Oui, les phares bleutés des voitures sont plus éblouissants (et c’est un problème)
Anne-Sophie Poiré
Vous ne rêvez pas: les phares bleutés des nouveaux véhicules sont plus éblouissants que leurs ancêtres halogènes à la teinte jaunâtre. De nombreux automobilistes, qui se disent aveuglés par la luminosité excessive de ces phares, préfèrent éviter de prendre le volant une fois la nuit tombée.
«On s’en fait parler très régulièrement dans les salles d’examen par les patients. Vous pourriez demander à n’importe quel optométriste, il vous dirait la même chose», affirme l’optométriste et professeur à l’Université de Montréal, Jean-Marie Hanssens.
Il n’y a pas que dans son bureau que les automobilistes se plaignent de la lumière aveuglante des ampoules à diodes électroluminescentes (DEL) des véhicules qui sortent des concessionnaires.
Une pétition lancée il y a près d’un mois somme Transports Canada à mettre en place une réglementation stricte concernant l’intensité, la hauteur et l’orientation des phares, qu'ils soient installés en usine ou modifiés par les automobilistes.
Les nouveaux phares à DEL «améliorent la visibilité» pour la personne au volant, mais posent «un sérieux danger» pour les autres usagers qui peuvent être éblouis par leur «puissance excessive», plaident les quelques centaines de signataires.
Sur le réseau social Reddit, des utilisateurs se questionnent également sur l’efficacité réelle de ces phares qui «devraient être interdits», disent certains.
Pourquoi les phares sont-ils si aveuglants?
Les phares à DEL ou au xénon remplacent depuis la fin des années 2000 les ampoules halogènes auparavant utilisées dans la construction automobile.
Ces phares ont une température de couleur plus élevée semblable à la lumière naturelle du jour. Ils peuvent parfois atteindre les 6500 Kelvin (K), l’unité servant à mesurer la couleur d'une source lumineuse.
Plus la quantité de Kelvin est importante, plus la lumière sera froide et bleutée.
En comparaison, l’ampoule halogène diffuse une lumière plus chaude, généralement comprise entre 2500K et 3500K.
«L'ampoule DEL a une puissance de cinq à six fois plus forte que l'halogène», soulignait par ailleurs le physicien Martin Aubé au micro d’ICI Première.
Plus sécuritaires, vraiment?
Selon la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), les phares à DEL ou au xénon améliorent la visibilité, augmentent l’économie d’énergie et possèdent une durée de vie prolongée.
Mais qu’en est-il de la sécurité des autres véhicules qui subissent la lumière de ces phares?
Pour mitiger l’effet éblouissant, il est conseillé d’utiliser une ampoule comportant moins de 3000K. C’est bien moins que les 6500K de certains phares à DEL ou au xénon.
«La lumière qui tire plus vers le bleu et le blanc se diffuse plus. Une fois entrée dans l’œil, elle part un peu partout et devient plus dérangeante que le blanc plus chaud qui lui va directement à la rétine» explique l’optométriste Jean-Marie Hanssens.
Quand un automobiliste rencontre un véhicule muni de phares, il peut ainsi avoir l’impression que le conducteur a conservé ses feux de route, communément appelés les «hautes». La lumière intense peut l’obliger à plisser les yeux, un geste pour le moins imprudent sur la route la nuit.
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Des phares mal orientés
Il n’y a pas que la couleur des ampoules modernes qui dérange sur les routes.
Plusieurs automobilistes décident de changer les phares d'origine de leur véhicule pour une ampoule DEL ou au xénon.
Un phare mal installé et dirigé au mauvais endroit peut ainsi expliquer le sentiment d’éblouissement ressenti par certains, confirme l’optométriste Hanssens.
L’omniprésence des VUS au Québec, qui ont des feux plus hauts, contribue également à corrompre la vision des conducteurs, ajoute-t-il.
En théorie, les nouveaux phares n’éblouissent pas plus que les anciens. Ils doivent respecter les normes fédérales, notamment quant à leur couleur qui est soumise aux mêmes limites qu’auparavant, assure la SAAQ.
La SAAQ n’a enregistré aucune plainte depuis 2022 au sujet de la luminosité excessive des nouveaux phares et n’est pas en mesure de déterminer si des accidents y sont liés.
«Il est trop difficile de départager un problème de phares trop lumineux d’une mauvaise utilisation des feux ou encore d’un écart de taille important entre les deux véhicules qui favoriserait l’éblouissement», soutient la porte-parole de la SAAQ, Geneviève Perron.