Pénurie de médicaments à Kherson, ville sous le contrôle de Moscou
AFP
À Kherson, pénurie de médicaments et soldats fouillant les maisons: les habitants de cette ville du sud de l'Ukraine ont dressé auprès de l'AFP un sombre portrait de la vie sous l'occupation russe.
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Kherson, qui comptait environ 283 000 habitants avant la guerre lancée le 24 février, se trouve à l'embouchure du Dniepr et non loin de la Crimée annexée. Elle est la seule ville d'importance dont l'armée russe a à ce jour revendiqué la prise, le 3 mars.
L'AFP a pu recueillir par téléphone les témoignages de six habitants de Kherson, où aucun média international n'est présent. Ceux-ci ont demandé que leur nom de famille ne soit pas publié par crainte de représailles.
Selon ces habitants, les forces russes ont bloqué les livraisons de nourriture et d'aide humanitaire vers Kherson, et les médicaments viennent aussi à manquer.
«Un autre mois comme ça et ils n'auront même pas à nous bombarder. La faim et la maladie vont faire le travail», s'inquiète Kyryllo, un ambulancier.
Tous les résidents interrogés par l'AFP ont aussi dit avoir vu ou avoir entendu parler de visites de soldats russes dans les appartements.
«Ils cherchaient des gens dont les noms sont sur des sortes de listes. Ils entrent dans les maisons et sont armés, c'est impossible de leur résister», explique Tetyana, une employée d'université.
Une habitante de la ville voisine de Kakhovka, également sous contrôle russe, a dit que les forces de Moscou «emmenaient des gens», principalement des militants locaux et d'anciens militaires.
«Nous ne savons pas où ils les emmènent», souffle-t-elle.
Pharmacies vides
Les États-Unis ont assuré la semaine dernière que Kherson était une «ville contestée» et que KyÏv avait lancé une offensive pour en reprendre le contrôle.
Les habitants assurent eux que, si des combats se déroulent encore en périphérie de la ville, Kherson est bien sous le contrôle de Moscou.
Kherson n'a toutefois pas connu les destructions massives et le lourd bilan humain des combats pour d'autres villes ukrainiennes telles que Marioupol au sud-est et Tcherniguiv au nord.
Et malgré la présence des forces russes, les habitants ont pu organiser des manifestations de protestation sur la place centrale.
«Nous sommes sous occupation, mais nous sommes toujours pour l'Ukraine», résume Maria, une vendeuse de 24 ans.

Les habitants interrogés par l'AFP ont indiqué que leur principale préoccupation depuis l'arrivée des tanks russes était la crise sanitaire qui empire.
L'insuline et d'autres médicaments essentiels ont commencé à manquer dès les premières semaines de l'occupation. «Les étagères des pharmacies sont vides. Il n'y a que de l'eau», témoigne l'ambulancier Kyryllo.
Des bénévoles font le tour des appartements pour acheter des médicaments, tandis que les ambulances ne sont appelées qu'en cas d'extrême urgence, car «il n'y a pas d'essence», ajoute-t-il.
Les réserves de nourriture, elles aussi, sont au plus bas. Si l'on trouve toujours de la viande et des légumes, les prix ont doublé, et les pâtes et l'orge se font rares.
«Ils ne laissent pas l'aide humanitaire arriver. Depuis un mois, il n'y a pas eu de livraison de nourriture», accuse Aliona, qui travaille dans la communication.
«Ils fouillent tout»
Si des rumeurs ont fait état de l'introduction du rouble russe à Kherson, les habitants ont confirmé à l'AFP que la hryvnia ukrainienne était toujours la monnaie en circulation.
Et malgré des journées relativement calmes dans la ville, des combats font rage dans le village voisin de Tchornobaïvka.
«Toutes les nuits, nous nous réveillons avec le son des tirs. Comme un réveil», raconte l'universitaire Tetyana.
Les autorités ukrainiennes ont assuré avoir tué à Tchornobaïvka un général russe; le président Volodymyr Zelensky a estimé que la bataille «restera dans l'histoire».
KyÏv a aussi affirmé cette semaine avoir repris le contrôle de plusieurs villages dans la région de Kherson. Dans ceux qui restent sous contrôle russe, la vie a aussi changé.
Maria, qui habite à Kakhovka en amont du fleuve Dniepr, dit ne plus pouvoir se rendre à son travail dans un magasin de meubles dans une ville à proximité. La route passe par un point de contrôle de l'armée russe.
«Ils fouillent tout. Ils regardent ton téléphone, tes messages privés, il faut supprimer tout», témoigne-t-elle. Dès lors, les habitants ne voyagent qu'en cas «d'absolue nécessité».
Selon elle, Kherson n'était pas prête à l'attaque russe venue de la Crimée voisine. Les forces de Moscou ont immédiatement pris le contrôle de la centrale hydroélectrique située à Kakhovka.
Maria, elle, est encore sous le choc d'une attaque d'une telle ampleur de la part d'un pays où vit son père.
«Mon père est en Russie et me dit que tout est faux», se lamente-t-elle. Elle a arrêté de l'appeler.