Northvolt, bon ou mauvais? On vous explique le mégaprojet pour que vous puissiez vous faire une tête


Élizabeth Ménard
Le projet de méga-usine de batteries Northvolt fait couler beaucoup d’encre depuis son annonce. Entre les sorties du ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon contre les journalistes, les groupes environnementaux et les activistes qui s’y opposent, les informations cachées et révélées par différents médias, on s’y perd. Pourquoi le projet est-il si controversé? Est-il mauvais pour l’environnement? On répond à vos questions.
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C’est quoi, Northvolt?
Northvolt est un fabricant suédois de batteries destinées aux véhicules électriques. Il possède plusieurs installations en Suède, en Pologne et en Allemagne, dont un centre de recherche et une usine de recyclage de batteries. Il fournit des batteries à Volkswagen, Volvo et BMW.
Selon son site web, sa mission est de produire des batteries qui ont «une empreinte carbone 90% moins élevée que celles produites avec de l’énergie qui provient du charbon».
C’est l’une des raisons pour lesquelles elle a choisi le Québec pour sa nouvelle usine appelée Northvolt Six où elle pourra bénéficier de notre hydroélectricité. Elle aura une capacité de production de cellules de 60 mégawattheures par année, ce qui permettra de fournir des batteries pour 1 million de véhicules chaque année, destinés au marché nord-américain.
Où sera située Northvolt?

L’usine de Northvolt au Québec sera située à McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, sur la Rive-Sud de Montréal.
Qui est propriétaire de Northvolt?
Ses cofondateurs sont Peter Carlsson et Paolo Cerutti, deux anciens de Tesla. Ils sont respectivement chef de la direction et chef de la direction pour l’Amérique du Nord.

