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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Plateformes de location à court terme: louer votre logement sans permis peut vous coûter cher

Ce revenu d’appoint a coûté 11 250 $ d’amende à une femme qui a omis de s’inscrire

Line Bérubé a écopé d’une amende de plus de 11 000 dollars pour avoir omis d’inscrire auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec sa résidence principale située sur la couronne nord de Montréal, qu’elle loue lorsqu’elle s’absente pour son travail.
Line Bérubé a écopé d’une amende de plus de 11 000 dollars pour avoir omis d’inscrire auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec sa résidence principale située sur la couronne nord de Montréal, qu’elle loue lorsqu’elle s’absente pour son travail. Photo Martin Alarie
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Hélène Schaff

2023-03-25T04:00:00Z
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Pour plusieurs Québécois, louer leur logement lorsqu’ils s’absentent est une aubaine qui leur permet de gagner un revenu supplémentaire, reste qu’il faut prêter attention à la réglementation.

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« Je suis sortie d’un divorce super cher, alors j’ai décidé de louer mon logement sur Airbnb plutôt que de faire une faillite », explique Line Bérubé, propriétaire d’une bigénération sur la couronne nord de Montréal.

En tant que chef sur contrats, Mme Bérubé voyage à travers le Québec et s’absente souvent.

Lorsqu’elle n’est pas à la maison, elle loue son logement à des touristes de passage.

Depuis qu’elle a lancé l’opération en juin dernier, elle a loué 104 jours pour près de 12 000 $ de revenus, avant les dépenses.

Cela l’aide à payer ses dettes.

Et elle tient à se défendre : ce qu’elle fait ne contribue pas à la crise du logement.

« Si je ne louais pas, mon logement serait vide », clame la chef.

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L’histoire pourrait s’arrêter ici si Mme Bérubé ne venait pas de recevoir une amende.

Elle a omis d’obtenir son numéro d’enregistrement auprès de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ).

Elle et ses deux fils doivent à Revenu Québec un total 11 250 $ : 3750 $ pour chacun des copropriétaires de la bigénération.

Si elle avait fait les démarches pour obtenir son numéro, la demande à la Ville lui aurait coûté 300 $, en plus des 50 $ qu’elle aurait versés annuellement au CITQ.

Elle trouve que l’amende est salée, surtout pour ses copropriétaires qui, elle affirme, ne profitent pas des revenus de la location.

  •  Écoutez la chronique économique avec l’économiste Francis Gosselin au micro de Mario Dumont sur QUB radio : 

Compte rendu de 100 pages

Qui plus est, elle se dit « choquée » de l’enquête effectuée par Revenu Québec, dont le compte rendu fait une centaine de pages.

« Ça a dû coûter une fortune, s’indigne-t-elle. Si j’avais su qu’il fallait un numéro, je l’aurais fait. Tout ça aurait pu être évité si Airbnb exigeait le numéro d’immatriculation pour louer sur sa plateforme. »

Elle a désormais son permis et continuera à louer.

Autre ville, autre profil, mais mêmes motivations économiques.

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Géraldine Martin partira en France un mois cet été, comme elle le fait régulièrement. Mais avec l’inflation, ses dépenses ont augmenté et son budget est plus serré.

« Les billets d’avion et le logement coûtent vraiment plus cher, affirme-t-elle. Et cette année, je dois payer pour obtenir ma résidence permanente. »

Louer son logement à Québec pendant qu’elle est absente lui donnera un coup de pouce financier bien utile.

Bien choisir ses locataires

Par contre, pas question de louer à n’importe qui et à n’importe quel prix.

Mme Martin l’affirme : son objectif n’est pas de « faire du profit », mais que l’opération lui paie son loyer pour le mois où elle s’absente.

Elle tient à choisir une personne de confiance, peut-être une personne locale qui a besoin d’un logement temporaire.

Elle s’est fait contacter par une personne désireuse de s’installer chez elle pour le Festival d’été de Québec. Mais elle pense refuser.

« Je n’ai pas le goût de louer à quelqu’un que je ne connais pas et qui est en mode festival », explique celle qui souhaite préserver sa relation avec ses voisins.

LES GRANDES LIGNES DU MODÈLE D’AFFAIRES

Comment fonctionne l’hébergement privé de courte durée au Canada ?

VOYAGEURS

  • Réservent leurs inscriptions sur la plateforme de type Airbnb
  • Versent la totalité des frais d’hébergement (frais de nettoyage, dépôt de sécurité, etc.)
  • Paient à la plateforme les frais de service

PLATEFORMES

  • Intermédiaires numériques entre l’hôte et les voyageurs
  • Vérifient les renseignements personnels et assurent la protection de la transaction
  • Gèrent souvent toutes les transactions (échange de devises, frais, etc.)
  • Pour aider au bon fonctionnement de la plateforme et couvrir les coûts de gestion, la plateforme facture des frais de service lors de la confirmation d’une réservation. En règle générale, pour la plupart des hôtes, les frais de service s’élèvent à 3 %, mais certains en paient plus. 
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HÔTES

  • Inscrivent des propriétés et en gèrent la disponibilité
  • Fournissent des services d’hébergement en échange des frais (remise des clés, accueil des voyageurs, ménage, etc.)

