Le bonheur: provoquer le destin

Sarah-Émilie Nault
« J’ai vraiment travaillé fort dans ce projet-là, j’ai tout donné », affirme Michel Charette à propos de sa nouvelle série Le bonheur. Entretien avec un artiste proactif qui défonce les portes et mène plusieurs projets de front.
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Michel Charette a grandi dans une ruelle du quartier Rosemont, à Montréal. Si sa famille n’était pas très artistique, il a pourtant su dès l’âge de 11 ans qu’il voulait être acteur.
« Tu l’as en dedans de toi, cette fibre-là », explique l’interprète du sergent détective Bruno Gagné de la série District 31 ; rôle pour lequel il a raflé trois prix Gémeaux et conquis le cœur de milliers de téléspectateurs.
Avec Le bonheur – série fort attendue, dont le premier épisode a été présenté le 5 janvier dernier sur les ondes de TVA –, l’acteur, qu’on a découvert avec des personnages comiques comme Jean-Lou Duval de la série jeunesse Radio Enfer et Popol, le fils de Stan (interprété par Rémy Girard) dans les films Les Boys, revient à la comédie qu’il affectionne.
Cette série écrite par François Avard (l’auteur de la série provocatrice à souhait Les Bougon) et Daniel Gagnon, il la décrit comme corrosive, décapante, politically incorrect, à la fois touchante, charmante et drôle.
Le comédien de 51 ans y campe le rôle de François Plante, un professeur de français au secondaire au bout du rouleau ; c’est le moins qu’on puisse dire après avoir vu son épique crise nerveuse dans la toute première scène de l’émission. Celui-ci décide de tout quitter et de s’acheter une ferme à la campagne avec sa femme (Sandrine Bisson) et son fils (Sam-Éloi Girard) pour écrire son roman.
« Il pense qu’il va être heureux. Malheureusement, on verra rapidement que ce n’est pas ça, explique en souriant le comédien qui mise beaucoup sur ce nouveau projet produit par Fabienne Larouche. On est tous à la recherche du bonheur, on veut tous quelque chose de matériel pour remplir le vide qu’on a à l’intérieur. Mais quand tu comprends que ce vide ne sera jamais rempli par de l’artificiel, il y a quelque chose qui ne marche pas. »
- Écoutez l’entrevue de Benoit Dutrizac avec François Avard, auteur et scénariste québécois sur QUB radio :
Défoncer les portes
Le bonheur de Michel Charrette se trouve, quant à lui, dans sa vie de famille (il est papa d’une fille de 12 ans et d’un garçon de sept ans) et dans les projets qu’il a plein la tête.
La notoriété rimant avec un plus grand éventail d’opportunités, le comédien est bien décidé à en profiter. À continuer à provoquer les choses aussi, afin de développer des projets qui le font vibrer, souvent en compagnie de ses vieux et fidèles alliés.
Avec son meilleur ami, le comédien François Chénier, il a écrit son premier one‐man-show qui sera présenté par ComediHa !, il développe un projet télévisuel baptisé Marco Lachance et prépare un spectacle de théâtre d’été. En compagnie de l’humoriste Dominic Sillon comme script éditeur, il a imaginé une comédie dans laquelle il tiendra le rôle d’un homme ayant toujours rêvé d’être chanteur et qui patauge dans sa propre vie. Le comédien travaille aussi à une émission de radio parlée avec son amie Jessica Barker.
Le projet qui l’emballe le plus, toutefois, concerne la pièce qui a changé sa vie : Le vrai monde ? Grand succès lorsqu’elle a été présentée au théâtre du Rideau Vert, à Montréal, la pièce partira en tournée québécoise en février, mars et avril 2023 et sera suivie d’une résidence d’un mois au théâtre La cartoucherie à Paris.
