Meurtres non résolus: comment le tueur d’une étudiante a été trahi par son patronyme 22 ans plus tard
Marc-André Grenon a été épinglé après 22 ans pour le meurtre de Guylaine Potvin en 2000 et le viol d’une autre étudiante

Erika Aubin
Alors que l’année 2025 a été la meilleure pour résoudre de vieux meurtres, les tueurs n’ont qu’à bien se tenir: les policiers ont bon espoir de voir le nombre d’homicides élucidés augmenter drastiquement dans les prochaines années, notamment grâce aux avancées de la science. Le Journal vous présente un tour d’horizon des nouvelles techniques d’enquête et plusieurs témoignages de familles qui s’accrochent à l’espoir de savoir enfin qui a tué un de leurs proches.
Grâce à une banque de données génétiques innovante développée au Québec, un tueur a été trahi... par son nom de famille, 22 ans après le meurtre crapuleux d’une étudiante à Jonquière et le viol d’une autre femme à Québec.
Depuis les débuts de l’enquête pour le meurtre de Guylaine Potvin, le nom de Marc-André Grenon figurait sur la liste des suspects. Mais il s'y trouvait parmi ceux de plusieurs centaines d’autres hommes. Les enquêteurs nageaient ainsi en plein mystère.

La cégépienne de 19 ans a été violée et tuée dans son appartement de Jonquière, en avril 2000. Quelques mois plus tard, une autre étudiante de 20 ans a survécu de justesse à une violente agression semblable, à Québec. L’ADN retrouvé sur les deux scènes de crime était le même.

Dans la mire depuis 2001
Grenon avait été ciblé par les enquêteurs aussitôt qu’en 2001. Il avait plusieurs antécédents judiciaires et avait habité juste derrière la résidence de Guylaine Potvin.

Il a également déjà habité à environ 450 mètres de la résidence de sa deuxième victime.
Toutefois, son profil n’avait jamais été versé dans le fichier des condamnés, puisque ses délits n’étaient pas assez graves pour qu’il y soit contraint.
Au fil de l’enquête, plus de 300 sujets ont été éliminés grâce à leur ADN. Grenon a refusé à deux reprises, en 2006 et en 2021, de fournir le sien aux enquêteurs, prétextant un manque de confiance envers la police.
Cinq autres suspects ont également décliné la demande des autorités.

L’enquête a pris un nouveau tournant en juin 2022 grâce au projet PatronYme, un outil unique développé par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML).
Dans cette banque québécoise, le Laboratoire a lié des profils génétiques masculins à des noms de famille, en se servant des données publiques de généalogie.
«On a bâti notre propre banque avec les noms de famille disponibles, en essayant de cibler des noms canadiens-français, car c’est ça, la masse critique de population», explique le biologiste Nicolas Tremblay.
En faisant une nouvelle analyse, une de ses collègues a ressorti deux patronymes d’intérêt prioritaires pour l’enquête. Grenon était en tête de la courte liste.

Mission: récupérer son ADN
Les policiers ont ensuite réalisé une opération de filature digne d’un scénario de film afin de récupérer par abandon l’ADN de Marc-André Grenon sur un objet lui appartenant.
En août 2022, deux enquêteurs l’ont suivi à la trace jusque dans une salle de cinéma où était projeté le film Confessions, portant sur l’histoire du tueur à gages Gérald Gallant. Grenon l’ignorait, mais la personne assise à sa gauche était un sergent-enquêteur qui n’avait qu’une seule mission: ne jamais perdre de vue son verre de boisson gazeuse.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Alexandre Dubé, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Après le film, le suspect a jeté dans une poubelle son verre en carton, qui a été récupéré quelques secondes plus tard par l'enquêteur.

L'analyse du précieux déchet au laboratoire est venue sceller le sort de Grenon. L'ADN était le même que celui retrouvé sur les deux scènes de crime.

Le prédateur a été arrêté peu après. Il a depuis été condamné à la prison à vie après un procès devant jury en 2024. Il s’agissait d’un tout premier test pour le projet PatronYme devant les tribunaux québécois.
Le LSJML a créé la banque de sa propre initiative pour être à l’avant-plan dans les sciences judiciaires. «On l’a fait au surplus de notre travail pour faire avancer nos dossiers. On sait que c’est de cette façon qu’on va apporter des réponses [aux cold cases]», souligne Nicolas Tremblay.

Cette base de données est constamment mise à jour, permettant ainsi d’espérer résoudre encore plus de crimes, a dit la biologiste judiciaire Valérie Clermont-Beaudoin, au procès de Grenon.
– Avec Pierre-Paul Biron