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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Hydro-Québec a déjà signé un pacte avec une firme liée à l’armée chinoise

En Chine, la frontière entre le secteur privé et l’appareil de sécurité et de renseignement est souvent très floue

Le 22 janvier 2018, l’ambassadeur canadien en Chine John McCallum, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, le ministre délégué aux PME, Stéphane Billette, le directeur des représentations du Québec en Chine, Jean-François Lépine, Karim Zaghib, DG du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie à Hydro-Québec, et deux personnes, que Le Journal n’a pas été en mesure d’identifier, ont signé une entente de licence.
Le 22 janvier 2018, l’ambassadeur canadien en Chine John McCallum, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, le ministre délégué aux PME, Stéphane Billette, le directeur des représentations du Québec en Chine, Jean-François Lépine, Karim Zaghib, DG du Centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie à Hydro-Québec, et deux personnes, que Le Journal n’a pas été en mesure d’identifier, ont signé une entente de licence. Photo tirée du site web d’Hydro-Québec
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Photo portrait de Francis Halin

Francis Halin

2022-11-21T05:00:00Z
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Hydro-Québec a signé une entente de licence de sa technologie de batterie au lithium avec une firme liée à l’armée chinoise, il y a quatre ans, mais assure qu’elle ne le referait pas aujourd’hui.

• À lire aussi: Hydro a déjà signé une entente de licence avec une société chinoise

« Le contexte politique et d’affaires a beaucoup changé depuis 2018. En 2022, un tel projet ne serait pas envisagé », a indiqué Francis Labbé porte-parole d’Hydro-Québec, quelques jours après l’arrestation et l’inculpation, le 14 novembre dernier, d’un espion présumé. 

Cet incident a suscité des questions sur les liens d’affaires de la société d’État avec la Chine.

  • Écoutez le segment économique d'Yves Daoust diffusé chaque jour en direct 9 h 35 via QUB radio :

Pas de financement

En 2018, Hydro a signé une entente de licence de sa technologie de batterie au lithium des années 2000 à la chinoise Dongshi Kingpower, mais le projet est tombé à l’eau faute d’argent du côté chinois.

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« Aucun transfert de connaissances n’a eu lieu », a assuré Francis Labbé.

À l’époque, le communiqué de la société d’État mentionnait que la firme chinoise en question était dans plusieurs projets, dont le « Programme 863 ».

« Nous savions que l’entreprise avait des liens avec le gouvernement chinois », a confirmé Hydro-Québec lorsqu’interrogée par Le Journal.

Hydro mal informée ? 

Or, le « Programme 863 » est codirigé par l’armée chinoise, selon des experts (voir autre texte ci-bas).

« TOUS [sic] les 863 projets sont disponibles pour l’armée chinoise. Peut-être qu’Hydro-Québec n’était pas au courant de la politique sur la technologie militaire », s’interroge Margaret McCuaig-Johnston, ancienne vice-présidente du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

« Personne n’ira chercher de la technologie à l’étranger si ce n’est pas pour avantager l’aspect militaire du gouvernement chinois », estime aussi Michel Juneau-Katsuya, ex-directeur de la zone Asie-Pacifique du Service canadien du renseignement de sécurité.

Margaret McCuaig-Johnston, ancienne haute fonctionnaire.
Margaret McCuaig-Johnston, ancienne haute fonctionnaire. Photo courtoisie

« Aucun secret »

Joint par Le Journal, le premier ministre d’alors, Philippe Couillard, a dit qu’il ne se souvenait pas de cette entente vu le grand nombre de dossiers traités.

L’ex-représentant du Québec en Chine, Jean-François Lépine, a précisé que la technologie vendue était « déjà publique » et qu’il n’y avait donc « aucun secret ».

« Il faut faire très attention avec l’armée chinoise, car c’est du complexe militaro-industriel américain dont s’inspirent les Chinois. Aux États-Unis, il est très difficile de faire la différence entre les programmes de l’armée et ceux de l’industrie », a-t-il rappelé.

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Vendredi dernier, Le Journal rapportait que le Pentagone s’apprête à allonger des millions de dollars pour financer nos minières, ce qui donne raison à l’ex-diplomate.

Pour ce qui est du présumé espion arrêté la semaine dernière chez Hydro, Jean-François Lépine s’est dit consterné par l’affaire.

« Je ne comprends pas pourquoi Hydro-Québec et son centre de recherche ont engagé un chercheur chinois, qui n’est pas un citoyen canadien », a-t-il conclu.

– Avec la collaboration de Marie Christine Trottier


En 2018, l’entente entre Hydro-Québec et Dongshi Kingpower prévoyait la mise en place d’une chaîne de production pilote à l’usine de l’entreprise chinoise.


ENTENTE AVORTÉE ENTRE HYDRO-QUÉBEC ET DONGSHI KINGPOWER

  • Signature : 22 janvier 2018, Pékin
  • Type : contrat de licence
  • Montant de l’entente : inconnu
  • Partenaire : National and Local United Engineering Laboratory for Power Batteries
  • Technologie: batterie au lithium (datant des années 2000)
  • Utilisation chinoise : autobus (sécuritaire et peu coûteux)

Source : Hydro-Québec

En quoi consiste le « Programme 863 » ?

Qu’est-ce que le « Programme 863 » du gouvernement chinois ? Pourquoi des experts s’inquiètent de voir qu’Hydro-Québec a déjà signé une entente avec une firme chinoise de pointe liée à ce programme stratégique ?

D’après le ministère chinois de la Science et de la Technologie, son but est de « renforcer la capacité d’innovation dans les secteurs de haute technologie, en particulier dans les domaines stratégiques de haute technologie ».

« Le “Programme 863” a commencé en 1986 [probablement en mars, d’où le 3] et est cogéré par l’Armée populaire de libération et le ministère de la Science et de la Technologie », souligne Margaret McCuaig-Johnston, ancienne vice-présidente du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada.

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« Il est également connu sous le nom de programme Spark », poursuit-elle.

Des efforts détournés

Le hic, c’est que les scientifiques d’ici ne réalisent souvent pas que leurs recherches peuvent être détournées vers l’armée grâce à lui, avance l’ex-fonctionnaire.

« Nos chercheurs universitaires doivent être très prudents, et encore plus ceux qui sont financés par les contribuables », prévient-elle.

Biologie, vols spatiaux, laser, robotique... le « Programme 863 » touche à de nombreux secteurs, selon un rapport américain déclassifié de 2006.​

Mariage techno

Michel Juneau-Katsuya, ancien du SCRS.
Michel Juneau-Katsuya, ancien du SCRS. Photo courtoisie

Pour Michel Juneau-Katsuya, ex-directeur de la zone Asie-Pacifique du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), ce programme est l’exemple parfait du mariage entre les entreprises technos et l’armée chinoise.

« Il y a une relation directe entre le gouvernement, les services de renseignement et la recherche de technologie », soutient-il.

D’après l’ex-représentant du Québec en Chine, Jean-François Lépine, il faut cependant garder en tête que la Chine s’est inspirée « des Américains et des Israéliens » pour concevoir sa stratégie de partenariat militaro-industrielle.

Ces derniers jours, Le Journal n’a pas réussi à s’entretenir avec l’ex-directeur général du Centre d’excellence en électrification des transports et stockage d’énergie d’Hydro-Québec, Karim Zaghib, qui a signé une entente avec une firme chinoise liée au « Programme 863 » en 2018.

L'Institut de recherche d'Hydro-Québec (IREQ).
L'Institut de recherche d'Hydro-Québec (IREQ). Photo Francis Halin

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