«On s’attend à un tsunami»: la maladie du foie gras sera responsable de plus de greffes que l’alcool et l’hépatite C
Encore méconnue et presque sans symptômes, la stéatose hépatique non alcoolique inquiète les médecins qui en voient de plus en plus
Hugo Duchaine
Ce n’est plus l’alcool, mais le gras qui est maintenant en voie de devenir la principale cause de greffe de foie au pays, s’inquiètent des médecins.
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«On s’attend à un tsunami de cas de cirrhoses reliées au foie gras d’ici 2030», prévient l’hépatologue Giada Sebastiani du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).
La maladie du foie gras, appelée stéatose hépatique non alcoolique, sera déjà l’an prochain la première cause de greffe du foie au pays, devant l’alcool et l’hépatite C.
Pourtant, elle demeure méconnue puisqu’il n’y a presque pas de symptômes avant d’en arriver à une cirrhose sévère. L’obésité et le diabète de type 2 sont les principaux facteurs de risque, ce qui explique que la maladie soit de plus en plus fréquente, touchant environ un Canadien sur quatre.
«C’est une maladie sous-diagnostiquée et qui passe sous silence», remarque la Dre Fannie L. Trempe de l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ).
Spécialiste en médecine interne et en gestion de l’obésité, elle souligne que les médecins de famille ne pensent pas nécessairement de faire du dépistage. La maladie ne se limite pas non plus aux obèses, prévient-elle.
- Écoutez l'entrevue avec la Dre Julie St-Pierre, lipidologue et pédiatre spécialiste de l’obésité et des maladies cardiovasculaires, à l’émission de Sophie Durocher via QUB :
Prise par surprise
«Je suis restée bête, car je ne bois pas d’alcool», lance Valérie Blanchette, à propos du moment où on lui a appris qu’elle souffrait d’une cirrhose au foie.
La femme de 48 ans, qui vit à Québec, avait d’abord consulté pour ses problèmes d’apnée du sommeil et en raison de son surpoids, on lui a suggéré une chirurgie bariatrique.
Une échographie a ensuite révélé une atteinte au foie complètement insoupçonnée. «On s’est aperçu que j’avais un début de cirrhose, en voyant des cicatrices», confie-t-elle.
Elle devait ainsi rapidement perdre du poids pour freiner la maladie.
La stéatose hépatique se développe en cirrhose sévère ou en cancer du foie sur 20 ou 30 ans, explique la Dre Sebastiani. À un stade avancé, elle est irréversible et la greffe est la seule façon d’en survivre.
Un organe qui pardonne
«Le foie est un organe qui pardonne beaucoup de choses», explique néanmoins l’hépatologue, ajoutant qu’il a une certaine capacité de regénérer.
D’où l’importance de l’activité physique et d’une alimentation faible en gras ou en sucre, plaide-t-elle. Il faut privilégier les poissons et le poulet aux viandes rouges et le café noir aux boissons gazeuses, par exemple.
Mais ce qui l’inquiète, c’est qu’elle observe la maladie chez des patients de plus en plus jeunes.
«C’est déplorable, les gens ne sont pas assez au courant, parce qu’il n’y a pas symptômes, poursuit Mme Blanchette, qui espère que son histoire pourra sensibiliser d’autres personnes. La vie va tellement vite qu'on ne fait pas attention.»
- Écoutez la rencontre Huot-Durocher avec Isabelle Huot, docteure en nutrition via QUB :
COMMENT EST-CE DIAGNOSTIQUÉ?
La Dre Fannie L. Trempe explique la maladie du foie gras se détecte habituellement lors d’une prise de sang, d’une échographie ou d’un scan.
Si les enzymes hépatiques sont particulièrement élevées dans le sang, cela peut indiquer des facteurs de risque.
Le Fibroscan, qui mesure la dureté du foie, est un moyen utilisé dans quelques cliniques spécialisées, précise-t-elle.
Le dépistage de la fibrose hépatique, associé à la maladie, est recommandé pour les personnes obèses ou avec le diabète de type 2.
COMMENT SOIGNER LE FOIE GRAS?
En Europe, la maladie du foie gras est aussi surnommée la maladie de la malbouffe.
Ainsi, la Dre Giada Sebastiani, présidente de l’Association canadienne pour l’étude du foie (ACEF), propose du suivre une alimentation méditerranéenne, avec peu d’aliments transformés et de sucres ajoutés.
La perte de poids est recommandée, mais aussi l’exercice physique.
La Dre Trempe ajoute que la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis vient d’approuver un nouveau médicament, Rezdifra, spécifiquement contre la stéatose hépatique non alcoolique.
Elle espère qu’il sera bientôt disponible au Canada.
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