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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Quand Hydro-Québec joue à la Bourse

Des millions de dollars d'électricité traversent la frontière chaque jour

Simon Bergevin, Directeur principal – Parquet de transactions chez Hydro-Québec explique à quoi servent tous les écrans et comment lire les données affichées.
Simon Bergevin, Directeur principal – Parquet de transactions chez Hydro-Québec explique à quoi servent tous les écrans et comment lire les données affichées. Photo David Descôteaux
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David Descôteaux

2025-06-21T04:00:00Z
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Véritable Bourse de l’électricité, le parquet de transactions d’Hydro-Québec est aussi sa «salle des profits», générant entre 25% et 30% des bénéfices de la société d'État, bon an mal an. Mais les courtiers en veulent plus. Ils viennent d’ajouter une arme à leur arsenal: l’intelligence artificielle (IA).

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«Le but, c'est de faire de l'argent comme une Bourse. [...] On regarde les écarts de prix et c'est notre rôle d'essayer de capturer ces écarts, soit faire de l'arbitrage, avec les risques qui viennent avec, car l'écart de prix peut changer rapidement», explique Simon Bergevin, directeur principal du parquet de transactions d’Hydro-Québec.

Simon Bergevin, Directeur principal – Parquet de transactions, qui dirige une équipe d’une quarantaine d’employés d'Hydro-Québec.
Simon Bergevin, Directeur principal – Parquet de transactions, qui dirige une équipe d’une quarantaine d’employés d'Hydro-Québec. David Descôteaux

Depuis 2000, le siège social abrite un parquet de transactions énergétiques. Une sorte de Bourse de l’énergie qui permet à Hydro‐Québec d’acheter et de vendre de l’électricité sur les marchés hors Québec. On y transige les mégawatts à l’heure, au jour le jour, et sept jours par semaine.

Lors du passage du Journal, à 10h31 mardi matin, Hydro avait déjà acheté 1687 mégawatts sur les marchés.

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«Des fois, par exemple, en Nouvelle-Angleterre, les prix sont à 0$ parce qu'ils sont en surplus et qu'ils ne peuvent pas arrêter leurs éoliennes ou le nucléaire, pour nous c'est alors une belle opportunité d'acheter, pour revendre cette électricité plus tard.» 

«Une bonne journée, c’est 10 millions $ en revenus», confie Simon Bergevin.

L'IA transforme le parquet

L'IA prend de plus en plus de place dans les activités du parquet de transactions, note M. Bergevin, qui dirige une équipe d’environ 50 personnes.

«On recrute de plus en plus de gens qui sortent de l’école avec un bagage en IA. Ce sont des profils qu’on n’aurait pas nécessairement vus dans notre équipe il y a quelques années», explique-t-il.

Son équipe travaille notamment à développer des modèles d’IA capables de prévoir plus précisément l’évolution des prix de l’électricité sur différents marchés, comme ceux de la Pennsylvanie ou de New York. L’objectif: dépasser les performances des modèles traditionnels de prévision, souvent réalisés dans Excel ou à l’aide d’outils statistiques classiques.

«On veut une meilleure lecture des prix à venir, de la congestion sur les réseaux, des réactions du marché à la météo ou à d’autres facteurs», dit Simon Bergevin. 

Parmi les nouvelles recrues figure Ramatou Mamadou, conseillère en transactions énergétiques et responsable de l’intégration de l’IA.

Ramatou Amadou, conseillère – transactions énergétiques et responsable de l’intégration de l’intelligence artificielle au parquet de transactions d’Hydro-Québec.
Ramatou Amadou, conseillère – transactions énergétiques et responsable de l’intégration de l’intelligence artificielle au parquet de transactions d’Hydro-Québec. David Descôteaux

«Mon travail, c’est de développer des modèles d’IA pour prédire les mouvements de prix à partir de données météo et d’autres variables. On ne se contente pas d’utiliser l’IA, on la construit de A à Z», affirme-t-elle.

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Le processus est rigoureux: identifier les bonnes variables, tester les modèles, les valider en conditions réelles, puis les mettre en production une fois leur fiabilité confirmée. «Jusqu’ici, nos modèles performent très bien. On est vraiment contents des résultats», assure-t-elle.

Les réservoirs, un atout

L’un des principaux avantages concurrentiels d’Hydro-Québec demeure son vaste réseau de réservoirs, qui permet de stocker de l’électricité. Contrairement à d'autres provinces, qui doivent produire en fonction de la demande, Hydro peut suspendre temporairement sa production et conserver l’eau pour la turbiner plus tard, au moment où les prix seront plus avantageux.

La société d’État peut ainsi acheter de l’électricité à bas prix, conserver de l’eau dans ses réservoirs, puis la revendre lorsque la demande grimpe. En période de chaleur extrême, par exemple, les prix peuvent atteindre jusqu’à 150$ le mégawattheure en Nouvelle-Angleterre, contre 20 à 30$ au moment de l’achat.

Les écrans sont nombreux au parquet de transactions énergétiques d'Hydro-Québec et permettent aux employés de suivre en temps réel une foule de données.
Les écrans sont nombreux au parquet de transactions énergétiques d'Hydro-Québec et permettent aux employés de suivre en temps réel une foule de données. David Descôteaux

Mais depuis deux ans, la sécheresse qui sévit dans le Nord québécois a réduit les surplus. Hydro a dû freiner ses exportations aux États-Unis.

Des contrats qui libéreront le réseau

Deux nouveaux contrats d’exportation, au Massachusetts et à New York, entreront bientôt en vigueur. Ces ententes prévoient la livraison de 20 térawattheures. Selon Simon Bergevon, elles permettront aussi de dégager de l’espace sur les interconnexions existantes. Deux nouvelles lignes de transport sont en construction pour ces contrats.

«De 2012 à 2020, on vendait plus de 30 térawattheures par an, ce qui saturait pratiquement le potentiel de nos lignes», souligne-t-il. 

En cas de surplus d’électricité, par exemple après une saison très pluvieuse, Hydro-Québec sera en meilleure position pour écouler rapidement sa production, même à prix réduit. «Ce qu’on ne pourrait pas faire sans ces deux nouvelles interconnexions», insiste M. Bergevin.

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