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L'article provient de Le Journal de Montréal
Culture

Voici un roman fascinant sur la difficile intégration d'une Algéro-Québécoise

Photo fournie par les éditions Triptyque
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Josée Boileau

2024-03-17T04:00:00Z
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Être une femme libre en restant pure ? Toute une équation à résoudre quand le poids des traditions pèse lourd, même en vivant à Montréal.

Avant même de l’ouvrir, la couverture du roman On m’a jeté l’œil attire l’attention. L’illustration, signée de l’artiste québéco-marocaine Sfiya, donne envie d’y regarder de plus près.

Or le récit d’Anya Nousri, d’origine algérienne, répond à cette curiosité. Elle nous entraîne dans un récit éclaté qui nous retient : on veut voir comment les morceaux s’assemblent au fil des pages.

Il faut dire qu’on a d’emblée de la sympathie pour sa narratrice, alter ego de l’autrice. Dès les premières lignes, elle est prise à partie par des tantes qui l’abreuvent de conseils afin d’éviter que le malheur ne tombe sur elle : « N’autorise pas les gens à te toucher les cheveux. Ils pourraient faire des grigris et te conduire à ta perte. » Et la narratrice d’écrire : « Je fais oui de la tête. J’ai grandi dans la méfiance de mes tantes maternelles. »

Chaque page aura ensuite droit à sa scène, parfois située en Kabylie, parfois à Paris, parfois ici – car si la narratrice vit à Montréal depuis l’enfance, la famille est éparpillée.

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On se promène donc dans l’ouvrage comme à travers un album-photos. Et à travers les mots. Pour raconter son histoire, Anya Nousri a eu l’excellente idée de mêler au français des expressions en derdja, en kabyle, en créole, en anglais et en verlan. Cela illustre concrètement le défi de trouver sa place quand on est au croisement de différentes cultures. Même sans connaître le sens des mots employés, on comprend l’étourdissement dans lequel sa protagoniste est plongée.

Le poids des traditions

Il s’en dégage un sentiment de familiarité. Le Québec a connu lui aussi le poids des croyances superstitieuses liées à la religion et les liens compliqués des grandes parentèles. Ce passé n’est pas si loin, donc on sourit souvent.

La vie n’est pourtant pas simple pour la narratrice ! Elle se veut une femme indépendante alors que la famille fait cercle autour d’elle, avec ses injonctions qui tournent essentiellement autour de la sexualité, taboue jusque dans la maladie. On lit : « Ma grand-mère a une tumeur, mais on ne peut pas spécifier l’endroit. »

Cela donne un récit de ruptures et de rencontres à la fois dur et tendre ; d’une grande sécheresse des cœurs et d’une forte sensualité des corps. Il s’en dégage surtout de la vitalité, car les coups et les reproches ne viennent jamais à bout de la révolte féministe de la narratrice.

Elle entend sortir du poids des traditions familiales tout autant que des stéréotypes que l’Occident associe aux « beurettes ». Parallèlement, elle veut se fondre dans la masse québécoise tout en préservant son héritage. Ça n’a rien de facile : « Après tant d’efforts, je reste toujours moi, la petite Algérienne wannabe Québécoise. »

Il se tisse ainsi un personnage, et un entourage, dont les contradictions font l’attachante humanité.

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