Mark Carney et paradis fiscaux : «On n’a pas assez d’information pour juger», selon un professeur de la TÉLUQ
Agence QMI
Trop peu de détails sont connus jusqu’à maintenant sur les fonds envoyés aux Bermudes par Mark Carney lorsqu’il travaillait pour la firme Brookfield pour émettre un jugement concernant l'impact que cela a eu sur les contribuables du pays.
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C’est du moins ce qu’avance en entrevue à LCN, le professeur de l’École des sciences de l’administration de l’Université TÉLUQ, Franck Jovanovic.
Radio-Canada rapportait mercredi matin que M. Carney avait géré deux fonds d’investissement pour la firme Brookfield qui ont transité par les Bermudes.
En réaction à cette nouvelle au cours de la journée, le chef libéral s’est notamment défendu en affirmant que ce n’était pas une pratique illégale, que les taxes appropriées avaient été payées au Canada et que des entités comme la Caisse de dépôt et placement du Québec ainsi qu’un fonds de retraite de l’Ontario avaient investi dans ces fonds.
«Je n’ai pas toutes les informations, mais ce qu’on peut dire, c’est qu’on peut utiliser des stratagèmes fiscaux en passant par des juridictions off-shore, dont font partie les paradis fiscaux, pour augmenter ses profits», mentionne M. Jovanovic.
«Ça n’a rien d’illégal, ajoute-t-il. Il y a la question de la moralité, mais aussi la question du point de vue économique. C’est peut-être ici qu’il y a un enjeu.»
L’expert affirme que cette pratique consiste notamment à faire passer des fonds dans d’autres pays pour ensuite les rapatrier au pays.
«Les fonds par exemple partent du Canada, transitent vers les Bermudes et reviennent au Canada, avance-t-il. Mais ils reviennent au Canada avec des caractéristiques différentes. Par exemple, peut-être qu’au Canada, ces revenus étaient sous forme d’intérêts. On les fait passer par les Bermudes et ils reviennent sous forme de dividendes. Les dividendes ne sont pas imposés au Canada de la même manière que les intérêts.»
Afin de pouvoir juger de l’emploi de cette pratique dans ce cas précis, davantage d’informations sont nécessaires, selon l’expert.
«On comprend que ce stratagème a permis d’avoir des profits supplémentaires, affirme M. Jovanovic. Ces profits supplémentaires auraient servi en particulier à des personnes au Canada, donc on a cité un fonds de retraite et on a cité la Caisse de dépôt et placement du Québec.»
«On n’a pas assez d’informations pour juger, ajoute-t-il. Il manque des choses. Quel pourcentage de ces profits supplémentaires permis par ce stratagème sont revenu à ce fonds de pension et à la Caisse de dépôt et placement du Québec? Est-ce que c’est 10%, est-ce que c’est 90%? Ce n’est pas la même chose.»
Il est trop tôt par exemple pour dire si ce qu’a fait M. Carney a bénéficié ou non aux contribuables canadiens.
«Pour pouvoir affirmer ça, il faut savoir qui en a bénéficié réellement, soutient-il. Est-ce que c’est 90% qui ont été au bénéfice de la Caisse de dépôt et placement du Québec et dans des fonds de retraite en Ontario, ou est-ce qu’en fait c’est seulement 10% et 90% sont allés à des personnes plus favorisées?»
Dans tous les cas, le professeur à l’École des sciences et de l’administration de la TÉLUQ réclame davantage de transparence de la part du chef libéral.
«Pour le moment, je trouve qu’on n’a pas assez d’informations, dit-il. Il va falloir sortir un peu de la posture du gestionnaire qui travaille pour une entreprise privée pour arriver vers un homme politique, c’est-à-dire qu’on a besoin de [...] transparence.»
«Le manque de transparence, l’opacité, c’est quand on fait des affaires criminelles, renchérit-il. Quand on n’a rien à se reprocher, on peut mettre de la transparence. On est encore à un niveau plus superficiel.»
Voyez l’entrevue complète dans la vidéo ci-dessus