Tournoi des Maîtres: voici pourquoi cette édition est très spéciale
Est-ce que ça va brasser au souper des champions ? Que fera Tiger ? Comment sera reçu le circuit LIV ?


François-David Rouleau
AUGUSTA | Chaque édition du Tournoi des Maîtres est appréhendée et amène son lot d’histoires chaudes à surveiller attentivement ou du coin de l’œil. C’est d’autant plus vrai depuis l’arrivée de LIV Golf dans l’univers du sport professionnel. Premier championnat majeur de la saison, réunissant de surcroît les plus gros noms du golf, tous les projecteurs seront tournés sur Augusta durant la prochaine semaine. Chaque geste et parole sera analysé. Voici cinq enjeux à ne pas rater.
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Quelle sera l’ambiance au souper des champions mardi soir?

C’est nul autre que la nouvelle vedette du controversé circuit LIV Golf, Jon Rahm, qui sera l’hôte du traditionnel souper réunissant les champions du Masters. Il s’agira de la deuxième édition étampée par le «nouvel ordre mondial golfique». On se souvient que l’an dernier, le gueuleton avait retenu énormément d’attention. Phil Mickelson avait créé le malaise en restant silencieux et effacé, selon les récits de Fuzzy Zoeller et Tommy Aaron.
Cette année, il y aura encore un éléphant dans la pièce puisqu’il s’agira de la première rencontre depuis que le gouverneur du Fonds public d’investissement d’Arabie saoudite (PIF) et unique source de financement de LIV, Yasir Al-Rumayyan, et le commissaire du circuit de la PGA, Jay Monahan, tentent d’enterrer la hache de guerre pour en venir à un accord de partenariat.
Dans la salle à manger, les Tiger Woods et Jordan Spieth, siégeant tous deux comme directeurs sur le comité des joueurs du PGA Tour et participant aux rencontres confidentielles, seront attablés face aux Mickelson, Garcia, Reed, Johnson et cie. Il faudra attendre la sortie des invités pour obtenir des renseignements sur la soirée aussi juteux que le ribeye servi comme plat de résistance en l’honneur du champion Rahm.
Le gouverneur du PIF, Yasir Al-Rumayyan, sera-t-il présent?

Depuis près d’un an, le gouverneur du PIF, Yasir Al-Rumayyan, discute avec les grands et influents dirigeants du golf international. En juillet dernier, un document du sous-comité sénatorial américain faisait mention que celui-ci voulait devenir membre du prestigieux club du Augusta National, mais aussi du Royal and Ancient (R&A) à St. Andrews en Écosse.
Obtenir un très exclusif veston vert n’est pas à la portée de celui qui le demande sous prétexte qu’il est riche à craquer. Les rares candidatures sont scrutées et étudiées à la loupe. Un intérêt connu pour pénétrer ce cercle fermé peut signifier un refus à tout jamais.
Un accès à ce membership permettrait aussi à Al-Rumayyan de côtoyer les puissants financiers du monde des affaires américains, dont Wall Street.
Il y a un moment que les puissants dirigeants saoudiens souhaitent entrer sur la propriété du ANGC. Selon un article du New Yorker paru à l’automne 2022, tant Al-Rumayyan que son président de la fédération de golf d’Arabie saoudite, Majed Al-Sorour, auraient demandé à louer le prestigieux club de golf pour des rencontres amusantes entre grands golfeurs. Ils auraient essuyé un sec refus.
L’an dernier, alors que la planète du golf professionnel était divisée comme jamais, les gros bonnets du golf international (USGA, R&A, PGA Tour, etc.) avaient défilé sur le parcours le vendredi après-midi, trois jours avant le lancement officiel de la semaine du Masters. Les Saoudiens ne se comptaient pas parmi les invités du grand patron Fred S. Ridley.
La trêve négociée le printemps dernier pourrait-elle leur permettre de descendre Magnolia Lane cette semaine? À suivre.
Quelle sera la position du Augusta National dans l’accord du golf professionnel?

Il y a 10 mois que Jay Monahan et Al-Rumayyan se sont serré la pince pour travailler ensemble afin de réunir le golf professionnel divisé depuis l’arrivée de LIV Golf dans le portrait en 2022. Et la direction de l’Augusta National n’a encore fait aucune déclaration à ce sujet. Mercredi, le grand patron Fred S. Ridley aura à répondre aux questions. Entre autres, car dans cet accord, l’Augusta National évite un litige judiciaire dans lequel il était visé. Ses dirigeants auraient sans doute dû révéler des informations sensibles à propos du mode de fonctionnement du Tournoi des Maîtres.
L’an dernier, Ridley avait enfilé son casque bleu de l’ONU en prônant un cessez-le-feu et la paix durant la «semaine sainte du golf» à Augusta. Que déclarera-t-il cette semaine alors que le dossier avance derrière les portes closes?
Il devra certainement aussi dévoiler officiellement sa position dans le débat entourant le projet des balles franchissant de moins longues distances chez les pros dès 2026 selon une nouvelle proposition dictée l’été dernier par l’Association de golf des États-Unis (USGA) et le Royal and Ancient (R&A). Ridley a toujours souhaité que cet enjeu soit adressé. Depuis 25 ans, le parcours a gagné 600 verges afin de s’adapter aux nouvelles technologies.
Que fera Tiger Woods?

C’est LA grande question de la prochaine semaine. Le gros chat de 48 ans, quintuple vainqueur du veston vert, est toujours suivi et épié étroitement par les spectateurs sur le parcours et les amateurs à travers la planète. Personne ne fait bouger l’aiguille de l’audimat comme lui. Mais avec un corps endolori et de rares sorties officielles sur les allées, tous se demandent à nouveau quel est l’état de son jeu. On se souvient qu’à son grand retour au jeu en 2022, il avait résisté au couperet et terminé au 47e rang avec des rondes finales difficiles identiques de 78 (+6). Et l’an dernier, il avait abdiqué lors d’une troisième ronde sous la pluie battante et le froid.
Qu’importe, son unique présence à Augusta saura captiver l’intérêt, faire couler l’encre et occuper une bonne part du temps d’antenne!
Enfin le grand chelem de Rory?

Ça fait des années qu’on vous casse les oreilles avec cet exploit rarissime. Mais Rory McIlroy tente de compléter sa quête du grand chelem depuis 2015. L’unique titre majeur manquant à son impressionnante collection, c’est celui du Masters. Il rejoindrait ainsi un groupe sélect composé de Gene Sarazen, Ben Hogan, Gary Player, Jack Nicklaus et Tiger Woods.
Reste maintenant à savoir si les dieux du golf lui permettront d’intégrer ce club des grands de son sport. Car depuis près de 10 ans, ils s’amusent à ses dépens. Rory compte pas moins de sept tops 10. Mais il a raté le couperet en 2021 et 2023 malgré avoir dit qu’il «avait trouvé tous les ingrédients pour la recette» du succès, mais qu’il «est incapable de les mettre dans le plat, d’ajuster le four et laisser le tout monter».
Il devra trouver une façon de faire monter ce four en température rapidement, car il est plutôt «frette» en 2024. Il ne compte qu’un seul top 20 à ses cinq sorties.