Pandémie: l’enseignement à distance a compromis le cheminement des élèves en difficulté
Gabriel Côté
Le cheminement scolaire des élèves en difficulté risque d’être compromis, si les retards d’apprentissage causés par l’enseignement à distance pendant la pandémie ne sont pas comblés par des mesures de rattrapage efficaces, constate la vérificatrice générale.
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Guylaine Leclerc a rendu public le tome du mois de décembre 2022 du Rapport du vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2022-2023.
L’auditrice en chef y constate que la fermeture des écoles et l’enseignement à distance durant la pandémie de COVID-19 a entrainé des retards d’apprentissage, plus particulièrement pour les jeunes en difficulté d’apprentissage ou à risque de décrochage.
«Ces retards, s’ils ne sont pas comblés par des mesures de rattrapages efficaces, risquent de compromettre le cheminement scolaire de ces jeunes et de les priver d’un diplôme», note Mme Leclerc.
Connaissance insuffisante
La VG remarque d’ailleurs que le ministère de l’Éducation n’a pas une bonne connaissance des retards d’apprentissage, et que cela lui nuit dans la mise en place des mesures de rattrapage appropriées.
Pourtant, différentes études anticipaient de tels retard, et ce dès le premier confinement, note Mme Leclerc, qui considère que le ministère aurait pu faire quelque chose pour avoir un portrait plus complet de la situation.
Par exemple, l’annulation des épreuves ministérielles à la fin de l’année scolaire 2019-2020 et de l’année scolaire 2020-2021 a privé le ministère et les centres de services scolaires de données de comparaison standardisées des apprentissages.
«La répartition budgétaire des mesures de tutorat pour le soutien à l’apprentissage n’a pas considéré suffisamment les besoins des élèves», indique-t-on dans le rapport.
Le VG recommande donc au MEQ et aux CSS de faire le bilan des décisions prises au cours de la pandémie pour en tirer des leçons, et de faire les suivics nécessaires pour avoir un portrait complets des retards d’apprentissage.
Sur cette base, le ministère devrait selon Mme Leclerc mettre en place les mesures de rattrapage nécessaires.
Soutien technologique insuffisant
Elle remarque par ailleurs que 18 mois après la pandémie, certains centres de services scolaires (CSS) ne disposaient toujours pas de tous les ordinateurs nécessaires à l’enseignement en ligne en cas de fermeture des écoles, et que le soutien technologique fourni par le ministère de l’Éducation a été «insuffisant».
«Un défi auquel ont fait face les CSS est le manque de connaissances des élèves, des parents, et des enseignants relativement aux technologies utilisées en enseignement en ligne. Ce défi a été d’autant plus grand que, même avant la pandémie, le soutien technique aux établissements était déjà déficient», peut-on lire dans le document de 208 pages.
Mauvais encadrement du MEQ
Par ailleurs, Mme Leclerc constate que les services éducatifs proposés au printemps 2020, quand la pandémie battait son plein, étaient limités, notamment en raison du «mauvais encadrement du MEQ» qui a entrainé des services «très variables» d’un centre de services scolaires à l’autre.
«Le MEQ a tardé à émettre des directives claires aux CSS afin de préciser les services éducatifs minimaux à offrir au primaire et au secondaire».
Achats d’équipements injustifiés
La VG souligne également que l’achat de 42 millions $ d’appareils de visioconférence s’est faite sans analyse suffisante, et remarque que «ces appareils sont demeurés peu ou pas utilisés».
Ces appareils devaient permettre l’enseignement «comodal» aux élèves du secondaire, mais on ne s’en est que peu servi «pour des raisons éthiques».
«Toutes personnes extérieures à la classe, comme les parents des élèves ou les membres de leur famille, pouvaient avoir accès à des informations personnelles à protéger, telles que les difficultés d’apprentissage ou des images du milieu de vie des élèves», est-il indiqué dans le rapport.
La VG recommande donc au ministère de l’éducation de réaliser une «analyse adéquate des besoins» et de consulter les utilisateurs avant chaque acquisition d’équipement.
Hydro-Québec
Guylaine Leclerc consacre un autre chapitre de son rapport à la maintenance des actifs d’Hydro-Québec. Soulignant que la demande en électricité est en hausse et continuera d’augmenter pour les prochaines années, la VG constate que la fiabilité du service «présente une baisse marquée», et que son plan de réduction des pannes n’a été que partiellement mis en œuvre.
«La Société d’État n’est pas outillée adéquatement pour faire face au défi grandissant du vieillissement de ses actifs, écrit Mme Leclerc, et une part importante des efforts de maintenance préventive qu’elle doit réaliser n’est pas accomplie.»
Les faits saillants
- «Même avant la pandémie, le soutien technique aux établissements était déjà déficient.»
- «Certains centres de services scolaires ne disposaient toujours pas de tous les ordinateurs nécessaires à l’enseignement en ligne en cas de fermeture de l’ensemble de leurs écoles après 18 mois de pandémie.»
- Au printemps 2020, «le ministère de l’Éducation a tardé à émettre des directives claires aux centres de services scolaires afin de préciser les services éducatifs minimaux à offrir au primaire et au secondaire».
- «Le ministère de l’Éducation n’a pas été en mesure de nous fournir ni l’analyse ni la recommandation justifiant l’annonce de l’investissement» de 42 millions $ pour des appareils de visioconférence.
- «La répartition du financement des mesures de tutorat n’a pas été effectuée en fonction des besoins des élèves.»
Extraits du tome de décembre 2022 du Rapport du vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale