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L'article provient de TVA Nouvelles

Médecine privée: des centaines de patients abandonnés

Certains ont continué de payer après la fermeture brusque des cliniques privées Algomed

La propriétaire du local loué par Algomed à Ste-Agathe-des-monts, Carine Cherrier, a reçu plusieurs enveloppes avec des résultats d'examens en plus de patients qui se présentaient en vain à leurs rendez-vous.
La propriétaire du local loué par Algomed à Ste-Agathe-des-monts, Carine Cherrier, a reçu plusieurs enveloppes avec des résultats d'examens en plus de patients qui se présentaient en vain à leurs rendez-vous. Photo Agence QMI, Denis Therriault
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Denis Therriault

2024-02-02T16:30:00Z
2024-02-02T16:59:00Z
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Des centaines de patients qui avaient accepté de payer pour être suivis dans les cliniques privées Algomed, fondées par le Dr Adam Hoffman, se sont retrouvés devant rien après la fermeture abrupte en juillet dernier.

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«Ce qui me choque le plus, c’est que je me sens volée. Je sens qu’ils m’ont volée. Ils essaient de prendre des prélèvements tout en étant fermés», a pesté Lyne Ouellet, une patiente rencontrée dans les semaines suivant la fermeture d’Algomed. 

Lyne Ouellet, ex-patiente d'Algomed
Lyne Ouellet, ex-patiente d'Algomed Capture d'écran J.E

Après la fermeture de sa clinique Preventia en 2021, le Dr Hofmann a fermé ses cliniques Algomed en juillet dernier.  

  • Écoutez le segment judiciaire avec Félix Séguin via QUB :

La dizaine de cliniques misaient sur une offre de suivi médical privé sous la forme d’abonnements qui pouvaient coûter jusqu’à 37$ par mois ou 300$ par année. Sans compter qu’il fallait ensuite payer jusqu’à 80$ par consultation à la clinique. 

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«Solution miracle»

Algomed misait entre autres sur des infirmières praticiennes spécialisées qui assuraient le suivi des patients. 

«C’était la solution miracle, sans payer un prix de fou, pour avoir un médecin au privé», raconte Caroline Roy qui souffrait de problèmes de santé au cœur et aux poumons. 

Caroline Roy avait consulté la clinique Algomed pour des problèmes de cœur et de poumons.
Caroline Roy avait consulté la clinique Algomed pour des problèmes de cœur et de poumons. Capture d'écran J.E

La femme a donné son numéro de carte de crédit sur laquelle un montant mensuel était prélevé.  

Après la fermeture des cliniques, les prélèvements se sont poursuivis pour plusieurs patients. 

Certains ont dû changer de cartes de crédit pour que les prélèvements cessent. 

Licenciements 

Les déboires avaient débuté quelques mois plus tôt, en janvier 2023, avec une première vague de 25 employés qui avaient été remerciés sans préavis.  

«Je trouve ça déplorable pour les patients qui se retrouvent sans suivi, sans médecin de famille. Il y a des examens qui ont été demandés pour ces patients-là», soutient une ancienne infirmière d’Algomed qui a accepté de parler sous le couvert de l’anonymat par crainte de représailles. 

L’ex-directeur des opérations d’Algomed a porté plainte contre le Dr Adam Hofmann au Collège des médecins. 

Le Dr Adam Hofmann
Le Dr Adam Hofmann Photo tirée du site adamhofmann.com

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«Il a laissé des patients à eux-mêmes», déplore celui qui ne veut pas être nommé à la demande de son nouvel employeur. 

Il blâme les infirmières 

Le Dr Hofmann a refusé notre demande d’entrevue.  

Par courriel, Algomed pointe du doigt la responsabilité des infirmières pour le suivi des patients.  

«Algomed était une clinique dirigée et gérée par des infirmières avant sa fermeture. En vertu de la loi québécoise, les infirmières qui ont prodigué des soins aux patients sont responsables du suivi approprié ou de la référence, si nécessaire», peut-on lire.  

