«Plusieurs tueurs sont presque vus comme des rockstars» : le cinéaste Pascal Plante plonge dans le «dark web» avec son excellent thriller psychologique «Les chambres rouges»


Bruno Lapointe
Qu’ils s’appellent Charles Manson, Jeffrey Dahmer ou encore Luka Rocco Magnotta, les meurtriers fascinent. Ils dérangent. Et pour certains, ils font l’objet d’une obsession maladive, voire morbide. « Plusieurs tueurs sont presque vus comme des rockstars », déplore Pascal Plante. Cette réflexion a servi de point de départ à son troisième long métrage, Les chambres rouges.
On pourrait croire que l’admiration maladive pour ces illustres bourreaux se fait à huis clos, derrière les portes closes et dans le plus grand des secrets. Eh bien, non. Ils sont souvent vénérés ouvertement, certains « fans » allant jusqu’à créer des groupes sur les réseaux sociaux consacrés à leurs « idoles ». Le phénomène n’a donc rien de marginalisé, selon Pascal Plante.
« Plusieurs meurtriers ont des pages bâties par des fans sur Facebook, où ceux-ci peuvent trouver une communauté et même se sentir validés par des gens qui pensent comme eux. C’est un phénomène assez fucké ! Qu’est-ce qui a fait que, en tant que société, on en soit arrivé là ? » s’interroge le cinéaste.
Voilà, en quelque sorte, la question que pose Les chambres rouges. Déjà applaudi à Karlovy Vary, lors de sa première mondiale en République tchèque le mois dernier, le film prendra finalement l’affiche au Québec le week-end prochain.
Meurtres sordides
Dans ce thriller psychologique, la métropole se trouve secouée par les actes commis par Ludovic Chevalier, accusé d’avoir enlevé, puis torturé et tué trois adolescentes. Encore pire, il a filmé ces actes barbares, histoire d’en distribuer le visuel à de riches acheteurs tapis dans les recoins les plus sombres du web.
Alors que s’ouvre son procès, deux jeunes femmes deviennent obsédées par l’accusé et ses crimes. Si bien qu’elles tenteront par elles-mêmes d’aller chercher la dernière pièce à conviction – jusqu’alors introuvable –, qui pourrait faire acquitter ou condamner le meurtrier. Mais celle-ci se cacherait dans les fonds les plus lugubres du dark web...
Plutôt que de faire du meurtrier et de ses crimes le point focal de son long métrage, Pascal Plante a choisi de concentrer son attention – et celle du cinéphile – sur ces deux jeunes femmes, incarnées par Juliette Gariépy et Laurie Babin. Mais pour bâtir un récit autour d’elles, le cinéaste a dû mettre de côté ses préjugés pour ces personnes qui défendent bec et ongles des meurtriers par obsession ou même par amour.
« Je ne pense pas que je ferais une œuvre d’art valable si j’étais dans le jugement de ces personnes-là. C’est bien plus intéressant si on réalise qu’on a ressenti de l’empathie pour les personnages ou qu’on a, à tout le moins, réussi à les comprendre en quelque sorte. Ça crée une meilleure conversation », explique-t-il.
Le pouvoir de la suggestion
Cette décision permet également de détourner l’attention des meurtres, une tendance allant à l’encontre des codes du cinéma de genre.
Oui, les crimes dont est accusé Ludovic--- Chevalier sont immondes. Ils sont vils, répugnants et, surtout, d’une violence inouïe. Mais jamais Pascal Plante ne les montre à l’écran, préférant tantôt se rabattre sur une description faite par les personnages, tantôt les suggérer par les cris des victimes entendus hors champ.
Pourquoi ? Parce que Pascal Plante a choisi de se laisser inspirer par sa découverte des creepypastas – terme donné aux légendes urbaines horrifiques qui se répandent comme une traînée de poudre sur le web – au plus fort de la pandémie.
« Ça me rappelait l’époque où on se racontait des histoires pour se faire peur autour d’un feu de camp », avance-t-il.
« Avec les années, on est devenus en quelque sorte désensibilisés par ces images en mouvement dont on est constamment bombardés. Je trouve ça encore plus intéressant – et puissant – de semer des éléments dans l’esprit des gens et les laisser faire leurs propres images », poursuit-il.
Sorties internationales
Et on sait déjà que ces images continueront de voyager au cours des prochains mois, Les chambres rouges ayant déjà été vendu en France, en Belgique et en Suisse. D’autres territoires devraient bientôt s’ajouter à cette liste.
« On travaille pour le sortir du côté des États-Unis. Rien n’est fait, mais je sais que le film aura une belle vie à l’international », avance Pascal Plante.
♦ Les chambres rouges prend l’affiche le 11 août.