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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Roméo Sabourin: le jeune agent canadien exécuté au camp de concentration nazi de Buchenwald en 1944

Prisonniers du camp de Buchenwald.
Prisonniers du camp de Buchenwald. "Wikimedia Commons / Domaine public"
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Photo portrait de Normand Lester

Normand Lester

2024-03-01T05:05:00Z
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Guy (Roméo) Sabourin, un courageux adolescent montréalais s’est porté volontaire comme agent secret britannique en France alors que le pays était occupé par les nazis.

Né le 1er janvier 1923, il s’enrôle en 1940 dans les Fusiliers Mont-Royal. Comme il n’a que 17 ans, il ment sur son âge et son prénom. Il dit s’appeler Roméo. À Londres, il est muté au Corps canadien du renseignement. En raison de sa connaissance du français, il est recruté par le Special Operations Executive (SOE), le service secret créé par Winston Churchill pour soutenir les mouvements de résistance dans l’Europe occupée par les nazis. Il suit une formation d’opérateur radio. 

Le lieutenant Roméo Sabourin.
Le lieutenant Roméo Sabourin. "Wikimedia Commons / Domaine public"

Dans la nuit du 2 au 3 mars 1944, le lieutenant Sabourin, âgé de 21 ans, est parachuté en France occupée avec le capitaine Adolphe Rabinovitch, un Russo-Égyptien avec pour mission d’organiser un réseau de résistance, au nom de code BARGEE.

Ancien de la Légion étrangère, Rabinovitch avait déjà accompli une mission en France, réussissant à ne pas être capturé et à rejoindre l’Angleterre. Cette fois, la Gestapo est au courant du largage et attend Sabourin et Rabinovitch. Dès qu’ils se libèrent de leur parachute, ils entendent des voix allemandes. Ils se cachent dans un boisé, mais sont découverts. Dans l’échange de coups de feu, ils réussissent à abattre deux Allemands avant d’être blessés et capturés.

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Le capitaine Adolphe Rabinovitch.
Le capitaine Adolphe Rabinovitch. "Wikimedia Commons / Domaine public"

C’est que l’Abwehr (renseignement militaire allemand) avait capturé en 1943 deux autres agents canadiens du SOE, Frank Pickersgill et John Macalister. Se faisant passer pour Pickersgill, les Allemands réussirent à plusieurs reprises à faire parachuter des agents qui furent tous capturés dès leur atterrissage. Parmi eux se trouvaient Sabourin et Rabinovitch. Il fallut un an aux Anglais pour découvrir le subterfuge.

De Paris à Buchenwald

Devant l’avance des alliées en France après le débarquement de Normandie de juin 1944 et leur entrée imminente à Paris (25 août 1944), les Allemands transfèrent la majorité des prisonniers alliés détenus dans des prisons parisiennes en Allemagne le 20 août 1944. Parmi eux se trouvent 26 aviateurs canadiens et 36 membres des services secrets britanniques, dont Roméo Sabourin, Frank Pickersgill et John Macalister, qui, le 27 août 1944, sont incarcérés au camp de concentration de Buchenwald, où ils seront exécutés le 14 septembre 1944.

Suspendus à des crochets aux murs du sous-sol du crématorium du camp, ils subirent une exécution lente et douloureuse par étranglement avec une corde à piano. Il fallait environ 20 minutes pour que le supplicié meure. Adolphe Rabinovitch fut envoyé au camp de concentration de Gross-Rosen en Pologne, où il a été gazé. 

La salle d’exécution de Buchenwald avec des crochets à viande sur les murs. Photo anonyme (vers 1945).
La salle d’exécution de Buchenwald avec des crochets à viande sur les murs. Photo anonyme (vers 1945). "ublié sur www.scrapebookpages.com"

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Buchenwald

Le camp de concentration nazi Buchenwald, situé près de Weimar, en Allemagne, relevait du Bureau central de la sécurité du Reich (RSHA), le principal organe d’exécution de l’Holocauste.

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Quelque 10 000 juifs, arrêtés lors de la nuit de Cristal en 1938, y ont été envoyés. Outre des prisonniers de guerre y sont aussi incarcérés des communistes, des sociaux-démocrates, des Tsiganes, des homosexuels et des témoins de Jéhovah. Parmi les prisonniers de près de 30 pays, les quelque 25 000 Français y constituaient, au début de 1944, le groupe le plus important.

On estime que les SS ont assassiné au moins 56 000 prisonniers à Buchenwald. Des médecins SS se livrèrent sur des prisonniers à des expériences médicales létales et à des assassinats de malades. 

Ce crématorium se trouve au-dessus de la salle d'exécution. Les corps étaient chargés sur l'ascenseur manuel (en arrière-plan à droite) et montés au crématorium. Photo anonyme (vers 1945).
Ce crématorium se trouve au-dessus de la salle d'exécution. Les corps étaient chargés sur l'ascenseur manuel (en arrière-plan à droite) et montés au crématorium. Photo anonyme (vers 1945). "Publié sur www.scrapebookpages.com"

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Les agents secrets de la Section F du SOE

Entre 1941 et 1945, la Section F du SOE expédia plus de 400 agents en France, dont 25 Canadiens. Parmi eux, Gabriel Chartrand, le frère du célèbre syndicaliste. Certains furent parachutés ou posés au sol par des avions Lysander, d’autres, déposés sur la côte par bateau ou par sous-marin. Sept des Canadiens furent capturés et exécutés.

Les agents étaient groupés en réseaux qui consistaient en un chef, un opérateur radio pour communiquer avec Londres et un courrier pour transmettre les directives parmi les résistants. La Section F recruta aussi quelque 40 femmes. Elles avaient l’avantage d’attirer moins l’attention dans la France occupée que des hommes d’âge militaire. Treize d’entre elles furent tuées, exécutées ou sont mortes dans des camps de concentration.

Avion Lysander qui servit au transport d’agents secrets du SOE en Europe durant Seconde Guerre mondiale.
Avion Lysander qui servit au transport d’agents secrets du SOE en Europe durant Seconde Guerre mondiale. "Source : World War Photos"

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Au camp de Buchenwald, une plaque, inaugurée le 15 octobre 2010, honore la mémoire des officiers alliés assassinés entre septembre 1944 et mars 1945, notamment vingt agents du SOE, parmi lesquels figure «Sabourin, Lt. R.». Le lieutenant Sabourin est aussi honoré sur le mémorial du cimetière militaire canadien de Groesbeek, aux Pays-Bas, et inscrit au «Tableau d’honneur» du mémorial du SOE à Valençay, en France.

La lettre du colonel Maurice Buckmaster, chef de la Section France de la SOE, à la mère de Roméo Sabourin pour lui annoncer la mort de son fils.
La lettre du colonel Maurice Buckmaster, chef de la Section France de la SOE, à la mère de Roméo Sabourin pour lui annoncer la mort de son fils. "Source : Anciens Combattants Canada"

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