 

Encadré par 81 règlements à Eastman

Nathalie Lemaire, mairesse d’Eastman, affirme que sa ville n’a pas assez de moyens pour s’assurer du respect de la réglementation et s’en remet aux plaintes de citoyens.
Nathalie Lemaire, mairesse d’Eastman, affirme que sa ville n’a pas assez de moyens pour s’assurer du respect de la réglementation et s’en remet aux plaintes de citoyens. Photo fournie par la ville d’Eastman

Pour continuer d’éviter les nuisances trop souvent vécues par ses résidents dans le passé, la municipalité d’Eastman a dû passer pas moins de 81 règlements, un vrai casse-tête.

« Ça a été très compliqué, c’est beaucoup d’énergie pour une petite municipalité », déplore la mairesse Nathalie Lemaire. 

Cela fait déjà une dizaine d’années que la municipalité située en Estrie a décidé de limiter les zones de locations à court terme. Elle souhaitait mettre fin aux nuisances que subissaient les résidents permanents.

« On a eu des pétitions parce que les gens louaient leurs résidences à des personnes qui venaient faire des gros partys, souligne l’élue. Ça faisait du couchsurfing dans la rue. »

Et la réglementation s’est avérée pour le moins efficace. Depuis qu’Eastman a restreint le nombre de zones où la location à court terme est permise, les plaintes ont cessé.

« Les propriétaires ont pris conscience que s’ils ne voulaient pas perdre leur droit, il fallait respecter la quiétude du voisinage », estime Mme Lemaire.

Alors quand la loi 67 a été adoptée pour autoriser la location à court terme dans les résidences principales dans tout le Québec, la municipalité d’Eastman a rapidement entamé les démarches pour que cela ne s’applique pas sur son territoire.

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« On avait déjà réglementé la location à court terme. Pour être conséquents, on a décidé de l’interdire aux résidences principales dans les endroits où c’était interdit de manière générale, c’est un peu logique », explique la mairesse.

Dirigeants monopolisés

Mais l’affaire n’a pas été facile à mener. À Eastman, qui compte quelque 2000 habitants, il a fallu ouvrir 81 registres, pour chaque zone administrative du territoire. Pour chacune des zones, la municipalité a calculé le nombre de signataires nécessaires pour devoir lancer un référendum. Une fois les registres complétés, il a fallu passer 81 règlements.

« Ça a vraiment monopolisé la direction générale et les adjoints, explique-t-elle. Ça a été beaucoup de travail pour finalement avoir la même réglementation qu’on avait avant. »

Des dérives qui constituent une menace à la tranquillité

Jacques Demers, le président de la Fédération québécoise des municipalités, estime que la loi 67 « contourne » le droit des citoyens à être consultés pour un changement qui peut les affecter.
Jacques Demers, le président de la Fédération québécoise des municipalités, estime que la loi 67 « contourne » le droit des citoyens à être consultés pour un changement qui peut les affecter. Photo Dominick Ménard

En l’absence de contrôles adéquats, la nouvelle loi 67 pourrait ouvrir la porte à bien des dérives et les citoyens sont en droit d’être consultés, estime le président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM).

« Ta maison, c’est ton principal investissement de vie et du jour au lendemain, ça peut devenir commercial avec des gens qui tournent à toutes les fins de semaine », lance Jacques Demers, président de la FQM et maire de Sainte-Catherine-de-Hatley.

Dans sa municipalité touristique en Estrie, la location à court terme était limitée à seulement trois zones du village. 

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Avant cela, de nombreux cas de nuisances avaient été rapportés par des citoyens.

La nouvelle loi aurait ouvert la location à court terme dans les résidences principales dans des zones où elle était interdite, un enjeu de taille pour la quiétude des habitants, estime le maire.

« Même en l’interdisant, il y a des gens qui ne respectent pas et c’est difficile à contrôler, explique M. Demers. Alors, imaginez la journée où on ne l’interdit pas ! »

Vérifier qu’un logement est une résidence principale apparaît difficile aux yeux du président. 

« Le risque, c’est qu’ils disent que c’est une résidence principale et que finalement c’est une résidence secondaire, souligne l’élu. La personne peut habiter chez son conjoint par exemple. Qui va vérifier ça ? Que ça ne devient pas un commerce ? »

Les résidents de sa ville étaient en droit d’être consultés à ce sujet, estime le maire. 

« Normalement, si on veut changer le zonage, il faut consulter le citoyen et la loi, elle permettait de contourner ça », lance M. Demers.

Le choix du statu quo

Le maire a donc proposé aux citoyens de rester comme avant : toute location à court terme serait interdite sur son territoire, hormis les trois zones dédiées au tourisme, et ce, y compris pour les résidences principales.

Seulement une poignée de personnes s’est opposée au règlement municipal. 

« En bout de ligne, on s’aperçoit que les municipalités qui ont consulté leurs citoyens, les gens souhaitent de façon très majoritaire garder leur quiétude », conclut l’élu. 

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