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L'article provient de Salut Bonjour
Famille

Pourquoi il faut laisser les enfants s’ennuyer (et comment ça stimule leur créativité)

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Mélanie Roy

2025-08-06T01:20:37Z
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Trop souvent perçu comme un problème, l’ennui serait en réalité une précieuse opportunité pour le développement de l’enfant. Et si on apprenait à l’apprivoiser?

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Aujourd’hui, les enfants jonglent avec des horaires aussi chargés que ceux des adultes. Activités parascolaires, écrans, jeux organisés... Leur temps libre est souvent minuté. Pourtant, les spécialistes s’accordent à dire qu’un ingrédient essentiel manque à leur quotidien : l’ennui. 

C’est ce que défend Tristan Demers, bédéiste et animateur bien connu des jeunes, qui anime depuis plusieurs années des ateliers de dessin dans les écoles. À force de côtoyer des milliers d’élèves, il a constaté une tendance préoccupante : les enfants peinent à inventer, à créer sans consigne, à rêver librement. Un constat qu’il explore dans son livre L’imaginaire en déroute. Dans cet essai, il plaide pour le retour de l’imaginaire spontané, celui qui naît justement... de l’ennui. 

Lorsqu’un enfant n’a rien à faire, il est forcé de puiser dans ses ressources intérieures, de construire, d’explorer, de rêver. En d’autres mots, l’ennui devient un puissant moteur de créativité, et un cadeau à offrir plutôt qu’à éviter.

L’art oublié de ne rien faire

C’est entre 3 et 6 ans que l’imaginaire des enfants est le plus actif, explique Solène Bourque, psychoéducatrice et auteure. « À cet âge, environ 60 % des enfants fréquentent un CPE ou une garderie, où le programme éducatif, bien que bénéfique, reste très structuré. Les jeux sont encadrés, et l’horaire est organisé au quart de tour. »

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Une fois à la maison, le rythme ne ralentit pas vraiment : les week-ends sont souvent rythmés par les cours de natation, les fêtes d’anniversaire, les sorties... Autant d’occasions qui laissent peu de place à l’ennui. « Or, la créativité naît précisément quand on ne fait rien », insiste Solène Bourque.

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Réhabiliter l’ennui

De son côté, Jessica Lara-Carrasco, psychologue en pédopsychiatrie à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont, souligne que l’ennui est encore trop souvent perçu comme une perte de temps. « On a tendance à vouloir combler tous les vides, chaque moment d’inactivité. L’ennui est vu comme quelque chose de négatif, voire d’inutile », explique-t-elle.

Pourtant, laisser un enfant s’ennuyer, c’est lui offrir l’occasion de développer son autonomie, son imagination et sa capacité à créer par lui-même. Évidemment, cela ne signifie pas de bannir toute activité : pendant la semaine de relâche, les spécialistes recommandent de prévoir quelques moments organisés... mais aussi de laisser des plages libres, sans agenda. Un équilibre précieux pour nourrir l’imaginaire.

S’ennuyer pour mieux imaginer

« Je dis souvent à mes enfants : aujourd’hui, on s’ennuie! Le jeu, c’est de s’ennuyer », raconte Solène Bourque en souriant. Et comme souvent, les premières minutes sont chaotiques : les enfants tournent en rond, cherchent quoi faire... jusqu’à ce qu’un déclic survienne. « Ils finissent par s’amuser avec des riens, à se construire un monde avec trois fois rien », observe-t-elle.

Ce moment de bascule est précieux. Pourtant, il demande une chose que bien des adultes peinent à offrir : le temps. « Notre seuil de tolérance à l’improductivité est très bas », note Jessica Lara-Carrasco. Mais dès qu’on le dépasse, on découvre que les enfants sont parfaitement capables de redevenir créatifs, sans qu’on ait à intervenir.

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Un exemple marquant? Le camping. « Sans écran ni distraction, les enfants rechignent au départ. Puis, on les retrouve en train de construire des cabanes avec des branches ou de collectionner des cailloux en formes étranges. »

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Les bienfaits (durables) de l'ennui chez les enfants

Favoriser l’ennui, c’est offrir bien plus qu’un moment de calme : c’est donner à l’enfant les conditions idéales pour développer son imaginaire... et des compétences utiles toute sa vie.

