On a passé 1h avec la voix québécoise de Robert Pattinson (et on lui a donné la réplique)


Jean-Michel Clermont-Goulet
Qu’ont en commun Robert Pattinson, Michael Cera, Jay Baruchel et Rami Malek? La voix de Nicholas Savard-L’Herbier, qui double les acteurs en français. On a passé une heure avec lui en studio pour en savoir plus sur son métier. Alerte aux divulgâcheurs: ce n’est pas facile, faire du doublage!
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Nicholas Savard-L’Herbier a pas mal d’expérience derrière la cravate, lui qui a décroché son premier contrat de doubleur à l’âge de 10 ans. C’était dans le long métrage Les petits géants, sorti en 1994.
«Quand on est enfant, on se débrouille, mais on n’apprend pas vraiment le jeu. On y va au pif, mais là, j’avais besoin d’une vraie formation», confie l’homme aujourd’hui dans la quarantaine.

Après le secondaire – et une fois que sa voix a mué –, il a donc étudié au Conservatoire d’art dramatique en doublage.
Le comédien a un long curriculum vitae. En plus de Robert Pattinson (La saga Twillight, The Batman) et de Michael Cera (Superbad, Scott Pilgrim vs. the World), il a prêté sa voix à plus d’une vingtaine de personnages animés.
Son coup de cœur: Timon, dans la version 2019 du Roi Lion.
Place au doublage
Faire du doublage était un rêve d’enfant pour le représentant de 24 heures. Mais ne devient pas doubleur qui veut...
«Le doublage, ç’a l’air facile, mais ça ne l’est pas. Jouer, c’est une chose, mais le doublage, c’est comme une partition de musique. Il faut suivre le rythme», insiste Nicholas Savard-L’Herbier lors de notre arrivée au studio Syllabes, dans le Vieux-Montréal.
On a bien vite compris qu’il avait raison.
En s’installant au micro, on commence par écouter l’extrait une première fois, pour s’imprégner de la vibe du personnage.
C’est finalement le temps de doubler. Le texte défile à une bonne vitesse. On est vite déconcentré par l’action qui se déroule dans la scène, ce qui est un problème, on en convient...
Rendu à la scène de Heartland, Nicholas nous donne la réplique. Ça se complique: non seulement on doit parler au même rythme que l’acteur, mais il faut prendre un accent français international.
Si Nicholas met généralement autour d’une semaine pour doubler un film en entier, on a mis une heure à essayer (tant bien que mal) de doubler une minute d’une scène de la série Heartland et une minute d’une série animée.
On est donc loin de pouvoir voler le job de Nicholas ni ceux d’Alain Zouvi, de Joël Legendre et de Manuel Tadros...
C’est payant, faire du doublage?
Pour pouvoir «très bien gagner sa vie», le mieux est de toucher aux quatre types de doublage: films, télé, surimpression vocale et jeux vidéos.
Les acteurs de doublage sont payés à l’heure ou à la ligne.
À l’heure, c’est surtout pour les petites séances, comme le doublage d’une bande-annonce. Le salaire horaire varie de 119,10$ pour la première heure à 146,28$, selon la plus récente entente collective signée entre l’UDA et l’Association nationale des doubleurs professionnels du Québec (ANDP).
À la ligne, le montant varie d’un projet à l’autre. Pour doubler un film de fiction, par exemple, le prix se situe entre 3,89$ et 6,58$, explique Nicholas. Et si vous vous demandez: un rôle principal a en moyenne 400 lignes, alors qu’un rôle secondaire en a 200. Un petit rôle en a 100.
Et que pense Nicholas Savard-L’Herbier de l’intelligence artificielle?
«Ça nous inquiète, mais on ne se sent pas au fond du gouffre pour autant, affirme-t-il. Pour l’instant, la balle est pas mal dans le camp des gouvernements. C’est à eux d’instaurer des lois.»
Il l’admet: l’IA peut être une option plus économique et rapide que le doublage traditionnel, «mais le côté humain va manquer».

«Il y a un processus créatif derrière le doublage. Si l’IA s’occupe un jour de tout ce qui est culturel, ça va devenir aseptisé, éteint, cliché. Il n’y aura plus d’audace artistique, plus rien», s’inquiète-t-il.
À court terme, il ne craint pas de perdre son emploi.