Nickel dans l'air: le Dr Luc Boileau refuse de réétudier la norme


Nicolas Lachance
Malgré de nouveaux éléments inquiétants qui lui ont été signalés par des collègues, le directeur de santé publique refuse de réétudier la norme sur le nickel dans l’air, qui a été augmentée par le gouvernement, sauf si le ministère de l’Environnement lui transmet des informations supplémentaires.
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«On me dit que les travaux ont été menés avec rigueur, avec une attention toute particulière pour éviter les risques aux populations. Il ne m’a pas été signalé qu’ils méritaient d’être repris», a réaffirmé le Dr Luc Boileau. «Il est évident qu’en médecine, qu’en science, en quoi que ce soit, on avance. Si le ministère de l’Environnement avait reçu des informations supplémentaires, il pourrait nous les partager pour voir si on [peut] regarder ça à nouveau. Mais ce n’est pas du tout considéré comme des études qui viennent faire basculer le dossier.»
Mercredi, notre Bureau parlementaire rapportait que la présidente de l'Association québécoise des médecins pour l'environnement, la Dre Claudel Pétrin-Desrosiers, a demandé au directeur de santé publique de réétudier sérieusement la norme de nickel dans l'air au Québec.
De nouveaux éléments démontrant des «impacts potentiels néfastes pour la santé de la population» ont été transmis au Dr Boileau dans une lettre.
L’ex-directeur de santé publique Horacio Arruda ne les aurait pas pris en considération avant de recommander la hausse de la norme concernant les particules de nickel dans l’air.
L'Association québécoise des médecins pour l'environnement estime que tout médecin a le devoir de réévaluer un diagnostic lorsque de nouveaux éléments lui sont présentés.
Patate chaude
Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, affirme que les informations dévoilées par l'Association québécoise des médecins pour l'environnement ainsi que par les 18 directions régionales de santé publique du Québec sont «inexactes».
«Moi, je ne suis pas médecin. Mais quand la Santé publique nationale nous dit qu’on a validé chacune des étapes, le travail semble avoir été bien fait», a-t-il mentionné.
Il soutient que toutes les formes de nickel ont été analysées, contrairement à ce qu’avancent ces médecins.
Le nickel sous forme de pentlandite, un sulfure qui pourrait être cancérigène et qui se retrouve dans l’air de la ville de Québec, n’aurait pas été pris en considération, plaide l’Association.
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On se serait basé sur une revue de littérature dont l’expertise s’arrêtait en 2011. Pourtant, une revue de littérature beaucoup plus récente et qui s’étirant jusqu’à 2021 existe.
«Pour ce qui est du suivi et du raisonnement qui a été fait à la Santé publique, c’est à eux de répondre», a indiqué le ministre. «Encore récemment, on me confirmait que l’approche méthodologique se défendait et qu’ils étaient confortables avec les évaluations.»
Analyse réclamée
Les partis d’opposition, loin d’être convaincus, demandent eux aussi au directeur de santé publique de réétudier la norme sur le nickel.
Pour clarifier la situation, le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, pense qu'un réexamen de la situation par le Dr Luc Boileau serait bénéfique.
«Je pense qu'il devrait le faire [...] Quand toutes les directions régionales disent une chose et que la direction nationale en dit une autre, ça crée beaucoup de doutes.»
La péquiste Véronique Hivon ajoute que le directeur de santé publique, Luc Boileau, doit être à l'écoute de ce qui lui est soumis.
«D'autant plus que ce sont des collègues et que c'est un véritable enjeu de santé publique [...] Quand [le Dr Boileau] a été questionné là-dessus, j'ai trouvé que sa réponse n'était pas, je dirais, ancrée dans des éléments très objectifs. Je pense que, compte tenu de l'urgence de la situation, il doit se saisir du dossier.»
La libérale Isabelle Melançon demande au ministère de la Santé d’intervenir.
«On a compris depuis longtemps que le ministre de l’Environnement abdique ses responsabilités de protéger l’environnement. Est-ce que son collègue de la Santé abdique aujourd’hui la responsabilité de la santé des citoyens du Québec? Devant les craintes des citoyens, des élus municipaux et des 18 directions de santé publique régionales, le gouvernement doit appliquer le principe de précaution et demander à la Santé publique de rouvrir cette étude», a-t-elle dit.
Emplois payants
La semaine dernière, le premier ministre François Legault a dit que, «pour être capable» de fabriquer les batteries pour les autos électriques et de créer des emplois payants, Québec devait «rehausser la norme au même niveau que l’Europe».
Le solidaire Gabriel Nadeau-Dubois croit que ce «prétexte» n’a «pas d’allure en 2022».
«On n'est plus en 1954, là. Dire: “Il faut scrapper l'environnement pour créer de l'emploi”, je veux dire, c'est tellement passé date comme manière de réfléchir et c'est très typique de la manière dont François Legault voit l'avenir du Québec», a-t-il lancé.