« En jouant à “faire semblant”, l’enfant apprend à entrer en relation, à développer son empathie, mais aussi sa capacité à se projeter dans d’autres situations », souligne la psychologue. Des aptitudes essentielles pour comprendre le monde et les autres.

Comme le résume si bien Marie Eykel dans la préface du livre L’imaginaire en déroute de Tristan Demers : s’inventer un monde, c’est une façon de « s’exercer pour quand ce sera réel ». Une belle leçon à retenir... pour les petits comme pour les grands.

Une boîte à idées... et beaucoup de liberté

Pour permettre à l’ennui de faire son œuvre, encore faut-il que le parent accepte de le voir s’installer... sans culpabiliser. « Il n’y a aucun mal à rester près de ses enfants, rassure Solène Bourque. Mais plutôt que de diriger leur jeu, on peut simplement les orienter, les inspirer. »

Une astuce simple? Créer une boîte à idées ou un chapeau rempli de suggestions : construire une cabane en couvertures, dessiner, inventer une chanson... Lorsque les enfants cherchent encore quoi faire après quelques minutes, il suffit de leur proposer de piger une idée au hasard.

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Autre option : leur donner un thème libre comme « aujourd’hui, on fait de l’art! » et les laisser s’exprimer comme ils le souhaitent, avec des crayons, de la peinture, des ciseaux, sans attente de résultat. « L’important, c’est qu’ils fassent ce qu’ils veulent, à leur façon. C’est extrêmement valorisant pour eux de trouver une idée par eux-mêmes et de la concrétiser », souligne la psychoéducatrice.

Dans son essai L’imaginaire en déroute, Tristan Demers se montre résolument optimiste. Il croit que tous les enfants possèdent ce « pouvoir créatif », cette capacité à inventer des mondes, à rêver grand... à condition qu’on leur en laisse la liberté. « L’univers qu’on s’invente ne coûte rien », écrit-il. Ce n’est ni une question de talent, ni de moyens mais de laisser-aller.

Comme le résume si bien Solène Bourque : « Les enfants doivent déjà suivre beaucoup de règles dans leur quotidien. Alors, dans les moments de jeu, donnons-leur le plus d’espace et de liberté possible. » Parce que parfois, c’est justement en ne faisant rien... qu’on crée tout.

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Foire aux questions: l’ennui chez l’enfant

1. Est-ce vraiment bon de laisser un enfant s’ennuyer?

Oui! L’ennui est un déclencheur naturel de la créativité. En l’absence de stimuli extérieurs, l’enfant est amené à puiser dans son imaginaire, à créer des jeux, des histoires et des solutions par lui-même.

2. À partir de quel âge un enfant peut-il tirer des bienfaits de l’ennui?

Dès l’âge de 3 ans, l’enfant est capable de jouer de manière autonome et d’inventer des mondes. C’est aussi à cet âge que son imaginaire est le plus actif, à condition qu’on lui laisse l’espace de l’explorer.

3. Comment réagir quand un enfant dit “Je m’ennuie”?

Plutôt que de lui proposer immédiatement une activité dirigée, on peut l’encourager à trouver ses propres idées. Une boîte à idées remplie de suggestions ludiques ou un thème libre comme “on fait de l’art” peuvent l’aider à se lancer tout en gardant sa liberté.

4. Est-ce normal qu’un enfant tourne en rond avant de commencer à jouer?

Tout à fait. Cette phase de flottement est souvent nécessaire pour que l’enfant passe d’un état de dépendance à un état d’autonomie créative. Avec un peu de patience, il finit généralement par s’immerger dans une activité de son cru.

5. Laisser un enfant s’ennuyer, est-ce le “laisser à lui-même”?

Non. L’idée n’est pas de l’abandonner, mais de lui offrir un cadre sécurisant où il peut explorer librement. Le rôle du parent est d’être présent en toile de fond, sans intervenir, sauf pour encourager ou orienter doucement au besoin.

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