Où vont vos impôts: 133 000$ pour aider des fonctionnaires à s’exprimer clairement

Gabriel Côté
Le Protecteur national de l’élève a dépensé 133 000$ pour former ses employés à s’exprimer simplement dans leurs échanges avec la population.
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Le mandat qu’a reçu la firme de services-conseils montréalaise En Clair est pourtant résumé par une formule quelque peu alambiquée: «offrir de la formation et de l’expertise sur les concepts de langage clair».
Selon le Protecteur national de l’élève (PNE), il s’agirait là d’un concept «utilisé par plusieurs organisations et gouvernements pour assurer la concision, la simplicité et l’accessibilité [dans les] communications écrites destinées au public, aux citoyennes et citoyens.»
De fait, s’exprimer clairement semble une tâche si ardue que l'Organisation internationale de la normalisation (ISO) a jugé nécessaire d’établir une norme à ce sujet.
«Le langage clair garantit que les lecteurs peuvent trouver ce dont ils ont besoin, le comprendre et l’utiliser. Ainsi, le [langage clair] se concentre sur la capacité des lecteurs à bien utiliser [un] document plutôt que sur des mesures mécaniques telles que des formules de lisibilité», peut-on lire sur le site web de l’ISO.
Imaginez-vous que des «études approfondies» auraient même montré que «les lecteurs préfèrent le langage clair», car il leur permettrait de «gagner du temps ou de l’argent».
La simplicité n’a pas de prix
Pour en revenir à nos moutons, l’entente signée par le PNE, d’une durée de trois ans, comprend plusieurs «volets», dont une formation sur la rédaction «claire et efficace» de conclusions pour les rapports d’enquête et les recommandations.
Au cours des dernières années, d’autres organismes gouvernementaux ont délié les cordons de la bourse pour «traduire» des documents dans ce langage ou encore pour s’y former.
L’an dernier, l’Office des professions du Québec a dépensé 47 678$ pour «réécrire le contenu de son site web» en langage clair; le ministère des Transports a fait réviser son guide de protection des renseignements personnels (21 384$); et la Commission d’accès à l’information a fait simplifier des documents (51 660$).
L’année précédente, la Caisse de dépôt avait fait rédiger son code d’éthique de cette manière. Le montant de ce contrat n’est pas public et, au moment d’écrire ces lignes, la Caisse n’avait toujours pas répondu aux questions du Journal à ce sujet.

Au total, ce concept a coûté au moins 660 000$ à l’État québécois au cours des cinq dernières années, selon une compilation du Journal, réalisée à partir des contrats publiés dans le système électronique d’appels d’offres (SEAO).
– Avec la collaboration de Charles Mathieu et Philippe Langlois
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