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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Ottawa: un constat d’échec phénoménal

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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2022-02-15T10:00:00Z
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L’invocation annoncée hier par Justin Trudeau de la Loi sur les mesures d’urgence – une première depuis son adoption en 1988 – est un constat d’échec d’une ampleur phénoménale. 

L’échec est tout d’abord celui du chef de la police d’Ottawa. Incapable même en amont d’empêcher l’arrivée du soi-disant convoi de la liberté par l’installation d’un périmètre élargi de sécurité. 

L’échec est celui de Doug Ford. Jusqu’au blocage du pont Ambassador et la demande du président Joe Biden d’y mettre fin, son inaction était totale. 

Pour son refus d’agir jusqu’à hier, l’échec est aussi celui du premier ministre Trudeau. Et les résultats de l’ensemble de l’œuvre sont consternants.

1. Près de trois semaines d’enfer pour les résidents d’Ottawa. 2. Des milliards en pertes économiques. 3. Un effet de contagion du convoi à travers le pays et sur d’autres continents. 

4. Le reniement de l’État de droit par des milliers d’occupants organisés et financés par des groupes complotistes et d’extrême droite, dont plusieurs reliés à la filière trumpienne. 

5. La complaisance sidérante de la police d’Ottawa envers les occupants. 6. Abandonnés par les autorités, des résidents ont dû tenir leurs propres contre-manifestations. 

7. Des occupants ont multiplié les gestes d’intimidation, verbale et physique, envers des résidents et des journalistes. 8. Les messages haineux déferlent sur les médias sociaux contre quiconque critique le discours délirant et les tactiques illégales des occupants.

Décomposition de l’ordre social

Bref, médusés, les Canadiens et le monde ont assisté à la décomposition de l’ordre social au centre même de la capitale d’un pays du G7.

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Sur toute la ligne, la « gestion » du siège d’Ottawa a raté le coche. Jusqu’à hier, il y avait eu zéro leadership politique. Zéro stratégie policière. Zéro sentiment d’urgence. 

Devant la paralysie des autorités, M. Trudeau aurait pourtant pu agir bien avant d’avoir à recourir à la Loi sur les mesures d’urgence. Il avait déjà plusieurs outils législatifs à sa disposition. Plusieurs experts en droit constitutionnel l’ont amplement expliqué.

Car nonobstant le fantasme de certains nostalgiques de Trudeau père et de son « Just Watch Me » d’octobre 1970, l’occupation d’Ottawa nécessitait non pas une opération armée, mais policière et politique.  

La fin du déni

Justin Trudeau a donc raison de ne pas envoyer l’armée. Plus difficile à comprendre était son attentisme alors que le convoi n’avait rien d’une manifestation et tout d’une occupation.  

L’espoir restant est que sa décision d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence servira aussi d’avertissement. Aux illuminés du convoi. Aux prochains qui, dans l’avenir, pourraient vouloir récidiver. 

Enfin, à lui-même, sur l’importance d’agir lorsqu’il le faut. Une fois la crise passée – car elle passera un jour –, peut-être en sortira-t-il même grandi comme chef de gouvernement ? Cela dépendra aussi de lui.

Un dommage beaucoup plus profond risque toutefois de s’installer. Forts de leur occupation réussie d’Ottawa, comme pour l’invasion du Capitole, l’extrême droite et ses alliés complotistes, eux-mêmes décuplés sous l’effet de la pandémie, s’en serviront pour continuer d’étendre leurs réseaux.  

À quand une prise de conscience face aux dangers posés par une extrême droite certes minoritaire, mais non moins en montée à travers l’Occident ? Comme d’autres, je pose la question depuis des années.

Le siège d’Ottawa sonne la fin du déni. Même au Canada. 

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