Publicité
L'article provient de 24 heures

1323 arbres abattus: un déboisement voté dans le noir

Des élus n’ont pas été avisés de la présence de milieux humides avant d’autoriser les travaux d’abattage

Partager
Photo portrait de Élizabeth Ménard

Élizabeth Ménard

2024-05-06T09:00:00Z
Partager

Des élus de Montréal ont voté pour l’abattage de 1323 arbres sans avoir été avisés que le site sur lequel ils se trouvent contenait trois milieux humides, dont un que la Ville a elle-même identifié «à protéger ou à restaurer».

• À lire aussi: Northvolt, bon ou mauvais? On vous explique le mégaprojet pour que vous puissiez vous faire une tête

• À lire aussi: Milieux naturels: près du quart du grand Montréal sera protégé

En mars dernier, les élus de la Ville de Montréal ont voté pour l’abattage des arbres, situés à l’angle des boulevards Henri-Bourassa et Saint-Jean-Baptiste, dans l’est de Montréal, sur deux terrains vacants contigus lui appartenant. Ces terrains doivent être décontaminés et accueillir un éventuel projet de développement économique. 

Les arbres ont été abattus au cours des dernières semaines et les travaux de décontamination sont en cours sur ces terrains appartenant à la Ville, situés à l'angle des boulevards Saint-Jean-Baptiste et Henri-Bourassa, dans l'Est de Montréal. On y trouve trois milieux humides dont un identifié comme «à protéger ou restaurer» par la Ville.
Les arbres ont été abattus au cours des dernières semaines et les travaux de décontamination sont en cours sur ces terrains appartenant à la Ville, situés à l'angle des boulevards Saint-Jean-Baptiste et Henri-Bourassa, dans l'Est de Montréal. On y trouve trois milieux humides dont un identifié comme «à protéger ou restaurer» par la Ville. Courtoisie

Manque de transparence

Or, on y trouve trois milieux humides, une information connue par l’administration depuis au moins 2022, mais qui a été exclue du sommaire décisionnel remis aux élus.

Publicité

Ce n’est que grâce à une demande d’accès à l’information, effectuée par l’opposition et arrivée après le début des travaux, qu’on l’a appris.

Une étude datant de 2022 et financée par la Ville révèle leur présence.

24 heures a aussi constaté que l’un de ces trois milieux humides est identifié comme milieu «à protéger ou restaurer», par la ville elle-même, dans son projet de Plan régional des milieux humides et hydriques (PRMHH). Cette information ne figurait pas non plus au sommaire.

Cette carte qu'on trouve dans le projet de Plan des milieux humides et hydriques de la Ville de Montréal montre que l'un des trois milieux humides qu'on trouve sur les deux terrains contaminés est identifié comme «milieu d'intérêt à protéger ou restaurer».
Cette carte qu'on trouve dans le projet de Plan des milieux humides et hydriques de la Ville de Montréal montre que l'un des trois milieux humides qu'on trouve sur les deux terrains contaminés est identifié comme «milieu d'intérêt à protéger ou restaurer». Ville de Montréal.

«Lors de notre vote au mois de mars, il n’y avait aucune documentation qui nous permettait de savoir qu’il y avait présence de milieux humides. Il y a un manque d’information et de transparence», dénonce la porte-parole de l’opposition en matière d’environnement, Stephanie Valenzuela, qui a tout de même voté pour le projet après avoir exprimé des réserves.

Elle affirme aujourd’hui qu’elle aurait «possiblement» fait un choix différent si elle avait eu toutes les informations en main.

Des doutes soulevés au conseil municipal

Le conseiller indépendant du Sud-Ouest, Craig Sauvé, est le seul à avoir voté contre le projet. Lors du conseil municipal du 18 mars, il a questionné la responsable du dossier, la mairesse de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles (RDP-PAT), Caroline Bourgeois, sur la possible présence de milieux humides.

Publicité

«Si on est pour faire du développement économique, est-ce qu’on détruit un milieu humide? Est-ce qu’on va le restaurer? Comment? Ce n’est pas clair dans le dossier. Ni si d’autres solutions ont été considérées. Dans l’esprit de la COP15, je me questionne si on respecte nos engagements. Si on va raser autant d’arbres, il faut avoir ce genre de justification dans le dossier», a-t-il, entre autres, dit.

Mme Bourgeois n’a pas répondu directement à la question des milieux humides.

«Aucun élu ne va se réjouir d’abattre autant d’arbres. C’est une décision qu’on n’a vraiment pas prise à la légère. Dans ce cas-ci, ce n’est pas compliqué, si on voulait décontaminer ces terrains-là, on devait passer par cet abattage d’arbres», a-t-elle notamment fait valoir lors du conseil municipal.

La mairesse de RDP-PAT, qui est aussi vice-présidente du comité exécutif, a refusé notre demande d’entrevue. 

Épargnés, mais pas vraiment

Par écrit, la Ville de Montréal nous assure que les trois milieux humides présents sur ces terrains ont été épargnés par les travaux. Mais des milieux humides isolés sur un site ou tout autour a été rasé ont peu de chances de survie, soutient la spécialiste Julie Talbot, directrice du département de géographie de l’Université de Montréal. Elle s’intéresse particulièrement à l’impact des activités humaines sur les écosystèmes naturels.

«La préservation de milieux humides isolés dans le contexte du développement du site me semble utopique, dit-elle. Un terrain dont la végétation est enlevée et dont la topographie est nivelée n’est pas compatible avec la préservation potentielle des milieux humides qui s’y retrouvent isolés», explique-t-elle. 

La Ville fait aussi valoir que l'un des trois milieux humides, celui identifé «à protéger ou restaurer» a été protégé par une bande tampon de 10 mètres, tandis que les deux autres sont situés à l'extérieur de la zone des travaux. 

Des critères de replantation et de verdissement seront imposés lors de l'appel à projet pour déterminer l'avenir des deux terrains, précise-t-on.

Essentiels à la lutte aux changements climatiques

L'administration mentionne qu’un banc d’essai en phytoremédiation, une technique de décontamination à l’aide de plantes, a été effectué sur l’un des deux terrains et que les résultats étaient «mitigés».

Les milieux humides sont des puits de carbone, ils jouent donc un rôle essentiel dans la lutte aux changements climatiques.

Entre 1962 et 2016, les pertes nettes de milieux humides dans l’agglomération de Montréal se chiffrent à 40%.

La Ville s’est engagée à les protéger, restaurer et à en créer de nouveaux. 

Publicité
Publicité