Projet controversé en Mauricie: 140 éoliennes sèment la colère
Le projet de TES CANADA prévoit verser 11 M$ de compensations annuelles aux propriétaires, voisins et municipalités inquiète des communautés
Francis Halin et Sylvain Larocque
Des résidents d’un village de la Mauricie en colère contre un mégaprojet de 140 éoliennes qui pourrait venir s’installer dans leur coin de paradis dénoncent la vente du Québec à rabais au privé.
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«Ça n’a jamais été dans le programme électoral de la CAQ de nous envahir d’éoliennes», souffle Jean Guilbert, un producteur laitier de Saint-Maurice, qui refuse de voir les éoliennes de TES Canada fleurir tout près de chez lui.
«On est en train de vendre le Québec à de grandes entreprises qui vont venir nous envahir pour avoir l’électricité à bon prix», soupire l’homme en ne lâchant pas des yeux une casserole de sirop d’érable, qui crépite dans le fond du bâtiment où il reçoit Le Journal.
- Écoutez l'entrevue avec Francis Halin, journaliste économique au JDM à l’émission de Richard Martineau via QUB :
Il y a quatre mois, TES Canada a présenté le «Projet Mauricie» d’hydrogène vert, qui veut s’alimenter en énergie avec son propre parc éolien et solaire de 1 GW (1000 mégawatts). (voir autre texte), mais déjà un vent de colère semble s’être immiscé dans les chaumières.
À Saint-Maurice, Jean Guilbert amène Le Journal à l’entrée de sa municipalité d’à peine 3000 âmes pour montrer un panneau qu’il vient de planter pour alerter ses concitoyens.
«Non à la privatisation», peut-on lire, avec un sigle rouge qui s’oppose aux éoliennes en «zone habitée». Qui sème le vent récolte la tempête, préviennent les opposants aux turbines.
«L’automne et le printemps, on a des spectacles d’oies blanches et de bernaches qui virent dans les champs ici. Imaginez avec des éoliennes de 200 mètres. Elles vont souffrir», s’indigne Jean Guilbert, qui en veut au gouvernement actuel.
TES estime la hauteur des tours à environ 120 mètres et les pales à 80 mètres, pour un total de 200 mètres. En comparaison, la Place Ville-Marie, au cœur de la métropole, a un peu plus de 188 mètres.

Écrasé par une «grosse corporation»
À deux pas de lui, Mathieu Ferragne, qui vient de quitter Montréal pour savourer la tranquillité du comté Les Chenaux, ne mâche pas ses mots à l’endroit du projet, qui fait grincer les dents.
«Hydro-Québec ne ferait jamais exprès pour mettre ça à côté de chez nous, mais le projet ici relève du privé», dénonce-t-il.
«Je me sens attaqué, écrasé par une “grosse corporation” qui est prête à tout détruire pour son propre profit et ses propres intérêts», soupire-t-il.
Au cœur du village, à l’entrée du Bonichoix, Stéphane Poirier, chauffeur de zamboni, résident de Saint-Maurice, ne voit pas non plus d’un bon œil l’arrivée des éoliennes de la colère.
«On va détruire des terres cultivables qu’on a réussi à gagner. Ce n’est pas un gain nulle part», dénonce-t-il.

Pas de pression
À 25 kilomètres de là, quelques rangs plus loin, à Saint-Stanislas, le producteur laitier Frédéric Jacob, raconte au Journal que des représentants de TES Canada sont venus chez lui pour lui proposer d’installer des éoliennes.

«Ils sont venus me voir. Je n’ai pas senti de pression d’eux, même un certain détachement», affirme-t-il en faisant le tour de son étable.
«Les vaches sont hypersensibles aux tensions parasites», dit-il, en pointant le champ où TES veut planter ses deux tours.
Au Journal, Frédéric Jacob dit qu’il n’est pas contre les éoliennes en soi, mais qu’à ce stade-ci, le projet est encore trop vague à son goût.

«C’est comme signer un contrat avec un renard qui te dit: “Non, il n’y aura pas de plumes, pas de sang, inquiète-toi pas”», image-t-il.
«TES Canada sont en relations publiques. Ils ne sont pas dans l’information et les détails techniques. Dans la forme actuelle, je ne signe rien, ça, c’est sûr», conclut-il.
–Avec la collaboration de Marie Christine Trottier
L'an dernier, Le Journal a demandé au ministère de l’Environnement les documents des cinq dernières années portant sur les effets des éoliennes sur la santé humaine et animale. Des études sur la chauve-souris, l’aigle royal et le faucon pèlerin avaient notamment été fournies en réponse à cette demande d’accès à l'information.
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