Pseudoscience au Children: l'instigatrice du programme associée à un groupe qui vend des cristaux


Audrey Ruel-Manseau
La travailleuse sociale qui a introduit une pseudoscience basée sur les cristaux à l’Hôpital de Montréal pour enfants était en même temps impliquée dans une organisation dont la mission est de promouvoir la lithothérapie.
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Lynda Blanchette, qui remettait des pierres et des livres ésotériques aux enfants malades à l’hôpital, avait suivi une formation de 130 heures auprès de cette organisation, l'Institut Mandala du Bouddha de la médecine (IMBM).

Il s’agissait d’une formation de lithothérapie, une croyance sans fondement scientifique selon laquelle les pierres et les cristaux possèdent une énergie et des vertus thérapeutiques.
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Mme Blanchette se disait «diplômée» de l’IMBM à même la biographie du livre « Pierres d’Espoir » qu’elle remettait aux enfants, écrit avec l'accord de l’Hôpital et financé par une bourse de sa fondation.
Sur son site web, l'IMBM se décrit comme « un organisme à but non lucratif, dont la vocation est de promouvoir la lithothérapie par la publication de livres, du magazine La pierre chantante, la présentation de conférences et par diverses activités ».

L’IMBM et la maison d’édition Paume de Saint-Germain, qui a édité le livre de Mme Blanchette, sont respectivement présidés par Claire Desrochers et Claude F. Roy. Ce couple est à la tête d’un conglomérat d’entreprises et d’OBNL principalement axés sur la lithothérapie, qui comprend aussi une boutique de pierres et cristaux, un centre de soins thérapeutiques et un centre de méditation de la Fondation Poorna-Jnana Yoga inc., toutes situées sous le même toit, à Saint-Jean-sur-Richelieu. C’est là que se donne la formation sur les propriétés des cristaux.
Elle se base sur son «expérience»
« Est-ce qu'on va se priver d'utiliser des choses qui, peut-être, fonctionnent juste parce qu'on dit que scientifiquement, ce n'est pas prouvé? » expose la présidente de l’IMBM, Claire Desrochers, qui affirme se baser sur son «expérience».

« Ça fait plus que 20 ans que moi, j'expérimente », justifie celle qui utilise usuellement le pseudonyme Klaire D. Roy.
« Que tu ailles en Inde, au Japon... depuis des millénaires, ils vont utiliser les pierres et les cristaux pour traiter. Pour traiter. OK, j'utilise le terme « traiter ». Alors pourquoi est-ce qu'on jetterait ça à la poubelle maintenant et qu'on irait dire que ça ne fonctionne pas et que ça n'a jamais fonctionné? Des remèdes de grand-mère, ça n'a jamais fonctionné. La mouche de moutarde n'a jamais fonctionné, et pourtant ça a soulagé », compare-t-elle.
Notons qu’en 2014, des spécialistes de la santé interrogés par le magazine Protégez-vous concluaient que l’utilisation de mouche de moutarde pour soulager la toux bronchique était désuète et potentiellement risquée.
De nombreux livres
Mme Blanchette est activement impliquée dans différentes activités de l'IMBM depuis plusieurs années. Elle assiste aux séances de méditation et elle assure bénévolement le service d’accueil de l’IMBM. Lorsque notre Bureau d’enquête s’est présenté sur place, en novembre, c’est d’ailleurs elle-même qui a effectué la transaction pour l’achat de son livre.
Pierres d'Espoir n’est pas le seul livre qu’elle a écrit aux Éditions Paume de Saint-Germain; sa biographie mentionne « qu’elle participe activement à l’écriture d’ouvrages portant sur la lithothérapie en collaboration » avec « Le Groupe des 5 », un collectif d’auteurs associés à l’IMBM qui varie d’un livre à l’autre et dont les noms ne sont pas toujours mentionnés.

Les propos tenus dans plusieurs de ces ouvrages ont été jugés dangereux et erronés par des scientifiques et professionnels de la santé consultés par notre Bureau d’enquête dans le cadre de sa série documentaire Les dangers des cristaux guérisseurs, sortie cet automne sur la plateforme VRAI.
- Visionnez la bande-annonce :
La maison d’édition n’a pas voulu énumérer les livres auxquels Mme Blanchette a participé.
L’Hôpital de Montréal pour enfants n’a pas répondu à nos questions sur les activités de son ex-employée Lynda Blanchette à l’IMBM.
À noter que la lithothérapie n’est pas une discipline reconnue; il n’y a pas de fédération ou d’association professionnelle au Canada. Aucune étude scientifique ne démontre les bienfaits de cette pratique, outre un effet placebo.
Dans notre reportage publié hier, l’Hôpital de Montréal pour enfants se défendait que les pierres données aux jeunes patients « n’étaient pas présentées comme ayant des vertus curatives en elles-mêmes ». Pourtant, Mme Blanchette elle-même a expliqué qu’elle donnait une aventurine (une roche verte) aux enfants parce qu’elle croit que ses « qualités permettent d'alléger les nausées » de la chimiothérapie.