L'une des cliniques Algomed était située dans cette bâtisse de St-Jérôme.
L'une des cliniques Algomed était située dans cette bâtisse de St-Jérôme. Photo Agence QMI, Martin Alarie

Le courriel indique que les infirmières conservent l’accès aux informations cliniques et aux dossiers des patients.   

Trois infirmières qui étaient à l'emploi d'Algomed affirment n'avoir jamais dirigé et géré les cliniques et avoir perdu tout accès aux dossiers lors de leur congédiement. Invité à réagir, l'Ordre des infirmières confirme que dans ce genre de situation, les infirmières ne peuvent être tenues responsables du suivi des patients. 

Pour Esthel Legault, qui s’était tournée vers Algomed après la retraite de son médecin de famille, tout ça lui laisse un goût amer.  

«Ma prochaine avenue, c’est le vétérinaire», conclut-elle. 

Esthel Legault est sortie amère de son expérience à la clinique privée Algomed
Esthel Legault est sortie amère de son expérience à la clinique privée Algomed Capture d'écran J.E

► L’Office de protection du consommateur a reçu une dizaine de plaintes concernant les cliniques Algomed notamment pour des prélèvements d’argent effectués après la fermeture.  

Algomed en bref:

• Une dizaine de cliniques ouvertes dans les Laurentides, la grande région de Montréal, Lévis et en Nouvelle-Écosse 

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• Suivi par des infirmières praticiennes avec des abonnements mensuels ou annuels 

• Le premier actionnaire est Technologies Preventia, une société détenue par Adam Hofmann et un homme basé en Égypte 

-Un logiciel utilisant l’intelligence artificielle a été développé en Égypte pour assister le personnel clinique 

• Adam Hofmann partage son temps entre Saint-Jérôme et le New Jersey où il possède une propriété 

• Le siège social d’Algomed solutions cliniques est basé en Colombie-Britannique 

Algomed avait fait aménager des locaux dans ce bâtiment commercial du secteur St-Romuald sur la rive-sud de Québec.
Algomed avait fait aménager des locaux dans ce bâtiment commercial du secteur St-Romuald sur la rive-sud de Québec. Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC

La RAMQ lui a réclamé 500 000$

Le Dr Adam Hofmann s’est fait réclamer plus d’un demi-million de dollars facturés en trop à la Régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ) sur une période d’un peu plus de trois ans. 

En plus de ses cliniques privées, le Dr Hofmann est rattaché à l’hôpital de Saint-Jérôme dans l’équipe des spécialistes en médecine interne. 

Tout a commencé en mai 2018 quand la RAMQ lui a envoyé une décision pour des services rendus non conformément au manuel de facturation des médecins spécialistes. Il aurait notamment réclamé sans y avoir droit des sommes pour des consultations à l’hôpital et pour l’enseignement de l’insulinothérapie pour la période de 2013 à 2017. 

La Régie a aussi demandé le remboursement d’une prime versée pour des examens faits en urgence. Elle lui reprochait aussi de ne pas avoir laissé de trace dans le dossier du patient prouvant que certains actes médicaux avaient bel et bien été rendus.  

Contestation 

Une première sentence arbitrale avait donné raison à la RAMQ, une décision jugée déraisonnable par Hofmann. 

Il estimait notamment que la présence de notes au dossier du patient n’était pas nécessaire.  

«Faire un tel amalgame entre les obligations déontologiques d’un professionnel et les normes relatives à la facturation est non seulement déraisonnable, mais également un dangereux exercice», peut-on lire dans une requête pour contester la sentence arbitrale. 

La cause a également porté sur la notion d’examen en médecine interne sur lequel les partis ne s’entendaient pas. 

Questionné par courriel à ce sujet, le Dr Hofmann n’a pas répondu. La RAMQ n’a pas voulu préciser si le médecin avait finalement remboursé la somme réclamée.  

«Le litige dont vous parlez n’existe plus, puisque le demandeur s’est désisté en totalité de sa demande en justice contre nous. La Régie a accepté ce désistement», a indiqué la porte-parole de la Régie, Caroline Dupont. 

– Avec la collaboration de Maude Boutet et Kathryne Lamontagne

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