Plan de rattrapage scolaire: aucun prof volontaire dans des écoles
Le manque de personnel plombe les efforts de rattrapage auprès d’élèves après la grève

Daphnée Dion-Viens
Malgré les millions $ investis, le plan de rattrapage dévoilé par Québec après la grève a du plomb dans l’aile. Dans certaines écoles, aucun prof ne s’est porté volontaire pour y participer.
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Au début janvier, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé un plan de rattrapage assorti d’un budget de 300 millions $ afin de permettre aux élèves de rattraper le retard scolaire causé par la grève, certains ayant manqué jusqu’à cinq semaines d’école avant les Fêtes.
Ce plan repose essentiellement sur la participation volontaire des enseignants, à qui on propose d’être payés en heures supplémentaires pour participer à des activités de récupération, à l’extérieur des heures de classe notamment.
- Écoutez l'entrevue avec Bernard Drainville, ministre de l'Éducation à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB :
Aucun volontaire
Or dans certaines écoles, aucun prof n’a levé la main pour y participer, selon un sondage interne réalisé par la Fédération québécoise de directions d’établissement d’enseignement (FQDE), auquel environ 140 membres ont répondu.
Même si ce coup de sonde est loin d’être scientifique, son président, Nicolas Prévost, indique qu’il correspond aux échos entendus sur le terrain, où la situation varie considérablement d’une école à l’autre.
Dans certains établissements, il y a plus de profs volontaires que nécessaire, mais dans plusieurs autres, il n’y a qu’un très petit nombre d’enseignants — ou parfois même aucun — qui ont répondu à l’appel.
«Généralement, c’est plus négatif que positif, affirme M. Prévost. C’est sûr qu’il y a des élèves, malheureusement, qui n’auront pas de service de rattrapage, en tout cas pas à court terme» laisse-t-il tomber.
Il n’est pas impossible que des étudiants en enseignement puissent mettre la main à la pâte à partir de la fin avril, une fois leur session universitaire terminée, mais la priorité sera avant tout de pourvoir les postes vacants, ajoute le président de la FQDE.
Le plan de rattrapage prévoit aussi des sommes supplémentaires pour offrir des services spécialisés aux élèves en difficulté, mais recruter des professionnels demeure aussi tout un défi.
Même si l’argent est au rendez-vous, «c’est extrêmement difficile de trouver des gens pour mettre les services en place», affirme Nicolas Prévost.
Pendant la journée d’école
Le rattrapage se fera par ailleurs surtout pendant la journée d’école, lors des heures de classe ou le midi, puisque très peu d’écoles organiseront des activités de récupération en fin de journée, pendant la fin de semaine ou au cours de la semaine de relâche, selon le coup de sonde réalisé par la FQDE.
Du côté de l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire, on indique aussi que la situation est «à géométrie variable» puisqu’il manque de profs volontaires dans certains milieux. Ces derniers doivent alors se tourner vers d’autres membres du personnel.
«Est-ce qu’on va vraiment trouver des ressources pour tous les élèves (qui en ont besoin)? C’est difficile à dire pour l’instant», indique sa présidente, Kathleen Legault.
Accueil mitigé
Dans le réseau scolaire, le plan de rattrapage a été plutôt bien accueilli, surtout en raison de sa grande flexibilité, mais les réactions sont plus mitigées dans les rangs des enseignants.
Des profs souhaitent donner un coup de pouce supplémentaire à leurs élèves et la perspective de gagner plus d’argent, après des semaines de grève sans salaire, n’est pas à négliger, selon des commentaires recueillis par Le Journal auprès d’enseignants qui n'ont pas souhaité s'exprimer publiquement à ce sujet.
Mais d’autres considèrent que participer à cet effort supplémentaire serait totalement incohérent avec les revendications exprimées pendant la grève, alors que la charge de travail des profs a été dénoncée à maintes reprises sur les lignes de piquetage.
Dans certaines écoles, le manque de locaux est aussi problématique, puisque les classes sont utilisées par le service de garde en dehors des heures de cours, indique-t-on.
De son côté, la Fédération autonome de l'enseignement a préféré ne pas commenter la situation, préférant attendre d'avoir un portrait plus complet avant de se prononcer.
Au cabinet du ministre de l'Éducation, Bernard Drainville, on indique ne pas vouloir tirer de «conclusions hâtives». Un portrait plus complet est attendu sous peu de la part de tous les centres de services scolaires à ce sujet. «On réitère notre appel aux enseignants, mais aussi aux directions d'écoles, de se tourner au besoin vers des enseignants retraités et des étudiants en enseignement», indique son attachée de presse, Florence Plourde.
Le plan de rattrapage en bref
Deux mesures phares du plan de rattrapage seront difficiles à mettre en branle dans certaines écoles, faute de profs et de personnel volontaires pour y participer, selon des directions d'école :
- Tutorat pendant les heures de classe
- Aide spécialisée pour les élèves en difficulté
Le plan prévoit aussi :
- Report de deux semaines du bulletin de la 2e étape
- Des examens ministériels allégés (pondération et contenu réduits)
- Plus de ressources pour les organismes communautaires
- Cours d’été gratuits
Total : 300 millions $
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