Propriétaires punis: ils devront payer 43 000$ à leur locataire expulsée illégalement
Le tribunal a voulu donner une bonne leçon à tous les proprios qui font fi des lois


Francis Pilon
Une juge a voulu donner toute une leçon aux propriétaires du Québec en condamnant un couple à verser 43 000$ à leur locataire expulsée illégalement de son logement à Montréal.
• À lire aussi: Propriétaire au «comportement malicieux»: elle tente d’évincer une mère enceinte et sa famille pour mieux vendre sa maison
• À lire aussi: Propriétaire démasquée: un prétendu chum pour mieux évincer ses locataires
«Les propriétaires ne pouvaient ignorer le risque de faire fi de la loi; ils doivent maintenant assumer les conséquences», peut-on lire dans un jugement du Tribunal administratif du logement (TAL) rendu le mois dernier dans cette affaire.
Judith Baum et Jacob Baum possèdent plusieurs immeubles locatifs dans la métropole. Ce couple a expulsé en 2014 leur locataire Marielle Levine de son appartement de sept pièces loué pour 1350$ par mois. Ils ont prétexté que leur fille, Rivka Baum, voulait loger dans ce logement de la rue Saint-Joseph Ouest situé dans le quartier Mile End.
«Les propriétaires ont engagé un processus de reprise de logement de mauvaise foi pour se débarrasser de la locataire. Il est admis que Rivka et sa famille n'ont jamais habité le logement concerné, tel qu’indiqué à l’avis de reprise du logement», révèle la juge Sophie Alain, ajoutant que le loyer a augmenté d’au moins 20 % depuis l’expulsion illégale de Marielle Levine.

Leurs 10 filles utilisées
Selon le Tribunal, Judith et Jacob Baum ont tenté à au moins quatre reprises d’évincer ou de reprendre des logements de cette façon. Notons que le couple, qui est à la tête de l’entreprise J. Baum Realty Inc., a aussi plusieurs dizaines de jugements à leur nom au TAL.
«Bien que Judith le niera, ce n’est pas la première occasion que les locateurs reprennent un logement occupé par un locataire, au motif qu’une de leurs 10 filles ira l’habiter», lit-on dans le document de cour.
La locataire Marielle Levine a d’ailleurs expliqué que cette expulsion de «mauvaise foi» lui a fait perdre son «nid» et qu’elle n’a pas retrouvé un logement similaire à un prix abordable dans le même quartier montréalais. Elle a ensuite vécu un épisode de peur, de fatigue, de tristesse et de vide en quittant son appartement.
«Mais il y a plus. Par ses preuves et son témoignage, Judith a tenté de discréditer la locataire sous de faux motifs et tenté d’induire en erreur le Tribunal. La crédibilité de Judith est entachée. Un propriétaire ne devrait jamais recourir à un Tribunal avec de fausses allégations. Les ressources judiciaires ne sont pas illimitées», déplore la juge dans sa décision.
Ça va coûter cher
La cour du TAL a finalement condamné le 21 juin dernier Judith et Jacob Baum à verser 43 000$ à leur locataire. De cette somme, elle a accordé près de 8100$ en dommages compensatoires et le reste en dommages punitifs.
«Le Tribunal accorde 35 000$ pour sanctionner les manœuvres des locateurs, somme qu’il estime juste et raisonnable, considérant l’évolution des conditions locatives et immobilières. Le Tribunal juge que le besoin de dénonciation est pressant, car les locateurs ont déjà agi de la même manière par le passé», conclut la juge Sophie Alain.

La proprio se défend
Le Journal a rencontré Judith Baum à sa résidence du Mile End pour obtenir sa réaction sur ce jugement. La dame de 74 ans assure qu’elle va faire appel de cette décision du TAL.
«Je ne comprenais rien de ce que le juge disait en français durant la comparution. Je lui ai dit que je n’étais pas malhonnête, assure la Montréalaise. Je ne l’ai pas mis dehors pour de mauvaises raisons. Je voulais vraiment donner l’appartement à ma fille et à mon beau-fils, mais les plans ont changé.»
La locataire Marielle Levine n’a pas souhaité commenter son jugement pour ce reportage, «puisque le délai pour demander la permission d’en appeler n’est pas encore expiré».
POUR LIRE LE JUGEMENT «BAUM c. LEVINE», C’EST PAR ICI:
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.