« Ariane Mnouchkine, c’est madame Théâtre dans le monde, explique le comé-dien qui a pris l’initiative de contacter personnellement la dame de 82 ans. C’est le théâtre où tu veux jouer à Paris. C’est un rêve qui était inatteignable, on capote tous ! Je me revois à 18 ans au Thêâtre Outremont à regarder Le vrai monde ? et je me dis : je suis rendu là, avec ce spectacle-là. »
Retour progressif de Bruno Gagné
« Je voulais juste vivre de ce métier-là, je n’avais pas d’appréhension, je ne pensais pas avoir la carrière que j’ai maintenant », explique celui qui sait que chaque sortie de la maison sera pimentée de bonjours et de compliments de spectateurs de District 31.
Le personnage de Bruno Gagné – un sergent détective expérimenté qui a vécu son lot de tragédies le faisant sombrer dans l’alcool et la dépression – lui permet d’aller dans des zones de drame qu’il ne pensait pas jouer.
Pour la petite histoire, si la descente aux enfers du sergent-détective nous a semblé bien longue, c’est que le tournage de la série Le bonheur était constamment repoussé. Bruno devait initialement partir en thérapie en apprenant la mort de son ami et collègue Stéphane Pouliot.
« Bruno va faire un retour progressif, il va revenir sporadiquement, dit le comédien en restant le plus évasif possible. Disons qu’on va voir ses limites avec les nouveaux personnages. Tout ce que je peux dire, c’est que quand je me lève le matin, je suis content d’aller travailler parce que je suis un privilégié. »
Questions en rafale
Ce qu’on serait étonné d’apprendre de toi :
« Que je joue de la musique, de la batterie. J’ai une salle de musique chez moi. Je suis vraiment mauvais, mais ça me défoule. J’ai des guitares, un banjo, des trompettes, des basses, je ne joue de rien, mais j’ai tout ça. Je suis un maniaque de musique et de heavy métal. »
Ton modèle d’acteur ?
« Jack Nicholson. J’ai même acheté l’affiche de mon film préféré, Vol au-dessus d’un nid de coucou, signée par lui. Ça m’a coûté une fortune. »
Un secret de plateau de District 31 :
« On a du fun et on a des fous rires monumentaux sans arrêt. On ajoute beaucoup de texte, on improvise souvent, car Luc [Dionne] nous permet de tout dire dans nos mots ce qu’il écrit. »
Un livre qui a changé ta vie ?
« L’art du bonheur du Dalaï-Lama que j’ai lu quand je faisais beaucoup d’anxiété, sur la recommandation de mon ami Jean-Marie Lapointe. »
Si tu n’avais pas été acteur ?
« J’aurais aimé être dans le groupe d’intervention tactique ou encore médecin légiste. »
Michel Charette en 5 rôles marquants
BRUNO GAGNÉ | DISTRICT 31 (depuis six ans)
« Pour la notoriété, la palette de jeu, pour la viande autour de l’os, pour les nominations, les récompenses, et pour la longévité. »
JEAN-LOU DUVAL | RADIO ENFER (pendant quatre ans)
« Parce que c’est un personnage plus gros que nature, qui ne se peut pas dans la vie. C’était de la caricature tellement assumée que ça passait. »
LÉOPOLD POPOL | LES BOYS
« Ça m’a mis au monde au niveau du public. Ça représente 15 ans de ma vie ! Ça m’a permis de jouer avec ces grands acteurs et travailler avec mon mentor, Louis Saia, à l’âge de 24 ans. »
BENOÎT | LADIES NIGHT (pendant 15 ans et plus de 1000 représentations)
« Une très grande aventure et un rôle qui a fait dire à mon ami François Chénier : “Michel, tu as probablement créé l’un des personnages les plus drôles du théâtre québécois.” »
ALEX | LE VRAI MONDE ?
« Ce rôle est extraordinaire à jouer, j’ai eu du fun et je le sentais. C’est un rôle qui dormait en moi depuis trente ans. C’est un rêve qui s’est concrétisé. »