Rejets de polluants: l’aluminerie Arvida de Rio Tinto visée par une enquête

Annabelle Blais | Bureau d'enquête
Le ministère de l’Environnement enquête sur des dépassements de normes d’émissions atmosphériques de l’aluminerie Arvida de Rio Tinto à Saguenay, a appris notre Bureau d’enquête.
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«Une enquête pénale est présentement en cours pour des dépassements de normes d’émission atmosphériques et pour ne pas interférer avec le processus pénal, le [ministère] doit limiter ses commentaires à ce sujet», a confirmé la direction des communications du ministère de l’Environnement.
L’enquête vise des dépassements d’émissions à la source pour les particules et les fluorures survenus en avril 2022 et pour lesquels un avertissement (avis de non-conformité) a déjà été envoyé en juillet 2022.
Le dossier sera ensuite transféré au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui déterminera si des constats d’infraction doivent être déposés. Si Rio Tinto, qui possède l’usine, était déclaré coupable, elle pourrait écoper d’amendes salées pouvant varier de 30 000$ à 6 M$.
L’usine Arvida, plus vieille et polluante que les alumineries modernes, jouit déjà de normes plus permissives pour ses rejets de particules et de fluorures, mais elle ne parvient pas toujours à les respecter. En 2017, elle avait dû payer 10 000$ en sanctions pour ne pas avoir respecté les limites mensuelles de particules.

De plus, son attestation ministérielle (du même genre que celle de la fonderie Horne à Rouyn-Noranda) lui accorde des normes moins sévères concernant les particules dans l’air ambiant qui sont mesurées à proximité de l’usine.
Ses normes de particules et de fluorures doivent être resserrées depuis 10 ans, mais l’usine a réussi à obtenir, par trois fois, un report malgré les préoccupations de la Santé publique. Rio Tinto s’était toutefois engagé à réaliser d’importants investissements.
- Écoutez la chronique Crime et Société avec Félix Séguin, journaliste au Bureau d’enquête de Québecor au micro de Richard Martineau via QUB radio :
La Santé publique préoccupée
En 2017, le directeur général adjoint de la protection de la santé publique au ministère de la Santé, Yves Jalbert, appuyé par la Direction de santé publique nationale et régionale, demandait un resserrement des normes pour l’usine Arvida. L’exposition de la population aux particules fines (PM 2,5), dont l’usine est le plus grand émetteur au Québec, était d’ailleurs considérée comme «préoccupante».
Dans son analyse d’impact datée de 2020 afin de permettre à l’usine de poursuivre ses opérations, même le ministère reconnaissait que «les activités de cette partie de l’usine sont [...] associées à une mauvaise qualité de l’air dans les secteurs habités à proximité de l’usine.»
Questionnée par Le Journal au sujet de son bilan environnemental, l’entreprise a insisté sur les améliorations des dernières années. «Nous avons réalisé des investissements de 30 M$ depuis 2018 pour moderniser les épurateurs de l’Usine Arvida, afin de rencontrer trois engagements volontaires qui ont menés à des réductions de l’ordre de10% des émissions de particules fines», a expliqué Malika Cherry, conseillère en relation publique pour le géant de l’aluminerie.
Or nous avons découvert que cette diminution est bien moindre.
Rio Tinto a techniquement jusqu’à la fin 2025 pour moderniser ses équipements, mais elle souhaite maintenant obtenir un quatrième report du resserrement de ses normes, révélait Radio-Canada, ces jours-ci.
➤ Consultez notre carte interactive pour connaître les plus grands pollueurs du Québec ainsi que la qualité de l’air de leurs régions.
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