Propriétaire condamné à payer 17 000$: il «trahit» et «harcèle» sa propre nièce pour l’évincer de son logement
Le Québécois au cœur de cette bisbille familiale se vante même de posséder «tout un quartier»


Francis Pilon
Un propriétaire du Bas-Saint-Laurent a été condamné à verser 17 000$ à ses anciens locataires, dont sa propre nièce qu’il a «trahie» dans le but de l’expulser de son logement.
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«La preuve a révélé que le propriétaire Christian Landry a harcelé les locataires afin de les évincer», a tranché la juge Micheline Leclerc, du Tribunal administratif du logement (TAL).

Dans sa décision rendue il y a quelques semaines, on apprend que Coralie Bouchard et son ex-conjoint William Michaud ont été victimes d’«actions malveillantes et abusives» de leur propriétaire depuis le printemps 2022.
M. Landry est aussi l’oncle de la locataire. Il a notamment affirmé avoir reçu des plaintes d’odeurs de cannabis et de bruits pour les expulser de leur appartement à Saint-Antonin, tout près de Rivière-du-Loup. Il a ensuite prétexté de la violence conjugale au sein du couple.

«Les policiers se sont rendus à l’immeuble, mais il ne sait pas pourquoi. Il a trouvé des mégots, mais ne sait pas à qui ils appartenaient. Il allègue des événements de violence dans le logement sans aucune preuve», révèle le TAL, qui souligne ses nombreuses contradictions.
Il blâme aussi son chat
Christian Landry est le propriétaire de l’entreprise 9359-1477 Québec inc., mieux connu sous le nom des Immeubles CL à Rivière-du-Loup. Pour se débarrasser de sa nièce, ce promoteur immobilier a d’ailleurs avancé devant la juge que le miaulement de son chat dérangeait ses voisins.

Notons que l’affaire a éclaté lorsque le couple de locataires s’est séparé en octobre 2022. Coralie Bouchard a alors demandé à son oncle de résilier le bail avec son ex-conjoint pour garder l’appartement seule. Christian Landry a d’abord accepté. Or, il a finalement retiré la partie stipulant que Coralie signerait un nouveau bail, sans la prévenir. «Il les a trahies en faisant signer ce document», déplore la juge.
«Pourquoi une telle obstination à obtenir que sa nièce quitte le logement, alors qu’il n’y a pas de preuve prépondérante que les locataires sont sources d’ennuis?», se questionne l’honorable Micheline Leclerc.
La réponse se trouve en partie dans un courriel de Christian Landry écrit le 3 décembre 2022. Ce message était adressé aux locataires, à la mère de Coralie Bouchard et à ses grands-parents. Selon le TAL, le «litige est personnel, voire vindicatif».

«On m’accuse de suivre les allées et venues de Coralie, je voudrais juste vous rappeler que je suis propriétaire de 30 autres logements dans le secteur», écrit le promoteur immobilier, qui se vante dans le même courriel de posséder «tout un quartier». Il assure aussi ne pas épier sa nièce, même s’il photographiait les véhicules de ses fréquentations.
Propos «loufoques»
En décembre 2022, le propriétaire tente finalement par plusieurs méthodes «discutables» de convaincre Coralie Bouchard et William Michaud de résilier le bail.
«Christian Landry allègue que sa nièce veut se débarrasser du logement, mais que sa mère ne veut pas et qu’elle se fait passer pour sa fille [par textos ou courriels]. Cette prétention est loufoque», déplore le Tribunal, qui critique sa «mauvaise foi» et son «acharnement».

Finalement, la juge a conclu que Coralie Bouchard pouvait conserver l’appartement. Christian Landry devra toutefois verser 17 000$ aux deux locataires à titre de dommages moraux et punitifs.
«La preuve a révélé que Coralie a vécu dans la crainte de perdre son logement depuis le mois de décembre 2022, alors qu’elle était fragile et démunie moralement. Elle a été impliquée dans un litige familial à son insu», souligne le TAL.
Proprios «en or», selon eux
Christian Landry et sa conjointe Luce Sylvain, tous les deux à la tête de la compagnie Immeubles CL, assurent en entrevue avec Le Journal être de bons propriétaires.

«Ça nous a scié les bras en voyant le jugement. On est d’excellents propriétaires. On achète des cadeaux de Noël à nos locataires. Vous voyez le genre? On a une réputation en or et tout le kit», se défend au téléphone M. Landry.
Le promoteur immobilier a déposé le 9 février une demande de rétractation de la décision du TAL. Selon lui, la «juge a écouté une autre émission que celle qui lui a été présentée». Coralie Bouchard et William Michaud n’ont pas souhaité commenter cette affaire avant la prochaine audience prévue en avril 2024.
Pour lire le jugement au complet, c’est par ici:
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