Pourquoi le projet de Northvolt au Québec est-il controversé?
Le projet de Northvolt au Québec est controversé pour plusieurs raisons.
D’abord, parce que les gouvernements provincial et fédéral vont fournir 7,3 milliards $ d’argent public à l’entreprise privée suédoise pour l’aider à s’installer au Québec. C’est beaucoup d’argent public pour un projet pour lequel il n’y a toutefois pas eu de débat public.
Ce qu'on reproche le plus au gouvernement, c’est de manquer de transparence. Plusieurs informations ont été révélées par les médias alors que le gouvernement donne l’impression d’avoir voulu les cacher.
Parmi ces informations:
- Un règlement environnemental semble avoir été modifié pour favoriser l’entreprise
Quelques mois avant l’annonce de la venue de Northvolt, le seuil pour déclencher un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour la fabrication de cathodes est passé de 50 000 à 60 000 tonnes alors que l’entreprise compte en fabriquer 56 000. À ce moment-là, Northvolt avait déjà déposé une offre d’achat sur le terrain et rencontré le ministre Pierre Fitzgibbon quelques jours plus tôt. Le gouvernement a nié à plusieurs reprises avoir voulu favoriser l’entreprise, avant de finalement le reconnaître au début du mois de mars. Un BAPE aurait permis de faire la lumière sur tous les impacts potentiels du projet sur l’environnement. Le gouvernement argue toutefois que les délais auraient chassé l’entreprise. Voir plus bas pour bien comprendre ce qu'est le BAPE et les délais que ce processus aurait imposés.
- La construction de l’usine entraînera la destruction de milieux humides
Le site sur lequel sera construit l’usine est l’un des derniers milieux humides de la région, ont laissé savoir un regroupement de scientifiques dans une lettre ouverte. Il abrite de nombreuses espèces fauniques dont certaines sont menacées, notamment l’hirondelle de rivage dont la population a chuté de 99% entre 1970 et 2019.
Les milieux humides jouent un rôle essentiel dans la lutte aux changements climatiques, entre autres parce qu’ils sont des puits de carbone. On doit aussi les conserver pour freiner le déclin de la biodiversité.
- Un développement immobilier refusé et une rencontre cachée
L’ancien propriétaire du terrain, l’homme d’affaires Luc Poirier, s’était vu refuser son développement immobilier sur ce terrain, puisqu’il aurait entraîné la destruction de milieux humides. Northvolt a toutefois obtenu l’autorisation de détruire ces mêmes milieux humides, a révélé une enquête de Radio-Canada. On y apprenait aussi que l’entreprise suédoise a rencontré le ministre de l’Environnement Benoit Charette, mais que cette rencontre ne figurait pas à son agenda. Ces révélations augmentent l’impression de jeux de coulisses entre le gouvernement et Northvolt.
- Des arguments scientifiques retirés
Le mois dernier, Radio-Canada révélait également que des arguments scientifiques utilisés dans un rapport d’une fonctionnaire du ministère de l’Environnement pour justifier le refus du projet de développement immobilier de Luc Poirier, avaient disparu d’un rapport subséquent fait par la même fonctionnaire et qui s’est conclu en faveur du projet Northvolt.
Northvolt est-il un mauvais projet pour l’environnement?
C’est la grande question et deux visions s’affrontent.
D’un côté, le gouvernement de François Legault affirme que Northvolt sera non-seulement bon pour l’économie du Québec, mais aussi pour l’environnement, puisqu’il nous aidera à atteindre la carboneutralité en fournissant des batteries pour nos voitures électriques.
«Il est primordial que le Québec demeure capable de développer de grands projets, surtout en économie verte, alors que nous sommes dans une course pour atteindre nos objectifs climatiques», écrivait le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, le mois dernier, dans une lettre ouverte où il a accusé des journalistes d’être «militants» dans leur couverture du dossier.
De l’autre côté, des groupes environnementaux, des scientifiques et des citoyens dénoncent la destruction de ces milieux humides sous le prétexte du développement économique et de la transition énergétique.
«L’action climatique ne doit pas se faire aux dépens de la vie qui nous entoure», écrivait un groupe de scientifiques dans une lettre ouverte, publiée en novembre dernier.
Également dans une lettre ouverte, le directeur des relations gouvernementales d’Équiterre, Marc-André Viau, déplorait qu’on précipite ce projet d’usine de batteries pour des voitures, sans repenser nos modes de transport.
«Et pendant qu’on déroule le tapis rouge industriel, on laisse les options de transport durable les deux pieds dans les sables mouvants», écrivait-il.
Afin d'atténuer l'impact sur les habitats fauniques, Northvolt s'est engagée à «créer, restaurer ou conserver des milieux naturels sur une superficie à déterminer, qui sera d'égale valeur écologique», a laissé savoir le ministère.
Qu'est-ce que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement ou BAPE?
Le BAPE est un organisme impartial du gouvernement du Québec. Son rôle est d'informer et de consulter les citoyens sur les impacts environnementaux des projets qui lui sont soumis, d'enquêter et d'aviser le gouvernement. Certains projets présentant un risque environnemental élevé sont légalement assujettis à la Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, qui comprend une commission d'enquête du BAPE, qu'on appelle souvent plus simplement «un BAPE».
En entrevue avec La Presse au début du mois, le ministre de l'Environnement, Benoit Charette, a affirmé qu'un BAPE aurait entraîné un délai de 18 à 24 mois qui aurait découragé Northvolt de s'installer au Québec.
C'est faux.
Au total, cette commission d'enquête dure moins de six mois. Elle comprend une période d'information de 30 jours, suivie d'un délai de 20 jours durant lequel le BAPE formulera des recommandations au ministère sur le mandat subséquent qui devrait lui être confié, soit: une audience publique (quatre mois), une consultation ciblée (trois mois) ou une médiation (2 mois). Finalement, les commissaires remettent un rapport au ministère où ils livrent leurs constatations et avis. Ce rapport doit être rendu public.
La Procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement, elle, dure de 13 à 18 mois. Elle comprend la tenue d'un BAPE et plusieurs autres étapes dont une étude d'impact et une analyse environnementale.
Ce n'est qu'une fois que toutes les étapes de cette procédure sont complétées que le gouvernement peut donner son feu vert ou refuser un projet.