Près d’une tonne de cocaïne au Québec: découvrez les coulisses d’un réseau de trafic de stupéfiants
L’organisation criminelle faisait miroiter des profits rapides de 20 000$ à 30 000$ par mois à ses «investisseurs»


Laurent Lavoie
Techniques d’enquête multiples, des profits majeurs pour des «investisseurs», une structure réglée au quart de tour: une récente enquête policière a révélé les coulisses d’un réseau de trafic de stupéfiants qui aurait transporté, depuis Toronto, près d’une tonne de cocaïne au Québec.
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«Je crois que c’est vraiment une belle image de qu’est-ce que le crime organisé est rendu ici en sol montréalais», souligne Francis Renaud, commandant à la Division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).
Cette enquête de longue haleine, baptisée AUXO, a été lancée en juin 2021 par le SPVM.

Les forces de l’ordre ont entre autres eu recours à des opérations de surveillance physique, des caméras, de l’écoute électronique et des dispositifs de localisation, afin de tout savoir sur ces criminels.
Grâce à des perquisitions, le SPVM a annoncé en novembre 2022 les saisies de 170 000 comprimés d’opioïdes, de dizaines de kilos de cocaïne et de méthamphétamine en cristaux valant plus de 3,4 M$ sur le marché noir et de 1,3 M$ en argent comptant.
Certains suspects qui s’étaient fait passer les menottes ont récemment reconnu leur culpabilité.
Ainsi, des documents judiciaires déposés devant le tribunal expliquent en détail le fonctionnement raffiné de l’organisation criminelle, identifiant au passage quelques-uns de ses acteurs par leur alias (voir encadré). Les autorités soupçonnent qu’Emmanuel Puthyra Roy, 37 ans, était la tête dirigeante. Ce dernier est toutefois en cavale et figure parmi les 10 criminels les plus recherchés du Québec.

«C’est des gens de Montréal, du nord-est de la ville, qui ont gravi les échelons en matière de criminalité, et qui se sont rendus à une étape importante dans le maillon de l’introduction de la drogue ici au Canada», explique le commandant Renaud.
Une organisation prolifique
Et ils ont été prolifiques: environ 870 kg de cocaïne auraient été transportés au Québec par l’organisation criminelle durant l’enquête des policiers.
«[Il] y a eu 28 approvisionnements en kilos de cocaïne et à une occasion en arme à feu qui ont été faits à Toronto», lit-on dans un résumé des faits déposé en cour.

Les criminels utilisaient «un nouveau mode de fonctionnement dans le monde du trafic de stupéfiants», mentionne le document.
La structure de l’organisation comptait deux volets.

Le premier veillait à la distribution des stupéfiants, tandis que le second s’occupait de la collecte de l’argent, la comptabilité, les payes et le transfert de l’argent pour l’achat des stupéfiants.
Service de qualité
Pour s’assurer que des fonds étaient disponibles pour l’approvisionnement massif de drogue, un système avait été mis en place avec des «investisseurs», à qui on faisait miroiter des profits rapides de 20 000$ à 30 000$ par mois.
Les trafiquants proposaient même de s’occuper de la revente de la cocaïne à leur place.
Ils offraient aussi un «service après-vente», reprenant les kilos de cocaïne que les clients jugeaient de mauvaise qualité, indiquent les documents présentés en cour.
Une conversation captée par les policiers révèle que le réseau se procurait des kilos de cocaïne à 26 500$ l’unité, pour les revendre 28 000$. Un kilo était 1500$ moins cher à Toronto qu’à Montréal.

Un immeuble à logements de l’avenue Pothier, à Montréal, servait d’ailleurs de cache d’argent.
Le butin était soigneusement rangé dans la garde-robe d’un bureau... pièce où les enquêteurs avaient caché une caméra.
Voici où en est le dossier de certains acteurs*:
- Patrick-Olivier Gravel, alias «P.-O.» ou «Parker»: sentence à venir, a plaidé coupable
- Maxime Renault: 3 jours de procès, fixés en octobre
- Jean-Michel Renault, alias «J-M» ou «Roadrunner»: 6 ans et demi de prison, a plaidé coupable
- Kepler Philogène, alias «KK» ou «Kéké»: sentence à venir, a plaidé coupable
- Marie-Pier Archambault, alias «Popette»: sentence à venir, a plaidé coupable
- Sarah Blanchard-Majano: enquête préliminaire en novembre
- Nicolas Monière-Lafetière, alias «Nic», «Nico» ou «Capone»: sentence à venir, a plaidé coupable
- Sami Hashemi Pour: 7 ans et demi de prison, a plaidé coupable
- Emmanuel Puthyra Roy: recherché par la police
*Prendre note que les accusations visant les différents suspects varient selon leur implication alléguée dans l’organisation criminelle.
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