaine?
Je me souhaite de faire encore au moins une autre année dans Indéfendable, et de continuer d’avancer avec confiance et sérénité. Ça fait un an que je suis avec Virginie et je souhaite aussi continuer sur cette belle route qui me rend heureux. Je suis optimiste; elle me rend plus jeune et grâce à sa présence dans ma vie, je suis dans l’action et j’aime ça.