Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

Policiers contre Radio-Canada: le reportage d'Enquête a transgressé des normes journalistiques

C’est l’avis d’un expert en journalisme entendu dans la poursuite en diffamation pour 3M$ de la Sûreté du Québec

Marc-François Bernier, lors de son passage au palais de justice de Montréal le lundi 15 avril 2024.
Marc-François Bernier, lors de son passage au palais de justice de Montréal le lundi 15 avril 2024. Photo Pierre-Paul Poulin / Le Journal de Montréal
Partager
Photo portrait de Erika Aubin

Erika Aubin

2024-04-15T19:30:00Z
Partager

Un reportage de l’émission Enquête qui levait le voile sur de présumés abus sur des femmes autochtones de Val-d’Or par des policiers a bafoué plusieurs normes journalistiques et a même induit le public en erreur, estime un expert.

• À lire aussi: Policiers contre Radio-Canada: des femmes crédibles, estime la journaliste

• À lire aussi: Policiers de la SQ contre Radio-Canada: des allégations «grotesques», selon un ex-journaliste devenu agent

• À lire aussi: «J’étais vu comme un abuseur sexuel»: des policiers de la SQ à Val-d’Or réclament 3 M$ à Radio-Canada

«S’il avait été fait dans les règles de l’art, je suis convaincu qu’il n’y aurait pas eu ce reportage-là... ou il aurait été différent [...] Il serait beaucoup moins percutant, moins persuasif», a rapporté d’emblée l’expert en journalisme Marc-François Bernier.

Le professeur à l’Université d’Ottawa est très critique du travail de la journaliste Josée Dupuis. Son rapport a été déposé devant le tribunal dans le cadre d’une poursuite en diffamation de 42 policiers contre la société d’État, en lien avec le reportage Abus de la SQ: des femmes brisent le silence, diffusé à l’émission Enquête en 2015.

  • Écoutez le segment Tout savoir en 24 minutes avec Alexandre Moranville et Mario Dumont sur QUB :
Publicité

Des témoignages pas corroborés

La journaliste y donnait la parole à des femmes autochtones de Val-d’Or, en Abitibi, qui affirmaient avoir été victimes de violences physiques et sexuelles de la part de policiers. Cela avait créé une véritable onde de choc, poussant même le gouvernement à créer la commission Viens sur les relations entre les Autochtones et les services publics.

Or, le reportage transgresse plusieurs normes de la déontologie du journalisme, détaille Marc-François Bernier dans son rapport de 90 pages. Entre autres, «bon nombre d’allégations sont diffusées sans corroboration, sans même une démarche de corroboration», constate-t-il.

«Quand on arrive à des allégations graves, ici de nature criminelle, a dit M. Bernier en faisant allusion aux présumés abus sexuels, il faut aller vérifier autant que possible leur fondement.»

L’expert cite aussi le cas de Priscillia Papatie, qui relatait avoir été laissée dans un stationnement de Walmart en pleine nuit par des policiers ayant mis en morceaux son cellulaire. Or, elle a donné une version contradictoire de cet événement, que l’on peut entendre dans des extraits laissés de côté lors du montage, révèle le rapport.

«La journaliste n’a pas cherché à corroborer laquelle de ces versions était véridique», écrit M. Bernier. Il a précisé, lors de son témoignage, «qu’on avait des ficelles pour voir si c’était vrai ou pas, mais on n’a pas tiré dessus».

Un titre sensationnaliste

Le chercheur universitaire estime aussi qu’«en choisissant un titre trompeur et sensationnaliste, l’équipe d’Enquête et Radio-Canada ont transgressé la règle» de la rigueur et de l’exactitude.

Selon lui, la journaliste savait que certaines allégations remontaient à plusieurs années, alors que Val-d’Or était sous l’autorité de la sûreté municipale. Les «abuseurs» étaient d’ex-policiers alors à la retraite ou des policiers au service de la Sûreté municipale de Val-d’Or.

«Ce titre incit[e] faussement les publics à poser un jugement critique et à s’indigner contre les policiers de la SQ en poste à Val-d’Or.»

«Je pense que le public a été induit en erreur et l’est encore. Le reportage est toujours en ligne. Rien n’avertit le public qu’il faut se méfier de certains témoignages», a laissé tomber Marc-François Bernier.

Rappelons que les policiers de la SQ qui disent avoir vécu «l’opprobre social» à la suite de la diffusion réclament 3 M$ en dommages pour diffamation.

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité

Sur le même sujet