Roman québécois : un roman policier étonnant signé André Marois
Josée Boileau
À nouveau, André Marois s’amuse à explorer le potentiel criminel de la région de Mandeville. Étonnant, détonnant !
Avec La sainte paix, les amateurs d’André Marois plongent dans un monde qui leur est familier. Il y a la région mise en scène, mais aussi les retrouvailles avec le sergent-détective Steve Mazenc, présent dans de précédents romans.
Et il y a le personnage insoupçonnable qui se transforme en assassin ! Cette fois, il s’agit d’une femme : Jacqueline Latourette, 74 ans, retraitée de Radio-Canada, tout à fait autonome, bien qu’elle ait mal un peu partout.
Cette Jacqueline est férocement attachée à ses habitudes et à sa tranquillité, qu’elle savoure depuis des décennies dans sa résidence du bord de la rivière Mastigouche. Alors, quand Madeleine, sa voisine d’en face, lui annonce que vu son état de santé elle mettra sa maison en vente au prochain printemps, ça ne passe pas du tout.
Non pas qu’elle tienne tant à « Mad Madeleine », comme elle la surnomme. Certes, les deux femmes se connaissent depuis des lustres, mais devenue veuve, sa voisine s’était mise à un peu trop reluquer son propre mari, ce qui avait beaucoup agacé Jacqueline. Depuis la mort de Ghislain, une certaine distance s’est donc installée entre elles.
Mais au moins, Madeleine mène une vie sans histoire. Qui la remplacera ? Une bruyante famille ? Des férus de partys ? Une succession de locateurs à court terme ? Pas question !
Alors, pour bloquer l’affaire, Jacqueline a une drôle d’idée : assassiner sa voisine en faisant passer le tout pour un suicide. Bien des acheteurs fuient les lieux où quelqu’un est mort, et puis le processus de succession s’en trouvera compliqué.
Le jeu du chat et de la souris
On ne divulgue rien ici en disant que Jacqueline réussira son coup. L’intérêt c’est de voir comment elle y arrivera : que d’imagination, que de débrouillardise, que d’efforts, que de péripéties !
Et c’est Steve Mazenc qui sera appelé sur les lieux pour constater le décès. Son instinct lui dit que quelque chose cloche dans cette pendaison, mais encore faut-il savoir quoi. Un vague malaise n’a aucun poids si rien ne vient l’appuyer.
Comme dans Bienvenue à Meurtreville, son premier roman noir pour adultes (il en écrit aussi pour la jeunesse), André Marois déploie donc un habile jeu de chat et de souris. Une vieille dame maligne tire les ficelles, au point même de jouer à répéter l’interrogatoire qu’elle pourrait vivre dans un poste de police ; un policier, lui, se perd dans différentes pistes tout en frôlant la vérité. Qui va gagner ?
C’est léger, invraisemblable, et pourtant rendu de manière crédible. Jacqueline se révèle de plus en plus détestable, et on ressent une sympathie grandissante pour Mazenc, aussi déterminé que désarçonné. D’autant qu’il doit aussi s’occuper du braconnage qui sévit dans la région.
Marois reliera avec habileté les deux dossiers, en menant son récit avec vivacité et une bonne dose d’ironie qui se manifeste particulièrement dans les titres de chapitres. Trouver la paix est décidément une dangereuse aventure !