Propos racistes: ce juge de la Cour municipale de Montréal sera-t-il réprimandé?
Il avait fait le lien entre l’origine indienne d’un accusé et la violence faite aux femmes dans le pays


Camille Payant
Un juge de la Cour municipale de Montréal a bel et bien tenu des propos racistes et entretenu des stéréotypes dégradants envers un accusé indien en salle d’audience, a conclu un comité d’enquête qui recommande qu’il soit réprimandé.
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«Le raisonnement stéréotypé est tellement ancré que le juge se sent obligé de soulever d’office l’origine du défendeur et l’impact possible de celle-ci sur son droit à une mise en liberté», ont récemment souligné les membres du comité d’enquête du Conseil de la magistrature en proposant que le juge Gaétan Plouffe soit réprimandé pour ses propos.
Lors d’une enquête sur remise en liberté d’un homme accusé dans un dossier de violence conjugale en 2021, le magistrat avait indiqué: «Il y a des problèmes, en Inde, de violences envers les femmes. Est-ce que monsieur a importé ses coutumes ici? C’est ça la question. C’est le parallèle qu’on peut se poser.»
«Vous savez, au Pakistan, c’est le pays au monde où il y a le plus de crimes envers les femmes», avait-il poursuivi devant l’accusé... d’origine indienne.
Défense
Lors de son passage devant le Conseil de la magistrature, le juge Plouffe s’est défendu en indiquant que son objectif était de comprendre si l’homme qui se trouvait devant lui «participait à cette culture patriarcale toxique de domination des femmes et de violence à leur égard» qui pouvait «aller jusqu’au crime d’honneur».
L’interprète qui traduisait du punjabi au français lors de l’audience s’est dite «surprise et choquée» par ce commentaire.
Le juge a témoigné n’être «pas surpris de sa réaction» puisqu’elle est Pakistanaise et que la violence faite aux femmes est un sujet tabou dans le pays.
Il affirme tout de même «regretter la perception que les gens ont eue de ses propos qui sont la manifestation de sa sincère inquiétude pour la sécurité des victimes».
Manque de civilité
Les membres du comité ont toutefois tranché que les propos tenus par le magistrat «manquent de civilité et sont incompatibles avec les devoirs de dignité et d’honneur».
«Les manquements établis par l’enquête sont très sérieux dans un contexte où le juge exerce ses fonctions à la Cour municipale de Montréal, région métropolitaine où la proportion d’immigrants est la plus élevée au Québec», ont-ils précisé.
Le juge Plouffe, qui siège depuis 2012, avait déjà été réprimandé pour avoir dit, sur un ton «bourru»: «Ici, vous n’êtes pas dans une taverne», lors d’une audience à propos d’une infraction au Code de la sécurité routière.
Il avait fait l’objet de trois autres plaintes, qui avaient été rejetées à différents stades.
Dans l’une d’elles, on lui reprochait d’avoir dit à un accusé qui soumettait une défense de profilage racial qu’il avait «l’air aussi caucasien que [lui]».
Il s’était également fait rappeler à l’ordre par une juge de la Cour supérieure pour avoir utilisé des stéréotypes lors de la sentence d’un ex-toxicomane.
«Je le regarde et je suis pas sûr que ce monsieur-là consomme pas encore. [...] Vous avez de la misère à enligner deux phrases [sic]», avait alors dit le juge Plouffe.
Quelques citations du juge lors de l’audience
- «Vous savez que, au Canada, on n’a pas le droit d’exercer des violences contre sa femme?»
- «C’est une question théorique que je vous pose: je peux-tu faire abstraction de ça comme juge, moi, si l’individu vient du Pakistan, du Moyen-Orient?»
- «Peut-être que si une preuve de contexte culturel propre au défendeur avait été présentée, ma décision aurait été différente», avait-il indiqué en libérant l’homme pour la suite des procédures.
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