Marie-Ève Perron s’ouvre sur le deuil difficile de son père
Carolyn Richard
Marquée par la mort de son père, l’actrice a souhaité démystifier le processus de deuil en créant son balado. De plus, tant sur scène qu’à la télévision, Marie-Ève Perron continue d’explorer ces sujets qui la touchent de près.
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Marie-Ève, tu as lancé ton balado, On va tous y passer, en novembre. Parallèlement, tu donneras d’autres représentations de ton spectacle De ta force de vivre en 2025, et dès janvier, on pourra te découvrir dans la nouvelle série Passez au salon. Ces trois projets ont en commun la mort et le deuil...
Je sais, j’ai le thème de la mort qui me colle à la peau. (rires) Heureusement que Passez au Salon est une comédie! J’avoue que, lorsque cette belle série, qui aborde la mort, m’a été présentée, alors que j’avais déjà les deux pieds bien ancrés dans ma pièce et mon nouveau balado, j’ai quand même trouvé ça drôle qu’elle ait lieu dans l’univers des salons funéraires... mais j’ai pris ça comme un beau clin d’oeil. (rires)
Et que peux-tu nous dire au sujet du personnage que tu y joues?
J’incarne Cindy, une veuve qui va au salon funéraire pour les arrangements de son mari décédé. Mais comme il la trompait à tour de bras, elle se fout un peu pas mal de son départ, au point où elle vivra une idylle avec le directeur du salon. J’ai vraiment eu un plaisir fou à jouer ça avec une superbe équipe. J’ai très hâte de voir le résultat!
Dans ton balado et ton spectacle, tu parles de la mort et du deuil. Pourquoi as-tu eu envie de démystifier ces sujets?
C’est avec le décès de mon père, en 2016, que tout a pris forme. Mon père était un procureur de la Couronne. Il avait sa famille et une vie bien remplie, mais à 64 ans, la maladie l’a frappé. Il était atteint de deux maladies dégénératives combinées. En plus, il ne répondait à aucune médication et rien ne pouvait l’aider ni ralentir la dégénérescence, alors il dépérissait rapidement. Pendant cinq ans, j’ai accompagné mon père à travers la maladie, jusqu’à sa mort. Ce fut une grande épreuve et tout un cheminement de me suis retrouvée dans un deuil profond. J’avais de la colère en moi et j’étais perdue. Je vivais ça main dans la main avec mon frère. Une chance qu’il était là et que je pouvais me reposer sur son épaule. Pour le reste, j’en parlais à peine. Je restais vague en décrivant la situation, et je me sentais incapable de parler des émotions que je ressentais. J’étais confuse. Comment pouvais-je l’expliquer aux autres, alors que je n’arrivais même pas à me l’expliquer moi-même?
Faisais-tu du déni?
Je ne pense pas, non. Mais je crois que personne n’est vraiment préparé à voir son parent diminué ainsi et à le voir dépérir rapidement. C’était un choc et j’essayais de l’accompagner le plus sereinement possible. L’état d’esprit dans lequel je me trouvais était confus et, ce qui m’a choqué le plus, ç’a été de constater tout le silence qu’il y a autour de la mort. Évidemment, je n’arrivais pas dans un souper entre amis en partageant les détails de la condition de mon père, c’était trop lourd. Mais ça m’a fait réaliser à quel point on manquait d’outils face à la mort et au deuil.
La mort est encore un très grand tabou au Québec...
Oui, c’est incroyable! On n’est pas à l’aise de parler de la mort. On ne sait trop quoi dire quand quelqu’un de notre entourage perd un proche. Alors, on s’accroche à des phrases qu’on connaît, comme: «Il est mieux là où il est maintenant.» Sincèrement, je voulais hurler quand on me disait ça! J’en parle justement dans ma pièce, et tout le monde rit à ce moment-là. Alors, je ne dois pas être la seule qui déteste cette phrase. (rires) Il faut qu’on en parle. S’il y a une chose qui est inévitable dans la vie, c’est bien la mort, la nôtre et celle de ceux qu’on aime. Comme on s’en va tous vers ça, il faut être mieux outillé et ne pas se cacher. Mon père faisait partie de cette génération d’hommes qui ne parlent jamais de leurs peurs ou même de leurs émotions. Il avait peur de mourir et il n’en parlait jamais. Et c’est malheureusement trop fréquent. Dans mon balado, j’en ai parlé avec Luce Des Aulniers, une grande spécialiste en la matière. Elle est professeure, recherchiste et autrice. Je connaissais Luce depuis quelques années et parler avec elle m’a grandement aidée et guidée dans mon deuil. En fait, Luce a même influencé le rapport que j’ai aujourd’hui avec la vie. Grâce à elle, je comprends mieux mon humanité, car elle m’a donné des outils. Une chance, car je ressentais une grande culpabilité face à mon père, peu de temps après son départ.
De quoi te sentais-tu coupable?
J’ai porté la culpabilité de ne pas avoir parlé avec lui de la mort qui se pointait, car il y avait cette pudeur entre nous sur le sujet. Alors c’est probablement de là que mon envie d’en parler ouvertement est partie; à partir du moment où j’ai commencé à parler de la mort de mon père, de mes émotions et de mon deuil. À la suite de ça, il y a eu un calme qui s’est installé en moi, et j’ai réalisé que, dans la mort et le deuil, tout n’est pas noir ou blanc. Il y a énormément de zones grises. Dans mon balado, je donne des pistes et des clés sur les différentes étapes du deuil, en espérant que les gens qui vont l’écouter se sentiront mieux outillés pour la suite. C’est le but de ce balado, sur lequel je travaille depuis plusieurs années.
Tu es en couple avec Christian Bégin, et vous êtes même mariés! Est-ce grâce à ton cheminement par rapport au deuil que tu t’es sentie prête et ouverte à l’amour?
En fait, devant Christian, j’étais rendue connectée à ma personne et à ma vie. J’étais prête à vivre ça à cause de plusieurs petits deuils que j’avais traversés, mais ce n’était pas à cause du décès de mon père. Avant de rencontrer Christian, j’avais eu des deuils de relations personnelles et familiales, puis le deuil de ma maison, et tout ça a fait en sorte que je me suis reconnectée à mon essence et que je me suis rebâtie avec les années. Il y a vraiment toutes sortes de deuils dans une vie...
Et aujourd’hui, où en es-tu dans le processus du deuil de ton père?
Aujourd’hui, je peux dire que je suis en paix avec son départ, même si la tristesse revient parfois faire son tour. Je dois dire que ses derniers moments ont été décourageants, car il a agonisé et il a beaucoup souffert. J’ai ressenti de la colère longtemps. J’étais à broil, parce qu’il ne méritait pas ça et qu’il aurait dû avoir une mort plus douce et paisible. Et en même temps, si sa mort avait été douce et belle, je n’aurais jamais écrit la pièce De ta force de vivre ni même préparé un balado. Alors il fallait que ça se passe ainsi. Maintenant, quand je pense à mon père, je ressens surtout un amour profond.
On suit Marie-Ève sur les réseaux sociaux. Le balado On va tous y passer est disponible sur les plateformes. Pour les dates de De ta force de vivre, on se renseigne au www.filledepersonne.com. La nouvelle série Passez au Salon, réalisée par Jean-Carl Boucher, sera présentée à TVA les mercredis à 21 h, dès le 8 janvier.