Policiers de la SQ contre Radio-Canada: des allégations «grotesques», selon un ex-journaliste devenu agent


Michael Nguyen
Un ex-journaliste devenu policier pour la Sûreté du Québec à Val-d’Or a qualifié de «grotesques» des allégations contenues dans un reportage de l’émission Enquête à Radio-Canada, qui a frappé l’imaginaire collectif au point où il s’en fait encore parler des années plus tard, déplore-t-il.
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«On veut passer à autre chose, mais le reportage était si bien imagé... Ça a conforté des gens dans leur propre idéologie, ils veulent y croire dur comme fer», a témoigné Jean-Raphaël Drolet lundi au palais de justice de Montréal.
Le policier, la voix par moment émotive, témoignait dans le cadre d’une poursuite en diffamation de 42 policiers contre la société d’État, en lien avec le reportage Abus de la SQ: des femmes brisent le silence diffusé en 2015 à l’émission Enquête.
La journaliste Josée Dupuis y donnait la parole à des femmes autochtones de Val-d’Or, en Abitibi, qui affirmaient avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de la part de policiers.
Le reportage avait créé une onde de choc, poussant le gouvernement à créer la commission Viens sur les relations entre les autochtones et les services publics.
Or, pour les policiers à l’origine de la poursuite civile, la journaliste avait mal fait son travail, notamment en ne vérifiant pas des informations contenues dans le reportage.
Radio-Canada se défend en affirmant avoir tout fait «dans les règles de l’art» et fera témoigner ultérieurement sa journaliste dans le but d’en faire la preuve.
«Grotesque»
Les policiers, de leur côté, réclament près de 3 M$ en diffamation à la société d’État et, depuis deux semaines, ils défilent devant le juge afin d’expliquer le tort que le reportage a eu sur eux.
Ainsi, lorsqu’est venu son tour de témoigner, lundi, le sergent Drolet a attaqué de front le reportage, en qualifiant certaines de ses allégations de «carrément fausses».
«Je me suis demandé où était passée l’impartialité», a dit le sergent qui, avant de devenir policier, a été journaliste, entre autres, à Radio-Canada.
Il a ainsi donné l’exemple d’un lieu discret où, selon Enquête, des policiers achèteraient des faveurs sexuelles auprès de femmes autochtones.
«Ce n’est pas un lieu désert, a lancé le sergent. C’est saugrenu, farfelu.»
Quant à l’allégation que des policiers rangeaient des caisses de bière dans le coffre de leur autopatrouille, il assure que c’est physiquement impossible, considérant tout l’équipement qui est déjà entassé là.
«C’est grotesque», a-t-il ensuite dit concernant d’autres allégations visant des violences corporelles, mais qui auraient été démenties en faisant une simple vérification.
Impact
Sauf que les effets du reportage ont été bien réels, a-t-il affirmé à la cour.
«Ç’a placé une cible sur tous les policiers de Val-d’Or», a dit celui qui travaille maintenant aux communications.
Il a ainsi affirmé avoir dû s’expliquer à sa famille et répondre aux doutes quant à sa probité.
«Il y avait de la colère, de l’anxiété, du stress, a-t-il dit à la cour pour justifier les montants réclamés. Encore aujourd’hui, j’ai peur de me faire parler de ça. Je voudrais que ça arrête, mais le reportage a frappé l’imaginaire collectif...»
Le procès, devant le juge Babak Barin, est prévu pour encore un peu plus de deux mois.
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